ANALGÉSIE DES BOVINS : PRATIQUES ACTUELLES - La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/05/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1632 du 29/05/2015

L’enquête du mois

Auteur(s) : Guillaume Dartevelle

Quelles sont les pratiques d’analgésie utilisées aujourd’hui par les praticiens ruraux ? Maîtrisent-ils la douleur bovine ? Quelles sont les différences observées dans sa prise en charge ? Toutes ces questions ont fait l’objet d’une thèse vétérinaire1.

Le bien-être des animaux en élevage est au cœur des préoccupations actuelles. Le vétérinaire, de par sa situation dans les élevages et ses connaissances dans ce domaine, a un rôle prépondérant à jouer. Une enquête a été menée afin de recenser les pratiques des vétérinaires ainsi que leurs diverses motivations et réticences à ce sujet.

Le questionnaire d’enquête a été reçu par 1 653 confrères entre octobre 2013 et janvier 2014. Le taux de réponse a été de 14,7 % (243 retours). Parmi ces réponses, 70 % proviennent d’hommes et 30 % de femmes. Il s’agit principalement de jeunes vétérinaires (56 % des répondants sont sortis après 2000). Si la proportion hommes/femmes de cette enquête est identique aux données de l’Ordre concernant la population vétérinaire globale, il n’en est pas de même pour l’âge. En effet, une forte surreprésentation des jeunes est constatée dans cette étude, ce qui peut entraîner un biais dans l’interprétation des résultats.

Implication des vétérinaires

La majorité des vétérinaires interrogés (91,3 %) se sentent impliqués dans la prise en charge de la douleur.

Pour beaucoup d’entre eux (plus de 80 %), il s’agit avant tout d’une question d’éthique. Les deux autres raisons fréquemment citées sont :

• des raisons économiques (diminution des pertes de production) ;

• des raisons médicales (amélioration de la guérison ou de la récupération).

À propos des freins à l’utilisation de molécules analgésiques, les motifs couramment énoncés sont :

• le surcoût des traitements (78,3 %) ;

• le manque de connaissances sur la physiopathologie de la douleur (43,4 %) ;

• le manque d’autorisations de mise sur le marché (AMM) en médecine vétérinaire (41 %).

L’éleveur ne semble pas être un frein à l’utilisation d’analgésiques sur le terrain puisque plus de 85 % des praticiens interrogés estiment que la prise en charge de la douleur en élevage est bien acceptée par les éleveurs.

Origine des connaissances

Bon nombre de confrères estiment avoir des connaissances suffisantes sur l’identification de la douleur (86,4 %) et sur les molécules à leur disposition (88 %). En revanche, 42 % se sentent démunis face aux mécanismes physiopathologiques. En ce qui concerne l’identification, la pratique terrain joue un rôle très important puisque 60 % indiquent tirer leurs connaissances de leur expérience professionnelle. À l’inverse, la formation initiale des vétérinaires leur apporte la connaissance de la physiopathologie. La majeure partie des praticiens sondés seraient intéressés par des formations sur ce thème pour mettre à jour leurs connaissances.

Évaluation de la douleur

Les critères comportementaux sont les plus utilisés pour détecter et évaluer la douleur. Parmi eux, la prostration, la baisse d’appétit et de la rumination, le voussement ou encore l’isolement ont été les signes les plus fréquemment rapportés par nos confrères. À noter que les critères physiologiques, tels que les fréquences cardiaque (FC) et respiratoire (FR), ne sont que très peu utilisés en pratique.

Beaucoup disent repérer facilement la douleur (87,2 %), mais ils sont près d’un vétérinaire sur deux à avoir du mal à en estimer correctement l’intensité. Cette difficulté d’évaluation se retrouve dans les larges variations de notation des actes et des pathologies douloureuses (voir “Scores de douleur estimée a priori chez le bovin adulte”, page 45).

Traitement de la douleur

Pour de nombreux praticiens, l’utilisation d’analgésiques est peu ou pas corrélée à l’intensité douloureuse (protocole identique quel que soit le type de douleur). Cela peut être dû d’une part à la difficulté d’évaluation des processus algiques, d’autre part au manque de spécialités vétérinaires disponibles. En effet, plus du tiers des vétérinaires interrogés estiment ne pas disposer d’un arsenal thérapeutique suffisant pour gérer ces situations.

Les molécules analgésiques les plus utilisées en rurale sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ils sont utilisés (seuls ou en association) dans plus de 99 % des situations rencontrées. La flunixine méglumine et le méloxicam sont les deux AINS les plus utilisés sur le terrain. L’utilisation d’anesthésiques locaux (lidocaïne) lors d’intervention chirurgicale est fréquemment rapportée. L’intervention algogène a cependant lieu, dans un cas sur quatre, trop rapidement après l’administration de lidocaïne (voir “Utilisation de la lidocaïne, ci-dessus). Malgré leur absence de propriétés analgésiques “vraies”, les corticoïdes sont utilisés dans 70 % des cas de douleurs jugées sévères.

Les sédatifs analgésiques, les α2-agonistes et la kétamine (pour ses propriétés anti-hyperalgésiantes) sont employés dans la moitié des situations environ. Mais ils sont majoritairement (96,1 %) utilisés en première intention pour leurs valences sédatives ou anesthésiques. Le butorphanol n’est employé que marginalement.

Facteur influençant la prise en charge de la douleur

Dans cette enquête, aucun effet lié au sexe des répondants n’a été mis en évidence. Les scores de douleur attribués par les femmes ne sont pas, en général, plus élevés que ceux attribués par les hommes.

L’année de sortie, en revanche, joue un rôle prépondérant dans l’implication des vétérinaires dans la gestion de la douleur. Plus de 90 % de ceux sortis après 2000 se sentent concernés par sa prise en charge, alors qu’ils ne sont que 76,2 % lorsque l’année de sortie est antérieure à 1985. De plus, les premiers estiment être mieux formés à ce sujet pendant leur cursus. Ils sont un sur deux à utiliser des analgésiques lorsqu’ils sont sortis avant 1985, et plus de trois sur quatre pour les diplômés après 2000. Enfin, cette plus large utilisation est également associée à un meilleur emploi des différentes molécules disponibles.

Ce constat peut s’expliquer par le fait que les jeunes vétérinaires sont plus sensibilisés et mieux formés au cours de leur cursus (45,6 % des récents diplômés tirent leurs connaissances de la formation initiale, alors qu’ils ne sont que 7,4 % pour ceux sortis avant 1985). Cette situation est, par ailleurs, renforcée par un contexte sociétal exigeant en matière de bien-être en élevage.

  • 1 Dartevelle G. Étude des pratiques analgésiques des vétérinaires ruraux chez les bovins en France, thèse vétérinaire 2014, Toulouse.

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