Comment attirer les jeunes vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1625 du 10/04/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1625 du 10/04/2015

Entreprise

Auteur(s) : Frédéric Thual

Recruter de jeunes vétérinaires relève parfois du parcours du combattant, notamment pour les activités mixtes et rurales. Séduire la génération Y, c’est aussi savoir la décrypter et s’adapter.

Le fossé se creuserait-il entre les générations de vétérinaires ? « Ce sont deux mondes qui ne se com­prennent pas », observe Charles Facon, directeur de Labovet (Réseau Cristal). Membre de l’association Ergone, auteur d’une étude sur la génération Y (née entre 1978 et 1994) à l’attention des managers vétérinaires, il a planché sur les motivations parfois déroutantes de ces nouveaux venus pour leurs aînés. « Ils peuvent, par exemple, rechigner à rejoindre des entreprises qui n’ont pas investi ou suffisamment modernisé un outil de travail considéré comme obsolète », indique-t-il. À l’heure des tablettes, du cloud et des réseaux sociaux, il n’est pas rare de voir circuler de bons vieux classeurs à anneaux entre l’accueil et les salles de consultation ou que la réponse à un e-mail mette trois jours à venir. « J’ai du mal à abandonner mes feuilles de papier et mes Post-it® », concède un professionnel.

LES ATTENTES DES JUNIORS INCOMPRISES

« Pour attirer des jeunes dans son cabinet, il faut passer du temps à les comprendre et connaître leurs attentes. Calquer leurs besoins sur ceux des juniors d’hier ne sert à rien, affirme Charles Facon. Ils ne considèrent plus le patron comme un pion intouchable au-dessus d’eux. » Pour lui, les baby-boomeurs (1945-1963) sont les vétérinaires qui managent les entreprises d’aujourd’hui et qui préparent leur retraite. Or, ce sont aussi les pères de la génération Y, d’où parfois un certain rejet… Pour ces derniers, le travail n’est plus forcément au premier plan. « Ils se sentent citoyen du monde. Grâce aux infrastructures physi­ques, virtuelles et aux nouvelles technologies, ils sont interconnectés – sans pour autant être collectifs – et mobiles. Le Y prend conscience de son existence dans un monde multipolaire, instable, changeant. S’il a une vision à plus court terme, elle n’exclut pas une volonté d’entreprendre. » Parmi les principales causes d’échec de l’intégration de la génération Y, Charles Facon évoque : l’ambiance de travail et le désintérêt qu’elle engendre, l’absence de perspectives professionnelles, la faiblesse des rémunérations, le manque de reconnaissance, les horaires, les gardes, le stress ou encore les valeurs de l’entreprise. « Le salaire n’est pas la première source de motivation. La jeune recrue va préférer des gratifications immédiates, comme une journée de libre qui équivaut à une prime », explique le directeur de Labovet.

DES CURSUS DEVENUS PLUS COMPLETS

Si la sélection reste rigoureuse avec un candidat sur sept accepté en école préparatoire et un sur quatre retenu au concours d’entrée dans les écoles vétérinaires, les études montrent que les motivations demeurent très fortes autour des soins des animaux, de la faune sauvage ou des équidés pour les filles. Une vision idéaliste de la profession qui sera réajustée au fil des années de formation. Jusqu’à souhaiter « des cursus plus complets associant des personnels dédiés, des enseignants-chercheurs, des anciens élèves, des professionnels pour faciliter une insertion plus aisée dans un monde professionnel en évolution permanente », comme l’exprimaient de futurs diplômés en 20091.

Les cursus vétérinaires sont-ils pour autant coupés des réalités ? Beaucoup en parlent, même si progressivement, des chaires d’entreprise ou de management ont fait leur apparition dans les écoles de Maison-Alfort, de Toulouse ou de Nantes pour compenser un enseignement essentiellement médical. Des associations professionnelles et les syndicats (SNVEL, SIMV2, etc.) s’emparent à leur mesure de ces problématiques.

UN TAUX D’EMPLOYABILITÉ APPROPRIÉ

« Ces initiatives sont à saluer, estime Jacques Guérin, président du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO). Les choses évoluent. Mais toucher à un référentiel de formation s’avère très complexe au regard des standards européens. Maintenant, dire que les jeunes ou la féminisation sont à l’origine des problèmes de recrutement me semble trop simpliste. Ceux-ci se concentrent surtout en activités rurale et mixte et les problématiques diffèrent en fonction des lieux et des conditions. Malgré tout, le taux d’employabilité demeure de très bonne facture. »

Pour y voir plus clair, le CSO a lancé, il y a trois ans, un observatoire qui devrait permettre d’affiner les situations et donner du sens aux tendances aujourd’hui ressenties. Car, pour l’instant, si des données existent, elles sont parcellaires et doivent être mises en perspective. De plus, dans un contexte économique tendu, le seul diplôme et la bonne parole des vétérinaires ne suffisent plus à amadouer les banquiers qui attendent désormais des business plans en bonne et due forme et un modèle économique convaincant. Ce qui peut, sans doute, expliquer la montée du salariat.

