AQUACULTURE EN FRANCE : QUELLE FORMATION POUR QUEL AVENIR ? - La Semaine Vétérinaire n° 1630 du 15/05/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1630 du 15/05/2015

Décryptage

Auteur(s) : Lorenza Richard

La formation aux filières aquacoles n’est pas (encore) ancrée dans le cursus des quatre écoles vétérinaires de France. L’aquaculture, domaine très spécifique et souvent peu connu des praticiens, est en lien étroit avec le respect de l’environnement. Plusieurs voies mènent à ce secteur d’activité, qui est actuellement en plein développement, mais surtout à l’étranger.

Comment mettre le pied dans la filière ?

Ségolène Calvez, enseignant-chercheur à Oniris en pathologie aquacole, apporte des éclairages sur les formations existantes en aquaculture.

L’aquaculture est-elle enseignée dans les écoles vétérinaires ?

Cet enseignement est obligatoire pour les étudiants de 3e et 4e années dans les écoles vétérinaires de Nantes (Oniris) et de Maisons-Alfort (ENVA). Il n’est pas abordé à Lyon (VetAgro Sup) ni à Toulouse (ENVT).

La formation proposée par Oniris est-elle la seule en France en école vétérinaire ?

La formation optionnelle “aquaculture, pathologies aquacoles et environnement” est dispensée uniquement à Nantes. Elle est ouverte aux étudiants de cinquième année des quatre écoles, ainsi qu’aux praticiens qui souhaitent se reconvertir en aquaculture ou sont intéressés par ce domaine. Elle est regroupée sur 15 jours, avec une semaine de visites d’élevages variés et une autre de conférences données par des intervenants extérieurs, qui abordent un sujet spécifique au domaine ou présentent leur métier (praticiens, chercheurs, etc.).

Quels sont les points abordés ?

L’enseignement, assez généraliste, vise à expliquer le monde de l’aquaculture, notamment ses productions, les paramètres d’élevage ou la démarche vétérinaire, en prenant comme exemple particulier la truite arc-en-ciel. L’important pour moi est de présenter ce domaine dans son contexte environnemental, en expliquant les risques et les enjeux d’une aquaculture durable. La production mondiale est en pleine expansion pour nourrir la population humaine en protéines animales. Aussi, les notions de rejets, d’aliments et de médicaments sont abordées afin de susciter de la réflexion.

Cette formation est-elle diplômante en aquaculture ?

Non. Toutefois, elle ouvre la voie pour ceux qui souhaitent s’orienter dans ce domaine. La formation de spécialisation la plus connue est celle dispensée par l’université de Stirling en Écosse, dont le rayonnement est international. Plusieurs universités de France proposent des masters en aquaculture. Ces diplômes peuvent également être obtenus à l’étranger, en Belgique, aux États-Unis ou en Norvège, par exemple (la liste n’est pas exhaustive). Cependant, ces formations sont ouvertes à tous, et pas uniquement aux vétérinaires. Des formations plus spécifiques existent, comme celle du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) sur les espèces exotiques de poissons, et d’autres encore. Cela dépend de la voie choisie : pratique de terrain, recherche, administration… Pour travailler en tant que chercheur ou enseignant-chercheur, une thèse universitaire est nécessaire en plus du diplôme de vétérinaire. Actuellement, un groupe de vétérinaires travaille sur l’élaboration d’un collège européen en aquaculture, avec pour but la création d’un diplôme permettant de reconnaître la spécialité.

Quelles opportunités ?

Plusieurs praticiens du secteur font part de leurs interrogations.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la consommation de poissons par habitant a quasiment doublé en 50 ans, passant de 10 kg en moyenne dans les années 1960 à près de 20 kg actuellement. L’aquaculture est en plein développement pour satisfaire les besoins nutritionnels et elle fournit la moitié du poisson destiné à la consommation humaine, le code de conduite pour une pêche responsable obligeant à une utilisation durable des ressources aquatiques.

