TÉMOIGNAGES - La Semaine Vétérinaire n° 1635 du 19/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1635 du 19/06/2015

Dossier

Auteur(s) : Hélène Rose

HERVÉ PETIT, L 85, de l’association Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF).

« Le maintien de la biodiversité au cœur de notre action »

AVSF1 travaille en priorité avec les populations rurales les plus pauvres. Nous développons et pérennisons l’agriculture familiale, source de revenus locaux, d’emploi, de maintien du tissu social. Toutes les productions de ces paysans sont cultivées et élevées de manière naturelle, avec un faible niveau d’intrants, favorable à la durabilité de l’environnement, et à une bonne qualité sanitaire. Nous valorisons les produits locaux, comme le café Typica en Amérique latine et aux Caraïbes, le cacao créole en Haïti, ou les pommes de terre de couleur dans les Andes. Maintenir la biodiversité des espèces domestiques permet de conserver une banque génétique, véritable atout pour faire face à de mauvaises récoltes et au changement climatique, et pour maintenir la diversité de l’alimentation humaine. Autant que possible, nous intervenons dans des zones où la flore et la faune sauvage sont protégées mais insuffisamment surveillées : améliorer les conditions de vie des habitants diminue le braconnage de subsistance. En tant que vétérinaires, nous améliorons les protocoles d’élevage, la santé et le bien-être animal, en donnant la priorité aux races locales. Par exemple, en Asie, cela concerne surtout les porcs et les volailles. En Afrique de l’Ouest, nous privilégions la vache N’dama, tolérante à la trypanosomiase. En Mongolie, nous avons créé deux coopératives de traitement des fibres de cachemire, avec le soutien du FFEM2 : 350 familles d’éleveurs nomades se sont engagées à protéger et à régénérer les pâturages, gravement menacés dans ce pays.

Propos recueillis par Hélène Rose

CLAIRE BEAUVAIS, A 93, membre de la commission apicole de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

« Réfléchir à nos pratiques quotidiennes »

En tant que vétérinaire en apiculture, je me dois de soutenir la filière de production du miel en veillant à la bonne santé des abeilles domestiques, sans oublier qu’elles peuvent entrer en compétition trophique avec les abeilles sauvages, nécessaires au maintien de la biodiversité. Je m’interrogeais déjà sur l’innocuité des antiparasitaires lorsque je travaillais en clientèle canine. L’impact sur l’environnement des traitements individuels des animaux de compagnie est considéré comme négligeable pour l’obtention des autorisations de mise sur le marché, mais nos chiens et nos chats ne vivent pas en vase clos et peuvent disséminer les molécules par leur pelage et leurs excreta. L’imidaclopride, par exemple, a un spectre large, actif sur la faune non cible, et une rémanence qui peut atteindre plusieurs mois. La DL50 par contact est de 81 ng par abeille, mais des doses bien plus faibles entraînent une toxicité chronique. Une pipette antipuce pour chat peut en contenir 20 mg, soit 250 000 fois la dose toxique pour une abeille1. L’association de molécules implique d’autre part une synergie d’action biocide. L’élimination des déchets doit être prise en considération car cela représente de gros volumes. Prescrire les antiparasitaires de manière raisonnée, après estimation du risque représenté par la présence de parasites, comme nous l’apprenons dans les écoles, me semble essentiel si nous ne voulons pas que la profession dans son ensemble soit pointée du doigt.

H. R.

BENJAMIN GUICHARD1, N 98, de l’Agence des aires marines protégées à Brest (Finistère).

« Bien connaître le milieu marin pour mieux le protéger »

Je travaille actuellement sur la surveillance des populations de mammifères marins et de tortues marines, dans le cadre de la directive-cadre “Stratégie pour le milieu marin” (DCSMM), qui vise à rétablir le bon état écologique des mers européennes. Également à l’Agence des aires marines protégées2, mon collègue François Colas (ISPV3, L 81) dirige pour sa part la mission de préfiguration du parc naturel marin (PNM) de la Martinique, qui devrait voir le jour en 2016. Ce sera le 9e des dix PNM prévus par le Grenelle de la mer, les premiers étant ceux d’Iroise, de Mayotte, du golfe du Lion et des estuaires picards et de la mer d’Opale.

Je représente aussi l’agence au comité de suivi du Réseau national d’échouages des mammifères marins (RNE), coordonné par l’observatoire Pélagis4 à La Rochelle. Près de 1 500 échouages ont été constatés en 2014, et leur nombre augmente constamment depuis une dizaine d’années, sans que nous puissions vraiment l’interpréter à ce jour. Moins d’une vingtaine de vétérinaires font partie des 400 correspondants du réseau. Les autopsies qu’ils pratiquent sont pourtant très utiles, et tout vétérinaire peut en faire après une courte formation : l’autopsie d’un phoque ressemble à celle d’un grand chien ! Nous souhaiterions d’ailleurs que des confrères rejoignent le RNE, en particulier sur les façades de l’Atlantique et de la Manche. Outre les maladies identifiables lors des échouages récents, nous nous intéressons beaucoup à l’impact des ondes sonores à haute fréquence, et aux lésions de l’oreille interne qu’elles entraînent.

