Consensus du Gemi sur le diabète sucré - La Semaine Vétérinaire n° 1630 du 15/05/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1630 du 15/05/2015

CONFÉRENCE

Pratique canine

FORMATION

Auteur(s) : Juan Hernandez*, Aurélie Levieuge**

Fonctions :
*Diplomate Acvim, praticien au CHV Frégis
d’Arcueil (Val-de-Marne), pour l’ensemble
du conseil scientifique du Gemi.
Article rédigé d’après une présentation faite lors
du congrès du Gemi à Avignon, en avril 2015.

Le conseil scientifique du Gemi de l’Afvac1 s’est intéressé cette année au diabète sucré du chien et du chat et a émis des recommandations, s’appuyant sur l’evidence-based medicine, destinées à guider les praticiens dans leur démarche diagnostique et thérapeutique.

Étiologie

• Chez le chien, le diabète de type 1 est majoritairement décrit. Il correspond à un déficit absolu en insuline. Comme chez la femme, un diabète gestationnel est rapporté dans l’espèce canine. Il peut survenir pendant la gestation ou lors de pseudogestation. Différentes races (chiens élans suédois et norvégiens) sont prédisposées. Un traitement peut être administré aux femelles gestantes concernées, avec un suivi glycémique quotidien pendant toute la gestation. Chez une femelle non stérilisée (pseudogestation), le comité conseille la stérilisation, car les hormones femelles sont hyperglycémiantes et risquent d’auto-entretenir le diabète.

• Chez le chat, le diabète de type 2 (correspondant à une résistance à l’insuline associée à une carence relative en cette hormone) est plus courant, avec un concept de glucotoxicité qui n’existe pas chez l’homme. La levée de la glucotoxicité explique les cas de diabète réversible chez le chat.

Complications

Deux conséquences du diabète ont été abordées :

• L’hypertension artérielle systémique est souvent évoquée comme une complication du diabète sucré chez les animaux de compagnie. Elle est observée chez environ 46 % des chiens et chez 6 % des chats diabétiques. D’autres études sont nécessaires afin de confirmer un lien potentiel entre le diabète sucré et l’hypertension artérielle systémique dans l’espèce féline. En pratique, un suivi régulier de la pression artérielle est donc fortement conseillé chez les chiens diabétiques sans autre affection intercurrente. Lorsque l’hypertension s’installe (> 160-180 mmHg), un traitement antihypertenseur doit être envisagé. Chez le chat diabétique, le dépistage systématique de l’hypertension artérielle est nécessaire si une maladie rénale chronique concomitante existe.

• Les infections bactériennes urinaires sont une complication fréquente chez les animaux diabétiques. Leur prévalence est estimée à environ 15 % chez les chats et à 37 % chez les chiens diabétiques. Parmi les animaux bactériuriques, 60 % des chiens sont pyuriques et moins de 5 % sont symptomatiques. Compte tenu de leur caractère occulte, la réalisation d’un examen bactériologique urinaire de dépistage est fortement conseillée chez les animaux diabétiques. Un traitement antibiotique est recommandé pour les animaux diabétiques bactériuriques2.

Diabète acidocétosique

Mécanisme

L’acidocétose est la conséquence d’une carence profonde (absolue ou relative) en insuline et d’une augmentation des hormones hyperglycémiantes (glucagon, cortisol, catécholamines et, dans une moindre mesure, hormone de croissance). Ces hormones ont une action lipolytique, contrairement à l’insuline, seule hormone antilipolytique. Sa carence provoque donc un accroissement de la lipolyse et une libération des acides gras libres, qui sont oxydés en acétyl-coenzyme A dans les mitochondries hépatiques, favorisant la synthèse de corps cétoniques. L’augmentation de la cétonémie et l’apparition d’une cétonurie résultent donc essentiellement de l’hypercétogenèse. En outre, l’utilisation des corps cétoniques par les tissus est diminuée en l’absence d’insuline.

Diagnostic

Les chats en acidocétose sont 12 % à ne pas présenter de corps cétoniques à la bandelette urinaire à partir d’un prélèvement urinaire. Il est donc recommandé de réaliser le diagnostic en plaçant une goutte de sérum ou de plasma sur la case “corps cétonique” de la bandelette.

Conséquences

Une maladie concomitante est présente dans plus de deux tiers des cas de diabète acido-cétosique (pancréatite, infection urinaire, syndrome de Cushing, etc.). Ces maladies doivent ainsi être systématiquement recherchées chez les animaux en acidocétose.

