Actualités sur la leishmaniose canine - La Semaine Vétérinaire n° 1636 du 26/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1636 du 26/06/2015

MALADIE VECTORIELLE

Pratique canine

L’ACTU

Auteur(s) : Laurent Masson

L’extension de la maladie est confirmée vers le Sud-Ouest (en épargnant la région de Toulouse) et le Nord-Ouest, et plus lentement vers le Nord. Une recrudescence de cas humains est possible. Si la transmission vectorielle par les phlébotomes reste la principale modalité de transmission du parasite, d’autres voies permettent d’expliquer l’émergence de cas isolés en dehors des zones d’enzootie.

La leishmaniose canine connaît, en France comme en Europe, une dynamique d’extension de sa zone d’enzootie et des vecteurs, peut-être en raison des changements climatiques, a expliqué Patrick Bourdeau, diplomate EVPC et ECVD1, professeur à Oniris, lors du dernier congrès du Gedac2 en mars dernier. Des espèces animales sont porteuses en nombre grandissant de Leishmania infantum3, mais le chien est celle qui est le plus proche de l’homme (le chat est moins sensible et réceptif). En France, la maladie humaine est stabilisée car la population exposée est stable, mais une recrudescence de cas humains est possible si la zone d’enzootie canine s’étend.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La leishmaniose évolue de façon insidieuse en s’étendant cliniquement depuis une forme enzootique clinique vers une forme sporadique et, concernant le portage, d’une évolution holoenzootique non clinique vers une situation enzootique, expliquant l’évolution de cette maladie et l’observation de tous les cas intermédiaires entre les deux zones.

L’enquête nationale (la troisième) menée par le laboratoire de parasitologie-dermatologie-mycologie d’Oniris en 2010-20114 a permis de mieux connaître la situation en France. Notre pays est à la fois endémique et non endémique. La prévalence globale est similaire à celle de l’enquête précédente, avec une estimation entre 1,7 et 9,7/1 000 chiens atteints annuellement (soit une prévalence moyenne de 40 000 cas). Quatre zones ont été établies sur la base des résultats de l’étude de 2006 : endémique ; en extension (vallée du Rhône et tout le Sud-Ouest) ; où les phlébotomes sont potentiellement présents (avec en plus l’Est de la France) ; et sans risque de transmission vectorielle. L’évolution de 2006 à 2011 indique que la zone d’enzootie continue à s’étendre en périphérie où la maladie est très active, mais voit dans le même temps une baisse d’activité en son centre. L’extension de la maladie est confirmée vers le Sud-Ouest (en épargnant la région de Toulouse) et le Nord-Ouest, et plus lentement vers le Nord. Dans la zone d’extension, des cas sont observés dans des endroits où il n’y avait jamais eu de cas cliniques de leishmaniose. Les prévalences les plus élevées sont observées dans les Pyrénées-Orientales, la Corse, les Alpes-Maritimes et le Gard, soit les mêmes zones que pour les cas humains5.

TRANSMISSION

La transmission vectorielle par les phlébotomes reste la principale modalité de transmission du parasite, mais d’autres non vectorielles sont reconnues : transfusion sanguine, transmission verticale (mère aux fœtus). Celle horizontale (morsure entre chiens) est très fortement suspectée. Ces modalités permettent d’expliquer l’émergence de cas isolés en dehors de la zone d’enzootie et dans des pays indemnes de vecteurs. Mais leur portée réelle dépend de nombreux facteurs, à commencer par la réceptivité et la sensibilité des animaux. Il convient de sensibiliser les propriétaires sur le fait que la plupart des chiens ne déclarent pas la maladie et ne la développeront jamais, contrairement à ce qui a été dit pendant longtemps : « Infection ne veut pas dire maladie ». En zone endémique, l’infection se développe rapidement. La maladie traduit un déficit immunitaire, avec des facteurs favorisants : génétique (rottweiler, boxer) surtout, mais aussi pyodermite, infections intercurrentes bactériennes, virales ou parasitaires (ehrlichiose notamment, démodécie).

DIAGNOSTIC

La leishmaniose est une maladie générale, plus que dermatologique. Une enquête franco-européenne sur les six pays de la zone d’enzootie6 vient confirmer une première description française de 20067 et établit que les signes cliniques les plus fréquents sont l’amaigrissement et l’adénopathie, suivis d’une baisse de l’état général, une alopécie, un squamosis et des atteintes des griffes et de la truffe. Il est permis de considérer qu’il n’y a pas de leishmaniose clinique sans signe biologique. Il convient notamment de rechercher une atteinte rénale.

