Détecter la maltraitance animale - La Semaine Vétérinaire n° 1634 du 12/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1634 du 12/06/2015

EXPERTISE

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ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : Marine Neveux

L’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) a organisé trois jours d’enseignement et son assemblée générale du 4 au 6 juin à Lyon (Rhône). Morceaux choisis.

Un succès pour ces trois jours de conférences de l’AFVE, présidée par notre confrère Christian Diaz. Ces journées se sont tenues dans les locaux du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires de Rhône-Alpes, présidé par notre confrère Jean-Marc Petiot. Le rôle d’expert du vétérinaire a été abordé sous plusieurs angles, riches d’expériences pratiques. La journée du 6 juin a été entièrement consacrée à l’expertise du bien-être et de la maltraitance.

La profession a un rôle clef à jouer dans ce domaine, comme l’ont expliqué les différents intervenants. Les prérequis à l’expertise de la maltraitance sont de savoir évaluer le bien-être d’un animal, mais aussi de savoir déterminer avec objectivité des points limites, quel que soit le type de maltraitance, explique notre consœur Dominique Autier-Dérian (L 87), consultante en bien-être animal.

Une prise de conscience récente

« En 2011, aucune étude vétérinaire en France ne portait sur la maltraitance, alors que les vétérinaires anglo-saxons s’étaient déjà mobilisés sur le sujet », constate Dominique Autier-Dérian.

Où commence la maltraitance ? Une typologie est née d’un constat fait en médecine humaine, où un pédiatre avait constaté que la maltraitance auprès des enfants n’était pas prise en compte. En 1962, Kempe a ainsi proposé que la maltraitance infantile fasse partie du diagnostic différentiel. En 1996, par analogie, Munro a suggéré que l’on puisse parler de maltraitance dans une possibilité diagnostique pour un praticien vétérinaire.

Différents types de maltraitance

La maltraitance peut revêtir différents aspects. La thèse de notre consœur Marine Fouquet les aborde en détail.

• Les abus physiques peuvent être classés en différentes catégories. Les coups et les blessures sont aussi classés selon que l’objet est contondant ou non. L’approche diagnostique consiste à avoir le plus possible d’indices pour ne pas forcément croire sur parole la personne qui amène l’animal. Les armes à feu sont la deuxième cause de maltraitance active. Les noyades et les asphyxies (des chatons, par exemple) sont considérées comme des actes de maltraitance, de même que les pièges et les collets.

• Tout abus sexuel envers les animaux doit être considéré comme de la maltraitance, qu’il soit ou non associé à une violence physique. Rarement abordés, les abus sexuels peuvent revêtir des formes variées.

• La négligence consiste à ne pas subvenir aux besoins physiques ou psychologiques d’une personne ou d’un animal.

• L’animal hoarding est le fait d’accumuler des animaux en grand nombre, sans pouvoir subvenir à leurs besoins. Les animal hoaders sont parfois même des vétérinaires…

• La maltraitance émotionnelle.

« Nous disposons aujourd’hui d’outils diagnostiques. L’enjeu de l’expertise de la maltraitance est de savoir où elle commence », remarque Dominique Autier-Dérian. La première étape est la détection, suivie de celle de l’examen clinique sur l’animal vivant, ou de l’autopsie lors de mort de l’animal, pour essayer de recueillir des preuves. Des examens complémentaires peuvent s’avérer nécessaires avant de constituer un dossier de preuves. L’étape suivante concerne les suites à donner au constat de maltraitance. « Il convient de mesurer le risque que l’on va prendre par rapport à l’animal, au vétérinaire, et à leur entourage », selon notre consœur.

Maltraitances animale et humaine

L’animal peut-il être une sentinelle de la maltraitance humaine ? « De nombreux arguments scientifiques et épidémiologiques le montrent », poursuit Dominique Autier-Dérian. Un individu cruel envers les animaux, ou qui l’a été dans son enfance, est à facteur accru de violence envers les personnes. 71 % des femmes battues déclarent que leur partenaire a menacé de maltraiter et/ou de tuer un animal ou plusieurs animaux du foyer.

