Responsabilité du vétérinaire : 7 points à retenir - La Semaine Vétérinaire n° 1633 du 05/06/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1633 du 05/06/2015

Dossier

Les responsabilités civile et pénale du vétérinaire sont nombreuses. Ugo Le Coeur, avocat du cabinet Duvivier & Associés, et Christian Diaz, président de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE), les récapitulent en les explicitant.

1 Le contrat de soins

« La jurisprudence considère qu’il existe entre les praticiens et leurs clients un contrat de soins, même en l’absence d’écrit », explique Ugo Le Coeur. Dans ce cadre, le vétérinaire a une obligation de moyens, celle de soins consciencieux, attentifs et, sauf circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. Le praticien n’a pas l’obligation de guérir ni de sauver l’animal, ce qui constituerait une obligation de résultat, mais de mettre en œuvre tous les moyens pour y parvenir (arrêt Mercier de 1936, étendu aux vétérinaires en 1941).

« Le vétérinaire est donc responsable contractuellement des fautes qu’il commet. Ainsi, sa responsabilité peut être engagée en cas d’utilisation de médicaments incompatibles entre eux ou de mise en place d’un traitement sans examens suffisants. »

Lors d’interventions chirurgicales, relevant de l’obligation de moyens, le praticien devra veiller aux examens préopératoires, au risque anesthésique et au suivi postopératoire, qui feront l’objet d’une information (voir ci-dessous).

« Dans le cadre du contrat de soins, l’engagement de la responsabilité du praticien nécessite trois éléments : une faute, un dommage, un lien de causalité entre ces deux éléments. La charge de la preuve appartient au client », précise Christian Diaz.

Ajoutons que si le vétérinaire fait état d’une spécialisation, son obligation de moyens se trouvera renforcée pour toute intervention relevant de son domaine de spécialité.

« Il s’agit toujours d’une obligation de moyens, mais il revient au praticien de prouver l’absence de faute », poursuit notre confrère.

2 L’obligation d’information

« L’information du praticien doit être loyale, claire et appropriée, enchaîne Ugo Le Coeur. Elle doit porter sur les différentes techniques de soins ou opérations auxquelles il est possible d’avoir recours, leurs coûts, leurs risques et leurs avantages. Elle renseigne, en particulier, sur les risques graves (conséquences mortelles, invalidantes, stérilité), même si le risque est exceptionnel. »

La preuve de l’accomplissement de cette obligation est à la charge du vétérinaire. « La prudence est donc une nouvelle fois nécessaire, d’autant plus que la valeur de l’animal sera élevée (chevaux de course, par exemple) ou que l’intervention sera délicate », souligne-t-il.

« Une convention écrite de soins apparaît comme le meilleur support de cette information », complète Christian Diaz. L’obligation d’information était, depuis 1997, une obligation de résultat accessoire du contrat de soins. Depuis 2010, bien que nous n’ayons pas encore de jurisprudence vétérinaire, elle doit être considérée comme une obligation autonome de nature délictuelle, « le non-respect du devoir d’information […] causant au patient auquel l’information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation » (Cour de cassation, 3 juin 2010).

3 Les obligations en matière de médicaments

Le vétérinaire est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la qualité du médicament qu’il délivre et est garant des risques liés à son utilisation. « Toutefois, en cas de litige, le vétérinaire peut invoquer l’absence d’information sur la composition du produit et ses contre-indications », précise Ugo Le Coeur.

4 La responsabilité en cas de dopage

Le vétérinaire peut voir sa responsabilité engagée en cas de prescription de produits contenant des substances dopantes ou simplement interdites pour un animal de compétition. « Le risque est d’autant plus grand que, l’assurance ne couvrant pas les fautes intentionnelles, il peut être condamné à indemniser les victimes sur ses propres deniers », indique Christian Diaz (cour d’appel d’Amiens, 1er Juin 2004).

