L’animal n’est pas seulement vivant, c’est un être existant - La Semaine Vétérinaire n° 1634 du 12/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1634 du 12/06/2015

Dossier

Parler de conscience animale est une facilité de langage qui, dans une certaine mesure, reflète la grande rupture dont l’anthropocentrisme ne parvient pas à se défaire : il y a l’homme d’un côté, tout le reste de l’autre, sans distinction. Sous cet angle, il est insensé de parler de conscience animale, étant donné la diversité des organisations psychobiologiques. Il conviendrait de parler des consciences animales spécifiques. Il est tout aussi insensé de limiter la conscience à une fraction de son activité : la conscience réflexive conceptuelle et linguistique qui est propre à l’être humain une fois qu’il possède le langage, grâce auquel il peut faire un retour sur son expérience en la décrivant.

Toutefois, la notion de conscience animale, prise à un niveau de généralité, permet de s’interroger sur l’existence d’une vie de conscience, qui se déroule en dehors de cette représentation linguistique humaine.

Pour la première fois dans la philosophie occidentale, dans la première moitié du xixe siècle, Hegel pense l’animal comme une subjectivité inquiète, dans un monde qui lui est étranger et qu’il doit affronter. Cette thèse rompt avec l’idée de l’animal “simple vivant”. Le fondateur de la phénoménologie, Edmund Husserl, a mis en évidence les structures psychologiques de l’intentionnalité : toute conscience est tendue vers un objet, elle a une visée, et cette structure intentionnelle n’est pas le privilège des êtres humains. Pour sa part, le médecin et philosophe des sciences Georges Canguilhem a beaucoup insisté sur le fait que l’animal ne se pense pas sans son milieu. Chaque espèce est en relation avec les éléments du monde qui ont pour elle un sens. Les animaux ne peuvent ainsi pas être regardés comme des automates, régis par on ne sait quelle puissance externe ou impulsion interne, des êtres abstraits.

Maurice Merleau-Ponty, parmi d’autres, revendique cette notion d’existence pour l’animal. L’existence est une modalité de la vie. Les animaux se comportent de manière à la fois spécifique et libre, spontanée, à l’intérieur de ce cadre. Il en va de même pour l’humain. Le fait de naître, d’avoir une vie de relation avec d’autres individus, d’être soumis à des dangers, etc. constitue une expérience individuelle unique pour chaque animal. Je vis ma vie, je suis mon corps, mes expériences sont les miennes : cette perspective vaut pour les animaux.

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