La douleur ostéo-articulaire chez le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1635 du 19/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1635 du 19/06/2015

SYNTHÈSE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Mathieu Taroni*, Thibaut Cachon**

Fonctions :
*Service de chirurgie de VetAgro Sup
**Diplomate ECVS, service de chirurgie de VetAgro Sup

Du fait de la médicalisation de plus en plus importante du chat, la prise en charge de sa douleur, notamment chronique, est un sujet d’intérêt. Cependant, ses particularités soulèvent plusieurs questions.

Comment la reconnaître ?

Les affections ostéo-articulaires peuvent être aiguës (fractures, entorses, etc.) ou chroniques (arthrose, notamment). Si les premières sont le plus souvent repérées par le propriétaire ou le vétérinaire, les secondes, d’apparition insidieuse, sont plus difficiles à mettre en évidence chez le chat. L’arthrose, par exemple, est caractérisée par le développement progressif d’une douleur articulaire, d’une raideur et d’une perte d’amplitude de mouvement. La douleur s’installe progressivement en se répercutant sur la qualité de vie de l’animal.

Modifications comportementales

Les manifestations de la douleur chez le chat sont plus discrètes que chez le chien et se traduisent principalement par des modifications comportementales. En effet, une boiterie est présente chez seulement 4 à 17 % des chats arthrosiques. De la même manière, les modifications des constantes vitales (fréquences cardiaque et respiratoire, pression sanguine, concentration sérique en cortisol) ne sont pas des indicateurs fiables de la douleur chez le chat. Ainsi, le standard actuel pour le diagnostic d’une douleur chez le chat est principalement basé sur l’observation de son comportement et de ses interactions sociales. Lors d’arthrose, les propriétaires rapportent généralement une réticence au saut. Le chat change d’endroit pour faire sa toilette et peut avoir des difficultés à utiliser sa litière. Il dort plus, joue moins, se repose en recherchant des endroits confortables. Il fait moins ses griffes : il a de fait tendance à se prendre les pattes dans les tapis et le propriétaire peut remarquer un cliquetis des griffes sur sol dur. La prostration peut apparaître en cas d’exacerbation de la douleur. Le tempérament du chat peut également être affecté : irritabilité, fuite des contacts, voire agressivité. Chez l’animal âgé, ces signes sont souvent interprétés comme ceux du vieillissement. De plus, certains éléments de ce tableau clinique peuvent également être le reflet d’affections organiques comme l’insuffisance rénale ou l’hyperthyroïdie. Ainsi, les modifications comportementales décrites ci-dessus doivent inciter le praticien à rechercher une cause de douleur chronique.

Examen clinique

La mise en évidence d’une douleur arthrosique lors de l’examen clinique du chat est également difficile. L’environnement doit être calme et silencieux pour limiter le stress. Lorsqu’il est observé en liberté dans une salle de consultation, le chat ne marche pas en ligne droite et cherche à explorer ou à se cacher, ce qui rend l’interprétation de l’examen à distance plus compliquée. Un animal stressé peut répondre aux palpations et manipulations sans pour autant éprouver de réelle douleur. Enfin, les gonflements articulaires, la perte d’amplitude de mouvement et les crépitements sont moins évidents que chez le chien. En résumé, il peut être difficile de diagnostiquer une douleur ostéo-articulaire chez un chat lors de l’examen clinique. Ainsi, en présence de nombreux éléments de suspicion et en l’absence de contre-indications, un essai thérapeutique peut être envisagé.

Comment la gérer ?

AINS

La douleur ostéo-articulaire affecte la qualité de vie de l’animal et nécessite une prise en charge médicale. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont les molécules les plus intéressantes dans ce contexte. Leur valence analgésique permet une utilisation large. Lors de douleurs aiguës (comme lors d’un traumatisme chirurgical par exemple), une analgésie préventive par injection d’AINS préopératoire est plus efficace que la mise en place du traitement en postopératoire, même immédiat. Lors de douleurs chroniques comme lors de maladie articulaire dégénérative, les AINS permettent à l’animal de retrouver une qualité de vie acceptable.

Analgésie multimodale

Certaines molécules peuvent être adjointes aux AINS afin d’optimiser le traitement en agissant sur des voies de la douleur différentes, en particulier le tramadol et la gabapentine1 lors de douleur chronique. L’utilisation de cette dernière a été décrite chez le chat en complément du méloxicam ou de la buprénorphine, sans que son efficacité réelle, fortement suspectée, n’ait toutefois été prouvée.

Quelles précautions convient-il de prendre ?

Lors de la mise en place d’un traitement AINS, un bilan clinique et biologique doit être réalisé. Les fonctions rénale et cardio-vasculaire en particulier doivent être explorées afin de prévenir les effets secondaires que le traitement peut engendrer sur des animaux débilités (voir plus loin pour l’insuffisance rénale). Un suivi bi-annuel est de mise par la suite. Dès lors que le traitement est entrepris, il convient de favoriser la prise de boisson (multiplication des points d’eau, renouvellement régulier de l’eau, fontaines, alimentation humide, etc.).

Peut-on traiter un chat insuffisant rénal avec des AINS ?

La fonction rénale, et notamment le flux sanguin intrarénal, dépend en partie de l’action des prostaglandines. Celles-ci sont produites localement et dépendent des COX-2 constitutives du rein. Pour un animal hypovolémié ou hypotendu, l’inhibition de la production de ces prostaglandines par un traitement AINS augmente le risque de dégradation de la fonction rénale. C’est pourquoi l’insuffisance rénale est décrite comme une contre-indication à la mise en place d’un traitement AINS. Plusieurs nuances peuvent toutefois être apportées. Tout d’abord, des études ont montré que l’administration d’AINS sur le long terme à des chats insuffisants rénaux ne réduisait pas l’espérance de vie, même pour des chats en stade IRIS2 II ou III, à condition que l’insuffisance rénale soit stable et que le suivi soit rigoureux. D’autres études ont également montré qu’un traitement AINS sur un animal insuffisant rénal n’aggravait pas de manière significative la fonction rénale, sous réserve que l’animal soit normo-tendu et normovolémique. Enfin, les études de mise sur le marché des AINS récents semblent indiquer que la néphrotoxicité de ces derniers, même à forte dose, est limitée.

Il est logique de penser que l’intérêt des coxibs permettant d’inhiber spécifiquement la COX-2, et donc de limiter les effets secondaires des AINS, est le même chez le chat que chez le chien. Ainsi, si les AINS doivent être évités dans la mesure du possible chez un animal insuffisant rénal, ils peuvent être utilisés lorsque la clinique le nécessite avec une relative bonne tolérance si certaines précautions sont prises. Il convient tout d’abord que l’insuffisance rénale soit stable, et ensuite que l’animal soit correctement hydraté au cours du traitement. Favoriser la prise de boisson est donc essentiel. Une alimentation humide est fortement conseillée. Un suivi clinique et biologique rapproché, tous les 1 à 3 mois, est indiqué afin de détecter une éventuelle dégradation rénale. Enfin, le consentement éclairé du propriétaire doit être obtenu lors de la mise en place du traitement.

  • 1 Molécules de la pharmacopée humaine.

  • 2 International Renal Interest Society.

  • Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur http://bit.ly/1KKHHab.

POINTS FORTS

– Les manifestations de la douleur chez le chat sont plus insidieuses que chez le chien et se traduisent principalement par des modifications comportementales.

– La mise en évidence d’une arthrose chez le chat est parfois difficile, aussi un essai thérapeutique peut être envisagé.

– Lors de douleurs chroniques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) permettent de retrouver une qualité de vie acceptable. Ils peuvent être utilisés chez l’insuffisant rénal, sous couvert d’une hydratation correcte.

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