5 L’établissement d’un certificat ou d’une attestation

« Selon l’article R.242-38 du Code rural, le vétérinaire apporte le plus grand soin à la rédaction des certificats ou autres documents qui lui sont demandés et n’y affirme que des faits dont il a vérifié lui-même l’exactitude », rappelle le président de l’AFVE.

Le vétérinaire peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée en cas de fausses indications. Les sanctions sont parfois lourdes : « Indépendamment des cas prévus au présent chapitre est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait :

1) d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;

2) de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;

3) de faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié » (article 441-7 du Code pénal).

6 Le contrat de dépôt

Le vétérinaire qui examine un animal en devient le gardien, même si son propriétaire est resté à ses côtés. Si l’animal blesse un tiers ou son propriétaire, considéré comme tiers en présence du praticien, le vétérinaire pourra être déclaré responsable. « Cette responsabilité dite délictuelle (article 1385 du Code civil) est présumée, signale Christian Diaz. L’absence de faute ne suffit pas pour s’en dégager, ce qui n’est possible que dans trois cas : la force majeure, le fait d’un tiers, la participation de la victime au dommage. »

Un contrat de dépôt est conclu pour un animal hospitalisé dans une clinique : « Le dépôt est, en général, un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature […]. En sa qualité de dépositaire, le vétérinaire est responsable des dommages subis par l’animal et devra, en cas de litige, apporter la preuve qu’il n’a pas commis de faute », met en garde Ugo Le Coeur (Cour de cassation, 29 janvier 2002).

7 La sécurité au travail

L’obligation de sécurité au cabinet concerne tous les risques auxquels le salarié peut être exposé, y compris psychosociaux. Il s’agit d’une obligation de résultat. Sur ce point, Ugo Le Coeur distingue plusieurs aspects :

– La prévention des risques professionnels

Le vétérinaire, comme tout employeur, doit conduire des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, mener des actions d’information et de formation de ses équipes sur la santé et la sécurité, mettre en place une organisation et des moyens de travail adaptés, en fonction des circonstances.

– L’évaluation des risques propres à l’entreprise

Le vétérinaire est tenu d’évaluer les risques pour ses salariés, dans tous leurs aspects (équipements de travail, installations, substances chimiques, etc.).

Les résultats de cette évaluation sont répertoriés dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), qui est obligatoire pour toutes les entreprises.

– Les règles de sécurité sur les lieux de travail

Les locaux doivent être aménagés de façon à garantir la sécurité des travailleurs. Les installations et dispositifs techniques et de sécurité sont obligatoirement entretenus et vérifiés périodiquement.

– Le cas de non-respect des règles

Les règles de sécurité dans un cabinet peuvent être contrôlées par l’inspection du travail, qui a la faculté de dresser des procès-verbaux et de mettre en demeure l’employeur en cas d’infraction, de saisir le juge des référés en cas de risque sérieux et, enfin, de prescrire toutes mesures.

S’il ne respecte pas ces règles, l’employeur engage sa responsabilité civile en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle du salarié. Il est passible de sanctions pénales (amendes, peines d’emprisonnement). Enfin, le salarié estimant que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa santé dispose d’un droit d’alerte et de retrait.

La responsabilité pécuniaire en cas de défaillance du cabinet

– En entreprise individuelle, l’exploitant est responsable en direct sur son patrimoine personnel (sauf cas d’insaisissabilité de ses biens immobiliers non professionnels).

– En SCP1, les associés sont indéfiniment tenus du passif : l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la société débouche sur une même procédure à l’égard de chacun d’eux.

– En SARL, SELARL, SAS, SELAS2, les dirigeants ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports. Mais, en réalité, le créancier de la société peut obtenir la caution personnelle du dirigeant, ou bien ce dernier être condamné au comblement du passif social.

1 Société civile professionnelle.

2 Société à responsabilité limitée, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, société par actions simplifiée, société d’exercice libéral par actions simplifiée.

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