La leishmaniose peut être recherchée sur un animal sain, malade ou dans un contexte épidémiologique. Lors de suspicion clinique, la technique recommandée est la sérologie quantitative. La cytologie ganglionnaire est rapide, aussi sensible que la ponction de moelle et peu coûteuse, mais nécessite une réelle expertise. Chez un animal cliniquement sain, il est préférable de faire appel à la polymerase chain reaction (PCR), plus sensible, bien qu’un résultat négatif n’exclut pas la présence du parasite.

TRAITEMENT

Il est possible aujourd’hui de s’appuyer sur un grading8 fondé sur quatre stades qui se définissent à partir des données sérologiques, cliniques et de laboratoire (notamment atteinte rénale ou non, voir tableau). L’antimoine de méglumine est toujours associé à l’allopurinol, mais est contre-indiqué au stade IV. Disponible dans la plupart des pays mais pas en France, la miltéfosine est mieux tolérée, mais ni plus efficace ni plus rapide que l’antimoine de méglumine. La dompéridone n’a pas totalement démontré son efficacité et son innocuité est mise en cause chez l’homme. Elle ne peut être actuellement proposée systématiquement en prévention. Le traitement leishmanicide dure en général un mois et l’allopurinol est poursuivi souvent un an, l’objectif étant d’obtenir une sérologie inférieure à 80. La prescription prophylactique à vie de l’allopurinol, leishmaniostatique, est possible mais pas concluante. Enfin, un aliment pauvre en purine peut représenter un intérêt chez le chien insuffisant rénal, en prévention d’une cristallurie de calculs de xanthine. Un suivi est réalisé à J30, puis tous les trois à quatre mois la première année et, ensuite, tous les ans. La sérologie n’est pas nécessaire avant six mois, car elle évolue lentement. L’électrophorèse des protéines sériques est préférable pour suivre la réponse au traitement.

PRÉVENTION

La première mesure à mettre en place est un traitement par pyréthrinoïdes (collier, spot on ou spray), en resserrant les intervalles entre deux applications. Cela concerne tout chien non infecté exposé en zone d’enzootie, mais aussi tout chien infecté malade ou asymptomatique afin de limiter son rôle de source pour les autres chiens et l’homme. La vaccination n’empêche pas l’infection de l’animal mais elle en limite les conséquences en réduisant le risque de maladie. Elle semble aussi diminuer l’infectivité du chien et donc son rôle de réservoir. Il n’est pas utile de vacciner l’animal qui passera seulement trois semaines en zone endémique lors des vacances. Il ne faudrait vacciner un chien que si sa sérologie quantitative est strictement négative. Tout chien importé doit être testé. En cas de sérologie négative, il est possible de procéder en plus à une PCR multiple, plus sensible pour détecter l’infection.

Source : conférence de Patrick Bourdeau, congrès du Gedac en mars 2015 à Paris.

  • 1 European Veterinary Parasitology College et European College of Veterinary Dermatology.

  • 2 Groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

  • 3 Par exemple, le lièvre ibérique a été à l’origine d’un épisode de nombreux cas de leishmaniose humaine à Madrid, de 2009 à 2012 (Molina et coll. Vet Parasitol. 2012).

  • 4 Bourdeau P., Roussel A. Canine leishmaniosis in France : results of a national survey with 1 345 clinics. EVPC symposium. Zagreb 2011.

  • 5 Bourdeau P. et coll. Distribution of canine leishmaniosis in France : a cartography model based on diagnosed cases in veterinary clinics. EVPC symposium. Dublin 2014.

  • 6 Bourdeau P. et coll. Management of canine leishmaniosis in endemic SW European regions : a questionnaire-based multinational survey. Parasit. Vectors. 2014;7:110.

  • 7 Bourdeau P., Mallet M. Clinical aspects of canine leishmaniosis (L. infantum). ESVD-ECVD congress, Chalkidiki 2005.

  • 8 Solano-Gallego L. et coll. LeishVet guidelines for the practical management of canine leishmaniosis. Parasit. Vectors. 2011;4:86.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr