LE PETIT THÉÂTRE DE ROY ANDERSSON

Après Chansons du 2^e étage (2000) et Nous, les vivants (2007), ce film – Lion d’or au dernier festival de Venise – clôt la “trilogie de l’existence” du Suédois Roy Andersson. Une existence très suspecte en vérité, au bord de l’apocalypse, un pied déjà dans la tombe… Après un énigmatique prologue dans un muséum, montrant, en écho au titre, un vieillard cadavéreux, ahuri devant la vitrine d’un pigeon (mal) empaillé sur une branche, le film embraye avec « trois rencontres avec la mort », qui installent d’entrée le tragicomique singulier du cinéaste. La trentaine de séquences qui suivent nous entraînent dans les déambulations improbables de deux mornes vendeurs ambulants de farces et attrapes. Tableaux burlesques, toujours ironiques, parfois oniriques, jamais explicites et dont la rhétorique caustique rappelle celle des dessins humoristiques. Comme cette scène de laboratoire où une femme en blouse blanche, tournée vers la fenêtre, téléphone à des proches, sans prêter attention au singe d’expérience qui, au premier plan, écartelé, impuissant, reçoit des salves électriques. Ce petit théâtre grinçant est au fond également une forme d’expérimentation. Ce plongeon drôlatique dans un monde aussi morbide et désespérant ne peut que titiller notre désir de vivre mieux et plus joyeusement.

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence de Roy Andersson, Suède-Norvège-France-Allemagne, 1 h 40, sorti le 29 avril 2015.