Traitement

L’enjeu thérapeutique est de faire diminuer la présence de corps cétoniques et de corriger les anomalies électrolytiques. Chez le chat, il convient d’être prudent pour ne pas engendrer de baisse trop rapide de la glycémie. Ainsi sont instaurées dans l’ordre : une fluidothérapie (NaCl à 0,9 %), une correction électrolytique (potassium, phosphore, magnésium), une perfusion de glucose à 2,5 ou 5 % lorsque la glycémie chute, puis de l’insuline (injection intraveineuse ou intramusculaire). Le traitement de l’acidose métabolique (avec du bicarbonate) n’intervient qu’en dernier lieu.

Choix de l’insuline

Première intention

Les animaux traités avec Caninsulin® (insuline à durée d’action intermédiaire) en deux injections quotidiennes sont 75 % à être stabilisés au bout de 3 mois. Il s’agit par ailleurs de la seule spécialité disposant d’une AMM vétérinaire : elle doit rester le traitement de première intention. De plus, le niveau de preuves disponible pour l’utilisation en première intention des insulines synthétiques (glargine ou détémir) est trop bas pour outrepasser la cascade du médicament.

Seconde intention

Les autres types d’insuline sont envisageables en seconde intention, lorsque la durée d’action de Caninsulin® est inadéquate. L’insuline détémir (insuline à action prolongée, Lévémir®3) est recommandée mais la réponse au traitement est tellement bonne qu’il faut légèrement diminuer les doses (0,2 à 0,3 UI/kg, matin et soir).

Chez le chat, compte tenu d’une durée d’action souvent insuffisante de Caninsulin® (conduisant à un contrôle glycémique imparfait), l’utilisation d’insulines à action prolongée (protamine zinc insuline, PZI, ou insuline glargine) est recommandée. Bien que la durée d’action de l’insuline glargine soit longue, une administration biquotidienne est généralement nécessaire pour obtenir un contrôle adéquat. La glycémie évolue au bout de 2 à 3 jours.

Insulinorésistance

Définition

L’insulinorésistance est évoquée lorsque la glycémie reste supérieure à 2 g/l chez un animal qui reçoit de l’insuline à une dose supérieure à 1,5 UI/kg deux fois par jour. Le seuil est plus bas pour les insulines glargine et dévémir. Bien qu’aucune valeur ne soit clairement établie, le comité considère que pour ces deux types d’insuline, le seuil doit être de 1 UI/kg.

Cause

Face à une insulinorésistance, il convient de rechercher systématiquement les maladies concomitantes. Les pancréatites sont explorées via un test spécifique (Spec cPL ou Spec fPL) et un dosage d’IGF1 doit être entrepris lors de suspicion d’acromégalie. La radiothérapie hypophysaire permet d’obtenir une résolution de l’insulinorésistance chez deux tiers des chats.

Suivi

La fructosamine peut être utilisée afin d’évaluer l’efficacité du traitement et l’équilibre glycémique à court terme. Elle est un marqueur du niveau de glycémie au cours des 10 jours passés. L’hémoglobine glycosylée a une durée de vie plus longue (de 30 à 40 jours), mais peu de données sont disponibles pour valider son utilité chez les animaux. Si la fructosamine est très utile chez le chat, dont l’hyperglycémie de stress peut fausser les mesures, elle ne doit pas remplacer la courbe de glycémie. Le nadir à ne pas dépasser est proposé à 0,8 g/l. Il est conseillé de ne pas tolérer une glycémie plus basse car le risque est trop important. Après avoir initié le traitement, une courbe de glycémie est proposée au bout de 7 à 10 jours. Un délai identique est à respecter lors de tout changement de dose d’insuline.

  • 1 Groupe d’étude en médecine interne de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.

  • 2 Cette recommandation est corrélée à un niveau de preuves bas et pourra être soumise à modifications dans les années à venir. Notons que la bactériurie asymptomatique chez l’homme diabétique n’est pas traitée.

  • 3 Pharmacopée humaine.

Diabète et corticothérapie

La gestion des maladies inflammatoires chez les animaux diabétiques est délicate. Les corticoïdes peuvent être employés, mais un risque de pancréatite associée existe. Le comité recommande d’utiliser en première intention des anti-inflammatoires stéroïdiens et d’adapter la dose d’insuline. En seconde intention (si le diabète n’est plus contrôlé), la ciclosporine est préférée, même si elle est potentiellement génératrice d’insulinorésistance.

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