L’UNIQUE ZOO DE CISJORDANIE NOUS OUVRE SES PORTES

Une seule route permet d’entrer et de sortir de Qalqilya, petite ville palestinienne encerclée par le mur séparant les territoires occupés d’Israël. C’est ici que se trouve le seul zoo de Cisjordanie. L’établissement, qui a ouvert ses portes en 1986, est l’une des rares attractions disponibles pour les Palestiniens, petits et grands ! Une centaine d’animaux (des oiseaux, des zèbres, des lions, etc.) y vivent. Ce zoo municipal est d’une autre époque, assez vétuste et tristounet. Cependant, un homme a décidé de consacrer sa vie à offrir du bonheur et un peu de normalité à la population palestinienne. Sami Khader est le vétérinaire du zoo depuis une quinzaine d’années. Ce Palestinien, né en Arabie saoudite, où ses parents avaient trouvé refuge en 1946, a obtenu son diplôme de vétérinaire en 1987. « J’ai beaucoup travaillé dans les fermes, à soigner le bétail : des bovins, des volailles ou des dromadaires, raconte-t-il. Puis, ma femme, originaire de Qalqilya, a voulu rentrer au pays. » Il lui faudra patienter plusieurs années avant d’obtenir les documents nécessaires pour revenir. Il découvre le parc zoologique au cours d’un séjour de vacances. « J’ai immédiatement souhaité y travailler. J’ai rencontré le directeur, mais la place de vétérinaire était occupée ! »

Un muséum d’histoire naturelle au sein du zoo

C’est donc en entrant par une autre porte que Sami Khader y a fait ses premiers pas, en 1999. « En Arabie saoudite, j’avais appris en autodidacte la taxidermie. Lorsque je l’ai dit au directeur, celui-ci m’a parlé d’un lion qui venait de mourir. La tête avait été conservée dans un réfrigérateur. Je l’ai naturalisée ! » Puis il reconstitue le crâne d’un éléphant, comme un grand puzzle en trois dimensions. « Ma mission suivante consistait à créer de toutes pièces un petit muséum d’histoire naturelle au sein du zoo. » Un étrange début pour cet homme passionné par les animaux !

Pour pratiquer son métier de vétérinaire auprès des animaux sauvages, Sami Khader a suivi une formation dans un parc animalier israélien de Tel-Aviv : « J’ai passé trois mois au safari de Ramat Gan, auprès d’un praticien expérimenté. De retour à Qalqilya, je me suis perfectionné auprès de mon prédécesseur. » Depuis, Sami Khader prend en charge le bien-être des 120 animaux, assisté de sept soigneurs. Il leur faut faire face aux difficultés quotidiennes dues à l’occupation, ainsi qu’aux événements susceptibles d’intervenir. « Durant l’Intifada de 2002, le couvre-feu a duré 28 jours. Il était très difficile de circuler entre mon domicile et le zoo. Deux tanks ont stationné devant les grilles pendant quatre mois ! Pourtant, il fallait venir nourrir et prendre soin des animaux ! »

Quant aux médicaments, il devait aller les chercher à Naplouse, la grande ville voisine. Sami Khader n’hésitait pas à se faire transporter en ambulance, feignant la maladie, pour forcer les barrages israéliens afin de s’approvisionner ! L’épisode le plus dramatique reste la mort de trois zèbres, asphyxiés par les gaz de l’armée israélienne, et de deux girafes.

Sensibiliser les jeunes à la cause animale

Les animaux ont été naturalisés et sont aujourd’hui exposés dans le muséum. « Hélas, nous n’avons pas les moyens de faire venir de nouvelles girafes », déplore Sami Khader. En outre, le zoo n’est pas habilité à abriter des couples d’animaux, selon les règles internationales : « Notre taille ne permet pas la reproduction, donc nous n’avons aucune femelle parmi toutes les espèces présentées ici ! » Sami Khader envisage toutefois d’agrandir le parc zoologique grâce au parking qui jouxte l’établissement. « J’aimerais installer un petit coin d’Afrique, avec des rhinocéros, des girafes et des gazelles. » Le vétérinaire ne cesse de rendre le lieu le plus accueillant possible, pour les animaux mais aussi pour le public. « Je souhaite sensibiliser les jeunes à la cause animale et, plus largement, à l’environnement », confie Sami Khader. Un défi de taille dans cette partie du monde où la situation politique peut parfois changer en quelques mois. C’est aussi pour cela que ce vétérinaire accueille les enfants des écoles ou se rend dans les établissements scolaires. « La vie sauvage en Palestine existe aussi. Il faut la préserver malgré tout. » Sami Khader, le vétérinaire taxidermiste, permet aux 300 000 visiteurs annuels du zoo d’oublier les soucis de l’occupation. Le temps d’un après-midi, ils peuvent rêver à une vie plus tranquille.