H. R.

JEAN HARS, L 75, IGSPV1, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

« Faune sauvage locale et problèmes sanitaires »

Notre objectif est de connaître l’état sanitaire de la faune sauvage, chassable ou non, de comprendre l’épidémiologie des maladies et d’essayer de les gérer. Cette gestion passe notamment par le contrôle des densités d’animaux sauvages, mais peut faire appel, par exemple, à la vaccination orale des sangliers contre la peste porcine dans les Vosges du Nord, qui a porté ses fruits, ou au développement d’un vaccin oral contre la tuberculose chez les blaireaux. Grâce à la collecte des animaux sauvages retrouvés morts, le réseau Sagir2 est une précieuse source d’informations sur les maladies. De plus, 50 000 chasseurs sont maintenant formés à l’examen initial de la venaison, et envoient aux laboratoires vétérinaires départementaux (LVD) les carcasses anormales. Mis au service de l’ONCFS par le ministère de l’Agriculture, j’interviens sur les principaux dossiers sanitaires qui engendrent de nombreuses réunions à Paris ou dans les départements concernés, voire des communications internationales. Chaque crise peut opposer les éleveurs, les chasseurs, les associations de protection de la nature, les services vétérinaires, dont les sensibilités et les objectifs sont divergents. D’où la tournure politique que prennent certains dossiers, comme celui du bouquetin des Alpes (espèce protégée) du massif du Bargy en Haute-Savoie, réservoir de brucellose, en zone de production du reblochon fermier au lait cru. L’abattage partiel des tranches d’âge les plus infectées n’a eu aucune efficacité, la bonne stratégie reste encore à trouver…

Propos recueillis par Hélène Rose

ARNAUD GRETH, N 86, de l’organisation non gouvernementale Noé.

« Répondre à l’attente du grand public »

L’originalité de Noé1 est son positionnement en faveur de la biodiversité ordinaire, de proximité (même si nous avons aussi plusieurs programmes internationaux). Notre discours est positif, mais il n’est pas naïf, et reste engagé. Nous avons développé de nombreux outils pour les collectivités locales et les entreprises, qui sont applicables aux structures vétérinaires. Ainsi, 4 000 jardins adhèrent aujourd’hui à notre charte des Jardins de Noé2, et nous élaborons les Maisons de Noé, intégrant la biodiversité au bâti. Parmi nos autres actions, nous mettons à la disposition des collectivités une charte de l’éclairage durable et des outils, afin de respecter la biodiversité nocturne. La pollution lumineuse a en effet fortement augmenté en France, ce qui est une menace pour notre faune sauvage, 60 % des espèces d’animaux vivant la nuit. Noé a aussi élaboré des mélanges de graines sauvages, afin de restaurer les prairies dégradées et de favoriser les pollinisateurs sauvages. Protéger à long terme nécessite de recréer le lien entre l’homme et la nature, pour qu’il la respecte. Et je suis convaincu qu’en s’engageant clairement pour la sauvegarde de la biodiversité, le monde du vivant, la profession répondrait à une attente forte du grand public !

H. R.

« Une opportunité rentable pour les entreprises »

Se définissant comme « ni écolo, ni altermondialiste », l’auteur d’une thèse sur « la clinique vétérinaire et le développement durable »1 explique que ce concept est devenu inévitable pour notre profession. Non seulement pour l’avenir en général, mais aussi pour celui de la clinique vétérinaire, de son développement et de sa pérennité. « Les associations, les riverains, les autorités ou les collectivités manifestent des exigences et questionnent de plus en plus l’entreprise sur son positionnement par rapport aux questions sociales et environnementales ». Il explique notamment que « le virage bien réel en faveur du développement durable dans l’opinion publique est, lui, un souffle de changement fort, qui deviendra encore plus efficace par le relais des entreprises. Il ne faut pas prendre cette tendance comme la dernière idée à la mode. L’accroissement de la prise de conscience de cette notion par le grand public exigera de plus en plus de transparence et de résultats concrets auprès des clients ». Il cite dans sa thèse les « sept résistances fréquemment rencontrées chez les vétérinaires dans une démarche de développement durable » et y apporte des réponses, via des exemples d’actions concrètes pouvant être mises en oeuvre. Selon lui, l’intégration du développement durable offre à la clinique vétérinaire des opportunités telles que :

– améliorer l’image qu’elle donne, accroître la crédibilité et la confiance ;

– stimuler et fédérer l’ensemble de l’équipe ;

– mieux répondre aux attentes des clients et des parties prenantes, économiques, sociales et environnementales ;

– maîtriser les risques et les coûts environnementaux et sociaux.

Nathalie Devos

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