Résistance de strongles digestifs aux lactones macrocycliques chez les ovins - La Semaine Vétérinaire n° 1626 du 17/04/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1626 du 17/04/2015

CONFÉRENCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Carine Paraud*, Lorenza Richard**

Fonctions :
*Anses laboratoire de Niort (Deux-Sèvres). Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées 3R à Paris, en décembre 2014.

La première double résistance de strongles gastro-intestinaux du genre Teladorsagia circumcincta vis-à-vis de l’ivermectine et de la moxidectine a été mise en évidence dans un troupeau ovin français. Cette découverte fait suite à l’exploration de suspicions de résistance aux anthelminthiques à la demande de vétérinaires dans deux cheptels ovins.

Lorsque l’excrétion de lots d’agnelles dépasse 150 œufs par gramme (opg) de matière fécale, un test de réduction d’excrétion fécale (FECRT) est effectué en analysant des prélèvements individuels le jour du traitement (J0) et 16 jours après (J16). 45 animaux de chaque troupeau sont répartis en un lot témoin, un lot traité à l’ivermectine et un autre à la moxidectine. Ce test n’a pas confirmé la suspicion de résistance dans l’un des deux élevages, la réduction fécale mise en évidence étant de 96 % avec l’ivermectine et de 98 % avec la moxidectine entre J0 et J16.

SUSPICION D’UNE DOUBLE RÉSISTANCE

Le second troupeau, situé dans la Loire, est constitué de 420 brebis de race Île-de-France qui pâturent d’avril à novembre. Seuls des béliers sont introduits, sans vermifugation. Les agneaux sont traités toutes les 5 à 8 semaines avec de la moxidectine buvable depuis 1995, année où une résistance aux benzimidazoles a été mise en évidence dans cet élevage. Les adul tes sont traités deux fois à la moxidectine buvable, en juin et à la rentrée à l’étable, et une fois au retour d’estive à la moxidectine ou à l’ivermectine injectables.

Dans ce troupeau, le FECRT ne montre pas de réduction d’excrétion après traitement par l’ivermectine (diminution estimée négative par rapport au lot témoin : – 17 %). La réduction d’excrétion après administration de moxidectine est faible : 13 %. Les coprocultures post-traitements révèlent la présence de parasites des genres Trichostrongylus et Teladorsagia. Ainsi, une double résistance à l’ivermectine et à la moxidectine est suspectée dans cet élevage.

Pour la confirmer, une infestation expérimentale de 18 agneaux âgés de 2 mois et naïfs vis-à-vis des strongles intestinaux est alors réalisée avec des larves infestantes issues de la coproculture des agnelles de cet élevage (un lot témoin, un lot traité à l’ivermectine, l’autre à la moxidectine). Les agneaux sont sacrifiés 10 jours après le traitement pour un comptage avec identification des parasites :

– dans le lot témoin, Trichostrongylus colubriformis est retrouvé dans l’intestin grêle, Teladorsagia circumcincta dans l’abomasum et Oesophagostomum venusolum dans le caecum.

– dans le lot traité à l’ivermectine, 100 % des agneaux sont infestés par des adultes de T. circumcincta (avec 90,2 % d’adultes en moins par rapport au lot témoin). Les deux autres espèces de vers ont été totalement éliminées.

– dans le lot traité à la moxidectine, 100 % des agneaux sont également infestés par T. circumcincta (avec une réduction du taux d’adultes par rapport au lot témoin de 85,3 %), et 50 % d’entre eux par T. colubriformis, avec une charge parasitaire moindre.

DES RÉSISTANCES PRÉSENTESDANS D’AUTRES PAYS EUROPÉENS

Ainsi, bien que le nombre de vers adultes ait été réduit par rapport au lot témoin, cette infestation expérimentale confirme pour la première fois une suspicion de résistance aux lactones macrocycliques dans cet élevage. La résistance du genre T. circumcincta est rapportée en Italie et en Espagne pour l’ivermectine, et à la moxidectine dans le cadre de multi résistances au Royaume-Uni (voir bibliographie).

Cette démarche de confirmation d’une suspicion de résistance est complexe. Actuellement, seul le test FECRT est utilisable en pratique en ferme, toutefois il ne la détecte que lorsque 25 % des parasites adultes sont porteurs des gènes de résistance, donc tardivement. D’autres tests sont en cours d’élaboration pour effectuer une détection plus simple et plus rapide, mais demeurent actuellement sans application concrète sur le terrain.

  • Martinez-Valladeres M., Faularo M.R., Fernandez-Pato N. et coll. Characterization of a multidrug resistant Teladorsagia circumcincta isolate from Spain. Parasitol. Res. 2012;110:2083-2087.
  • Sargison N.D., Scott P.R., Wilson D.J. et coll. Teladorsagia circumcincta resistance to moxidectin and multiple anthelmintic groups in ewes following use of the persistent drug before lambing. Vet. Rec. 2010;167:523-527.
  • Traversa D., Paoletti B., Otranto D. et coll. First report of multiple drug resistance in trichostrongyles affecting sheep under field conditions in Italy. Parasitol. Res. 2007;101:1713-1716.
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