D’après les données de FranceAgriMer, la pêche française reste stable (470 000 t environ). La filière piscicole française produit chaque année 50 000 t de poissons marins et d’eau douce (essentiellement des truites arc-en-ciel). La conchyliculture produit environ 150 000 t de coquillages (moules et huîtres essentiellement).

Quel est l’avenir de la filière et des praticiens aquacoles en France ?

– Le coût du travail et les contraintes environnementales font partie des facteurs limitant le développement de l’aquaculture en France. La demande de praticiens sur le terrain reste faible car il y a peu d’élevages. En revanche, le périmètre d’intervention s’accroît et les vétérinaires se partagent le territoire national, avec de nombreux déplacements en conséquence.

– L’aquaculture en France produit entre 5 000 et 10 000 t de poissons marins, contre 35 000 t en Espagne et en Italie et 120 000 t en Grèce. La production de poissons d’eau douce est davantage concurrentielle, mais elle reste en dessous de notre potentiel. En Europe, la réforme de la politique commune des pêches et de l’aquaculture a abouti à la création d’un comité consultatif (CCPA), mais ce n’est qu’avec une réelle volonté d’accroissement de la production que le nombre de praticiens pourra augmenter.

– Il s’agit d’une petite filière, avec des problématiques originales par rapport aux autres : gros cheptels, nombreuses espèces sensibles aux dangers sanitaires de première catégorie, élevage à la fois destiné à la consommation humaine et au repeuplement du milieu naturel, interaction forte (via l’eau) entre l’élevage et ce milieu, arsenal thérapeutique limité, etc. Le nombre d’intervenants est donc faible, mais il s’agit de véritables spécialistes.

Les praticiens peuvent-ils se tourner vers l’étranger ?

– Pour : l’aquaculture est en plein essor à l’étranger (en Espagne, en Amérique du Sud, dans les pays du Maghreb et en Asie, notamment). Cette voie peut être une opportunité pour les vétérinaires qui souhaitent partir travailler ailleurs. C’est une question de passion, un challenge difficile mais intéressant.

– Contre : les expertises demandées nécessitent une grande expérience. De plus, nous pouvons nous prévaloir d’exporter notre savoir-faire, mais les pays qui développent cette activité mettent au point des formations en zootechnie, pathologie, etc. Il n’est donc pas évident qu’un jeune vétérinaire français arrive à travailler à l’étranger en tant que praticien.

Les visites zoosanitaires doivent-elles être ouvertes aux praticiens non aquacoles ?

Dans le cadre de l’agrément zoosanitaire des élevages, les vétérinaires doivent effectuer plusieurs visites sanitaires par an selon le statut des sites. Cela pose la question du maillage du réseau sanitaire.

– Pour : une solution pour renforcer le maillage national serait la formation de vétérinaires canins ou mixtes afin d’assurer ces visites. Ils suivraient une formation à l’aquaculture avec un confrère référent. Reste à savoir si les praticiens non aquacoles seraient disposés à s’investir dans cette démarche, et si les référents sont également prêts à délivrer ces formations.

– Contre : ce système est voué à l’échec, car acquérir quelques connaissances concernant les maladies les plus classiques en quelques jours ou semaines ne permet pas d’être efficace sur le terrain. De plus, cela ne donne aucune compétence pour reconnaître les maladies émergentes, ce qui est notamment l’un des buts de ces visites. Confier cette mission, qui est une contrainte pour les éleveurs, à des vétérinaires peu formés pose la question de son intérêt et de notre crédibilité.

Quelles voies s’ouvrent aux vétérinaires en aquaculture ?

– De nombreux marchés restent à développer, notamment avec l’innovation et l’offre de services.

– La recherche manque de vétérinaires, en France comme à l’étranger.

– L’aquaculture est le plus souvent une vocation, où chacun a son parcours original. Nombre de vétérinaires sont des pionniers dans leur domaine, pour l’acquisition d’expérience, en recherche, en formation, etc. Les praticiens pourraient notamment apporter beaucoup dans le domaine de la préservation de l’environnement.

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