Différents paliers, différentes formes de conscience

Il existe deux types de conscience, qui émergent par palier dans le règne animal : la conscience d’accès et la conscience phénoménale. La première est celle de l’environnement. De nombreux arguments expérimentaux prouvent que les animaux ont conscience de leur environnement : ils reconnaissent qu’à un endroit se trouve de la nourriture, à un autre un danger, etc. La conscience d’accès est démontrée de façon empirique chez les vertébrés, qui ont un cortex cérébral. Si les arcs réflexes passent par la moelle épinière et non par le cerveau, les réponses aux grandes questions de vie, comme la recherche de nourriture, par exemple, nécessitent davantage qu’une réponse immédiate et inconsciente. Les pieuvres ont l’équivalent d’un cortex cérébral. La question est de savoir quand cette conscience émerge. Des arguments suggèrent que les crustacés, par exemple, ont des comportements intelligents, mais sont-ils conscients ? Les poissons n’ayant pas de néocortex, une théorie considère qu’ils ne ressentent pas la douleur, comme un homme anesthésié chez lequel la nociception n’est pas consciente. Or, ils ont d’autres types de cortex, ce qui ne permet pas de conclure qu’ils n’ont pas de conscience. La seule chose que l’on peut affirmer est qu’elle se présente sous une forme différente de la nôtre.

La conscience phénoménale est celle de soi : je suis conscient d’être conscient. On l’a longtemps pensée réservée à l’homme, mais le test du miroir démontre qu’elle existe chez plusieurs espèces. Ce test consiste, par exemple chez les chimpanzés, à faire une tache de peinture sur le front de l’animal et à lui présenter un miroir : il essaie d’effacer la tache, signe qu’il se reconnaît dans le miroir. L’épinoche attaque son reflet, croyant qu’il s’agit d’un autre poisson. On peut penser que ce test ne fonctionne que chez les animaux à dominante visuelle. Il ne met rien en évidence chez le chien, par exemple. Dans son cas, il devrait être réalisé avec une sorte de miroir olfactif : le chien se reconnaîtrait à son odeur.

L’homme est fier de son cerveau, ainsi que de son langage articulé : il les place parmi les critères de supériorité par rapport aux animaux. Mais chaque espèce est supérieure dans son domaine, et s’il y a des caps de conscience, il y a surtout des consciences de différents types, que nous ne pouvons percevoir que de manière indirecte, par l’analyse du comportement. Dans quelques décennies, l’imagerie permettra peut-être de voir des témoins anatomiques et physiologiques de la façon dont se manifeste la conscience, même si cela semble difficile avec des espèces très différentes de la nôtre.