« C’est effrayant d’être médecin »

« La médecine est ma femme légitime, la littérature ma maîtresse. Quand l’une m’ennuie je vais passer ma nuit avec l’autre », écrivait Anton Tchekhov qui, outre ses deux vocations, était doué de légèreté. Si ce n’est pas le trait le plus convaincant du portrait proposé par René Féret, celui-ci n’incline pour autant pas vers la neurasthénie qui est associée aux mauvaises mises en scène de ses pièces. Au travers de la belle admiration qu’il témoigne à Tchekhov, le cinéaste livre ici sa propre vision de ce que doit être un artiste : un homme mettant le talent qui lui a été donné au service de la vérité et… de la société. Aussi, en dépit de sa modestie et de sa forme classique, presque désuète, le film est davantage qu’un biopic.

Prenant la liberté romanesque de bousculer la chronologie des événements, René Féret concentre la vie de Tchekhov sur l’année décisive où, écrivain reconnu mais médecin découragé (son frère meurt de tuberculose), il abandonne carrière, famille et amour pour entreprendre un incertain périple de 10 000 km jusqu’à la terrible colonie pénitentiaire de l’île de Sakhaline. L’enquête minutieuse et exemplaire qu’il conduit auprès des bagnards – unissant ses qualités de scientifique et d’écrivain – obligera le régime tsariste à revoir la gestion de ses établissements pénitentiaires et permettra à Tchekhov de retrouver un sens à son œuvre écrite. Intelligent et intègre, le film donne envie de la (re) découvrir.

Anton Tchekhov 1890 de René Féret avec Nicolas Giraud, Lolita Chammah, Robinson Stévenin, Jacques Bonaffé, Jenna Thiam, Brontis Jodorowsky, Marie Féret, France, 1 h 36, sorti le 18 mars 2015.