Les facteurs impliqués dans l’otite chronique du chien - La Semaine Vétérinaire n° 1621 du 13/03/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1621 du 13/03/2015

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Catherine Laffort*, CHARLOTTE DEVAUX**

Fonctions :
*diplomate ECVD, DESV
dermatologie, praticienne
à Bordeaux.
Article tiré d’une webconférence
coorganisée par le Gedac (Afvac)
et Merial, le 3 février 2015

Face à une otite chronique, il convient de s’interroger sur la raison de ce passage à la chronicité, qui implique, en plus des facteurs prédisposants, des éléments déclenchants, secondaires et perpétuants.

FACTEURS PRÉDISPOSANTS

La présence de facteurs prédisposants augmente le risque d’apparition d’une otite, mais ils ne déclenchent pas l’affection à eux seuls. Il s’agit de la conformation, souvent liée à la race (port d’oreille tombant, hypertrichose chez le caniche et le bichon, sténose chez le sharpeï, développement des glandes cérumineuses chez le cocker), d’une humidité excessive (baignades répétées, nettoyages trop fréquents), de l’obstruction du conduit (tumeur, polype), d’une maladie systémique (hyperthermie, affection débilitante, immunosuppression).

FACTEURS DÉCLENCHANTS

Les facteurs déclenchants sont les plus importants à découvrir. En effet, ce sont les véritables responsables de l’otite.

→ Les dermatites allergiques sont le facteur déclenchant d’une otite externe le plus fréquent chez le chien. Le plus souvent, il s’agit d’une dermatite atopique, dont le premier signe est couramment une otite érythémateuse prurigineuse susceptible d’évoluer seule pendant 1 an avant d’être accompagnée d’autres signes. Une otite est présente dans plus de 50 % des cas d’allergie : elle est alors le plus souvent bilatérale. Dans 20 % des cas d’hypersensibilité alimentaire, l’otite érythémateuse peut même être le seul signe présent. Une otite peut également être déclenchée par une dermatite par allergie aux piqûres de puces (Dapp) ou une allergie de contact à un produit de traitement (néomycine ou propylène glycol, par exemple).

→ Dans 7 à 10 % des cas, les ectoparasites sont en cause (Otodectes cynotis le plus souvent, Demodex canis plus rarement).

→ L’irritation ou l’occlusion du conduit auditif externe peut être provoquée par un épillet ou une bourre de poils (obstruction du conduit, avec macération et infection secondaire).

→ Des dysendocrinies (hypothyroïdie, troubles ovariens, syndrome de féminisation) peuvent être à l’origine d’une otite érythémato-cérumineuse chronique.

→ D’autres facteurs déclenchants, tels que les troubles de la kératinisation, les pyodermites proches de l’oreille, la cellulite juvénile, les dermatites auto-immunes comme le pemphigus foliacé, qui provoque des atteintes ulcéreuses, et les tumeurs du conduit auditif externe sont recensés.

FACTEURS SECONDAIRES

Les facteurs secondaires contribuent au développement d’une otite dans une oreille qui présente déjà des anomalies. Les Malassezia font partie de la microflore cutanée et auriculaire normale, tandis que Candida albicans est toujours pathogène. Lors d’otite, ces levures se multiplient de façon excessive.

Des bactéries, notamment les Staphylococcus pseudintermedius, les streptocoques et les Enterobacter, sont également naturellement présentes dans le conduit auditif en petite quantité. Cependant, lors d’inflammation (par le facteur primaire), une modification du climat prédispose au développement de bactéries pathogènes. Ces agents sont recherchés par un examen cyto- logique, parfois plus sensible que la bactériologie.

Les prélèvements sont toujours à réaliser dans les deux oreilles, car les germes peuvent différer d’un côté à l’autre. L’examen bactériologique (avec antibiogramme) n’intervient qu’en seconde intention, lorsque des bacilles sont identifiés à la cytologie, lors d’absence de réponse à un traitement antibiotique bien conduit ou d’otite moyenne. Il permet de détecter les bactéries, susceptibles de représenter un danger pour la santé humaine, Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, Pseudomonas aeruginosa multirésistant, etc. Cependant, son intérêt est à relativiser car il ne permet pas de faire la différence entre les bactéries résidentes, une surpopulation bactérienne ou une véritable infection. De plus, les antibiotiques utilisés dans les topiques auriculaires atteignent des concentrations supérieures (parfois 1 000 fois) à celles sériques testées lors des antibiogrammes.