L’ENTREPRENEURIAT SOUS DIVERSES FORMES

« Il serait temps de réenchanter le libéral et que les jeunes prennent en considération l’ensemble des métiers ouverts aux vétérinaires, observe Laurent Jessenne du Club vétérinaires et entreprises, destiné à accompagner la reconversion de vétérinaires et qui reçoit deux à trois appels en ce sens par semaine. En dehors du salariat et du praticien libéral, il existe des opportunités méconnues dans l’industrie pharmaceutique, cosméti­que, l’agroalimentaire, le pet food, le matériel, etc. Les secteurs recrutent dans la communication, l’export, le marketing, la qualité, la R & D, les affaires réglementaires… Ce sont des postes où les vétérinaires disposent de vraies compétences et des cartes à jouer. » « La difficulté est que la formation vétérinaire ne leur apprend pas à travailler en équipe », ajoute Arnaud Deleu, du SIMV. « Le cursus français ne prend pas suffisamment en compte les enjeux entrepreneuriaux ou managériaux liés au bouleversement macroéconomique de la profession. Les jeunes vétérinaires ne sont pas préparés à devenir des chefs d’entreprise. Effrayés, certains mettent plus de temps que leurs aînés à intégrer l’exercice libéral. Ils préfèrent s’installer dans le salariat ou rechercher des formules dans lesquelles les enjeux d’entreprise sont gérés par des professionnels, à l’image des chaînes ou de cliniques fournies clés en main », indi­que Dominique Bechu, responsable de la communication à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT).

DES PERSPECTIVES EN PRODUCTIONS ANIMALES

Sans plus attendre, certains sur le terrain proposent de nouvelles formes d’organisation et de management. « En rurale, les postes ne sont pas très nombreux, mais nous avons de vrais plein temps à offrir », explique Charles Facon, confronté il y a quatre ans, à une pénurie de main-d’œ;uvre. Spécialisée dans l’élevage de volailles, la structure s’est attachée à proposer plusieurs formes de stages, aux durées variables, et à multiplier l’accompagnement de thèses pour mieux faire connaître le métier aux perspectives attractives. L’entreprise a, par exemple, très largement ouvert son actionnariat. Si bien qu’aujourd’hui, 17 des vingt vétérinaires de Labovet sont actionnaires. L’ensemble des membres de l’entreprise se mobilise pour accompagner l’intégration de jeunes vétérinaires. Le particularisme des productions animales en fait aussi une activité plus exigeante, appuyée sur des relations de professionnels à professionnels et non de professionnel à particulier. Même si la relation client, trop occultée dans la formation vétérinaire, demeure la pierre angulaire du climat de confiance nécessaire au bon fonctionnement des structures.

UNE GÉNÉRATION EN QUÊTE DE SENS

À Montrevel-en-Bresse, près de Lyon, la clinique vétérinaire mixte Optivet a, elle, engagé une profonde réflexion pour proposer des plans de carrière et satisfaire aux attentes de la génération Y. « Ils sont très demandeurs de sens. Tout est négocié dans le contrat. Les règles sont bien définies. Pour eux, c’est indispensable. Et alors, ils deviennent moteurs ou suivent à 200 %. À de rares exceptions qui avaient le sentiment de mettre les pieds dans une multinationale, cette organisation les rassure », observe Arnaud Duet, qui a ainsi recruté six à huit candidats au cours des cinq dernières années, en leur proposant de prendre des participations dans des sociétés d’exercice libéral (SEL) ou en survalorisant une partie des gardes pour améliorer l’ordinaire.

« On fait partie de la machine ! », se réjouit Bérénice Tilliette, la trentaine, salariée depuis un an après avoir modérément apprécié ses expériences de collaboratrice libérale. Recrutée pour développer l’activité équine, elle se félicite de l’organisation en cours. « Il y a toujours des projets. On a du temps pour la formation, organiser les promos et des réunions. À mon arrivée, on m’avait promis l’achat de matériel, et cela a été fait. Le statut de salariée me convient mieux. Aujourd’hui, même si les journées peuvent être longues, je gagne autant sans devoir effectuer de garde. Lorsque je me suis cassé le bras lors de mon précédent poste, je n’avais pas d’assurance… », raconte-t-elle, évoquant ses neuf camarades de promotion qui, comme elle, ont tiqué sur « des postes mal payés, des gardes trop nombreuses, l’absence d’évolution de poste et de carrière, et des relations délicates avec les vétérinaires employeurs ».

  • 1 Le processus de professionnalisation des étudiants des écoles de l’enseignement supérieur agricole. Béatrice Dégrange, Agrosup Dijon, et Pierre Sans, université de Toulouse.

  • 2 Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV).

VERS L’ENTREPRENEURIAT, AUTREMENT

« Le problème des gardes est révélateur, constate Marine Slove, 28 ans, vétérinaire équine. Ce n’est pas que les jeunes ne veulent pas faire de garde, mais ils ne veulent pas les faire dans les conditions des années 1990. » Huit mois après avoir créé la plateforme VétoJob pour mettre en relation recruteurs et candidats, Marine Slove (A 11) et Alice Leverrier (A 11) lancent la plateforme intégrée VétoRempla, conçue pour mieux organiser les remplacements dans les cliniques vétérinaires. « On ne va pas résoudre les problèmes de pénurie de remplacements, mais nous allons au moins faciliter la mise en relation », expliquent-elle. Faute d’avoir été formées à l’entreprenariat, toutes deux se sont rapprochées de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) pour acquérir les bases de la comptabilité et du community management. « Nous constatons dans les échanges que la pratique rurale ou les régions du nord de la France sont délaissées, tout comme les petites cliniques. Les gens ne veulent pas travailler seuls. Et le salaire se révèle souvent un gros point de discorde. Sur le site, les articles les plus lus concernent le forfait jour et les fiches de paye. »

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