Des études sont en cours sur les massacres dans les campus aux États-Unis, corrélés à des actes de cruauté sur des animaux. D’autres recherches portent sur les prisonniers.

Aspects législatifs en France et à l’étranger

Le tour d’horizon de la législation selon les pays, présenté par Denise Rémy, enseignante en éthique animale à VetAgro Sup, a captivé l’audience.

• En France, le statut de l’animal a récemment évolué dans le Code civil. Le Code rural présente les principes généraux de la protection animale. La maltraitance animale en tant que telle n’est définie nulle part. En revanche, les mauvais traitements, tels que la négligence, les violences physiques ou les situations de privation, le sont plus ou moins. Le Code pénal aborde les sanctions.

Certes, les textes sont là, mais qu’en est-il de leur application ? « En France, la jurisprudence est clémente, mais il semble que les sanctions aillent croissantes. Le problème se pose de ce qui relève du mauvais traitement ou d’un acte de cruauté. Le juge est souverain, et les conséquences sont importantes », développe Denise Rémy.

• La Suisse est le pays où la législation en matière de protection animale est la plus aboutie. La loi fédérale du 9 mars 1978 sur la protection des animaux est très complète. Les enquêtes et les jugements d’infractions sont sous la responsabilité du canton (il s’agit du service vétérinaire du canton).

• L’Allemagne bénéficie aussi d’une longue tradition de protection animale, qui est inscrite dans la Constitution depuis 2002. La jurisprudence révèle une application stricte, ce qui n’est pas le cas en France.

• Au Royaume-Uni, les premières notions de protection animale pour le bétail apparaissent dès 1822. En 2005, l’Animal Welfare Bill est une loi majeure. La Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) est très puissante, et joignable par téléphone 24 heures sur 24. Le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS), équivalent de l’Ordre, précise dans son code que la confidentialité du vétérinaire est importante, mais qu’elle peut être rompue si le bien-être de l’animal ou la santé publique sont menacés.

• Le Canada, à l’exception du Québec où les vétérinaires sont tenus de déclarer à leur instance les cas de maltraitance, est frileux dans ce domaine.

• Aux États-Unis, aucune loi fédérale ne mentionne la maltraitance animale, qui diffère selon les États, en particulier en ce qui concerne les animaux de ferme. L’American Veterinary Medical Association (AVMA) encourage les praticiens à dénoncer les cas de maltraitance. Onze États imposent aux vétérinaires d’informer de la suspicion de maltraitance, tandis que 27 ont instauré une immunité pour les confrères qui déclarent de bonne foi des cas de maltraitance.

En conclusion, il serait souhaitable, en France, que les lois existantes soient appliquées, et que les vétérinaires soient déliés de leur secret professionnel lors de constatation d’actes de cruauté ou de maltraitance réitérée, malgré l’information et l’éducation. Des lois ouvrant droit à l’immunité des praticiens pourraient également être envisagées.

ÉVOLUTION DE L’ASSOCIATION

L’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) compte aujourd’hui plus de 110 membres, dont la moitié sont des experts judiciaires, et l’autre des experts privés ou des confrères intéressés par les aspects juridiques.

L’association poursuit sa modernisation, notamment avec un projet d’évolution et de remaniement du site, présenté par Franck Dhote.

L’assemblée générale extraordinaire permet de modifier les statuts pour créer une compagnie nationale des vétérinaires experts de justice (CNVEJ), pour élargir la visibilité des confrères auprès des tribunaux tout en restant une section de l’AFVE. La CNVEJ regroupe les vétérinaires inscrits sur une liste judiciaire et membres d’une compagnie de leur ressort (l’adhésion à la compagnie n’impose pas celle à l’AFVE).

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