FACTEURS PERPÉTUANTS

Les facteurs perpétuants ne sont pas responsables de l’apparition de l’otite mais la font perdurer. Ils sont également à traiter, car ils empêchent la guérison.

→ L’inflammation chronique provoque une hyperplasie cutanée qui peut aller jusqu’à la sténose, une fibrose et une calcification irréversible du conduit auditif externe.

→ Des altérations du fonctionnement du conduit auditif externe (diminution de la migration épithéliale physiologique, œdème, exsudat, augmentation de l’activité des glandes apocrines) s’accompagnent d’une hausse de l’humidité locale, d’une diminution de l’activité bactériostatique du cérumen et d’une prolifération des facteurs secondaires.

→ L’oreille moyenne est touchée dans 50 % des cas d’otites chroniques, parfois sans visualisation otoscopique d’une rupture tympanique. Elle correspond à l’extension d’une otite externe. Les germes, susceptibles d’être différents de ceux impliqués dans cette dernière, sont alors difficilement accessibles aux traitements topiques. Lors d’otite chronique, il se révèle ainsi intéressant d’effectuer un bilan d’extension de l’infection. La radiographie est peu sensible pour détecter une otite moyenne. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet une détection précoce de l’atteinte des tissus mous mais est peu sensible au niveau osseux. Le scanner représente le meilleur compromis. Si l’imagerie met en évidence une étroitesse ou une calcification du conduit, ou une ostéomyélite de la bulle tympanique, une intervention chirurgicale est nécessaire.

TRAITEMENT

Nettoyage

Le nettoyage (flushing) est l’élément clé du traitement. Il permet d’éliminer les débris, le cérumen et le pus qui maintiennent l’inflammation, empêchent l’action des principes actifs et favorisent l’apparition de biofilms gênant l’efficacité des antibiotiques. Si le tympan est rompu, des prélèvements dans la bulle tympanique sont réalisés.

Antibiothérapie locale

Le traitement topique est choisi en fonction de l’excipient (à adapter selon la présence de cérumen ou de pus) et des bactéries présentes à la cytologie (en première intention, acide fusidique ou gentamicine pour les cocci, polymyxine B pour les bacilles). Les quinolones et la sulfadiazine ne sont utilisées qu’en seconde intention, après la réalisation d’un antibiogramme. Un prétraitement à l’aide de tris-EDTA permet alors de préparer l’action des antibiotiques. Si le tympan est rompu, une molécule non ototoxique est choisie. Lors d’otite moyenne, un antibiotique non ototoxique, tel que l’enrofloxacine pure par exemple, peut être injecté dans la bulle tympanique (3 ml environ). Cette grande quantité de produit reste longtemps en contact avec la muqueuse et peut permettre d’éviter un traitement per os.

Antibiothérapie systémique

Le traitement systémique peut être utilisé lorsque le traitement topique se révèle impossible (douleur ou sténose). Cette voie est également utilisée lors d’otite moyenne. Cependant, le pus et les débris gênent l’action de l’antibiotique, même par voie orale : le flushing est donc toujours nécessaire. Si les bactéries présentes à la cytologie sont des coccis, l’amoxicilline potentialisée par l’acide clavulanique ou les céphalosporines sont privilégiées. S’il s’agit de bacilles, les quinolones à double dose ou la gentamicine par voie intraveineuse sont employées sur la base d’un examen bactériologique. Le traitement est à suivre jusqu’à ce que l’oreille soit cliniquement et cytologiquement indemne d’infection, ce qui nécessite parfois 4 à 8 semaines.

Anti-inflammatoires

Lors d’otite suppurée chronique ou moyenne, les corticoïdes permettent de contrôler la douleur, l’inflammation (l’exsudation en particulier), la fibrose et la sténose. La prednisolone est administrée par voie orale à raison de 0,5 à 1 mg/kg/jour à dose dégressive.

SUIVI

Le chien est revu 15 jours après le premier flushing, puis toutes les 3 à 4 semaines. À chaque contrôle, un examen otoscopique et cytologique est réalisé. Si le pus est présent en grande quantité et si la zone tympanique ne peut être visualisée, un nouveau flushing peut être nécessaire. Si, après plusieurs nettoyages (3 en moyenne), le résultat n’est toujours pas satisfaisant, il convient de s’orienter vers une intervention chirurgicale de trépanation de la bulle tympanique, avec un abord par voie ventrale qui permet un meilleur drainage et curetage que par les voies naturelles.

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