Vermifugeons de manière responsable… - La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Anne Couroucé-Malblanc

Fonctions : diplomate Eceim, enseignante
à Oniris (Nantes).
D’après l’article de Lester H.E.,
Matthews J.B. (2014). Faecal worm
egg count analysis for targeting
anthelmintic treatment in horses :
points to consider. Equine Vet. J.
46;139-145.

À l’heure où l’antibiorésistance apparaît comme un enjeu majeur et où le monde médical se veut “antibio-responsable”, il est fondamental de rappeler que les parasites développent, eux aussi, des résistances aux anthelminthiques que nous connaissons et utilisons au quotidien. Les vétérinaires se doivent d’adopter une attitude “vermifuge-responsable”, sachant que si nous continuons à vermifuger à l’aveugle, sans aucun contrôle, nous n’aurons bientôt plus de molécules efficaces pour traiter les chevaux.

UNE VERMIFUGATION CIBLÉE

De nombreuses études mettent en évidence la résistance de certains parasites (cyathostomes, petits strongles et Parascaris equorum, notamment) aux vermifuges. Afin de limiter ces problèmes de résistance, il est recommandé de traiter les chevaux de manière ciblée contre les parasites digestifs. La vermifugation ciblée implique la démarche suivante :

→ effectuer systématiquement des coproscopies ;

→ traiter les chevaux qui sont de gros excréteurs d’œufs de nématodes (plus de 200 œufs par gramme, ou opg) ;

→ ne pas traiter les chevaux considérés comme faibles excréteurs (moins de 200 opg).

Ces recommandations sont faites depuis plus de 20 ans, mais la mise en œuvre sur le terrain de cette vermifugation ciblée est lente, du fait peut-être d’un mauvais transfert de connaissances entre les scientifiques et les vétérinaires, mais également entre les vétérinaires et les propriétaires de chevaux, et de l’existence d’un certain nombre d’idées reçues. La réticence des propriétaires peut notamment être due à la perception d’un coût plus élevé de cette pratique. Néanmoins, une étude récemment menée au Royaume-Uni a mis en évidence que la vermifugation ciblée permettait non seulement de réduire de 82 % l’utilisation d’anthelminthiques, mais également de réaliser une économie conséquente au sein de l’écurie. De ce fait, le coût supplémentaire de la réalisation de coproscopies (faecal worm egg count, FWEC, ou comptage des œufs de parasites) ne devrait pas constituer un problème et cet examen pourrait être inclus systématiquement dans tout programme de vermifugation pour évaluer quels chevaux traiter et contrôler l’efficacité des traitements anthelminthiques mis en œuvre.

COMPTAGE DES ŒUFS DE STRONGLES CHEZ LES ÉQUIDÉS

Il a été mis en évidence dans différentes études qu’une faible proportion de chevaux excrètent une grande majorité des œufs de strongles. Dans deux études menées l’une sur 1 221 galopeurs et l’autre sur 928 chevaux, respectivement 11 % et 15 % des équidés excrétaient 80 % des œufs de strongles.

Ainsi, la règle des 80/20 est communément admise : 20 % des chevaux excrètent 80 % des œufs de strongles. Ces chevaux qui peuvent être désignés comme gros excréteurs et qui contribuent très largement à la contamination des pâtures sont repérables par la réalisation d’une coproscopie et un comptage des œufs.

La limite fixée pour décider de mettre en place ou non un traitement est comprise entre 200 et 500 opg, selon la population étudiée et la technique utilisée.

Le fait de ne pas traiter les faibles excréteurs permet de promouvoir les “refuges”, ces parasites non exposés aux anthelminthiques et donc non confrontés à la pression de sélection de résistances.

Chez les ruminants, il a été prouvé que maintenir des populations de nématodes dans des refuges permettait de ralentir le développement de résistances en gardant des gènes susceptibles de diluer les allèles résistants sélectionnés lors de chaque traitement anthelminthique.

OBJECTIFS DE LA COPROSCOPIE ET DU COMPTAGE DES ŒUFS

Le comptage des œufs permet l’obtention de différentes informations pratiques :

– évaluer la contamination des chevaux et cibler les traitements. Il a été prouvé que ce procédé permet de réduire de 75 à 82 % l’utilisation des vermifuges ;

– apprécier l’efficacité d’un traitement anthelminthique (calcul de la réduction du nombre d’œufs excrétés) ;

– identifier le statut parasitaire d’un nouvel arrivant au sein d’un effectif (quarantaine).

Le comptage des œufs ne prend en compte que ceux provenant des femelles matures, pas les parasites mâles adultes, ni les formes en développement, telles que les larves de cyathostomes enkystées, qui sont néanmoins abondantes pendant l’hiver. Il n’existe à ce jour aucun test qui permette la quantification des larves enkystées. Néanmoins, un test sanguin fondé sur la mesure des immunoglobulines G (T), ou IgG (T), ciblées sur les antigènes des larves de cyathostomes est en développement et devrait être commercialisé dans les années à venir.

Du fait du fort potentiel pathogène des larves de petits strongles enkystées, il est recommandé que tous les chevaux reçoivent un vermifuge actif sur les larves en fin d’automne ou au début de l’hiver. La moxidectine et le fenbendazole sont les deux molécules de ce type disponibles aujourd’hui sur le marché. Néanmoins, des articles récents ont montré que des résistances très importantes existent avec le fenbendazole et recommandent l’utilisation de la moxidectine pour cibler les larves de petits strongles enkystées.

TECHNIQUES DE CENTRIFUGATION ET DE FLOTTATION

Il existe différentes méthodes de comptage mettant en œuvre des techniques diverses de centrifugation et de flottation nécessitant du matériel plus ou moins sophistiqué.

La méthode utilisée est importante car, si la limite de détection est élevée, la méthode ne sera pas sensible à des changements de quantité d’œufs autour de ce seuil de détection et sera plus à même de donner des faux négatifs.

Il est donc recommandé d’utiliser une technique ayant un seuil de détection bas, et ce en particulier lorsque l’évaluation de l’efficacité d’un vermifuge est recherchée.

FACTEURS AFFECTANT LE RÉSULTAT ET L’INTERPRÉTATION

Un certain nombre de facteurs peuvent influencer le résultat et l’interprétation d’un comptage des œufs de strongles :

– variation d’excrétion des œufs selon les individus ;

– variation d’excrétion des œufs chez un individu au cours du temps ;

– état de santé et état corporel d’un individu ;

– effets de la densité de la population de parasites sur l’excrétion des œufs ;

– technique de prélèvement, puis de conservation avant analyse ;

– répartition inégale des œufs de strongles dans les fèces.

Ainsi, les échantillons doivent être prélevés de crottins frais (maximum de 12 heures).

L’éclosion des œufs est un processus anaérobie qui ne survient pas en dessous de 6 °C. Il importe de noter que les œufs éclosent :

– en 10 à 12 jours à 7 °C ;

– en 2 à 5 jours entre 10 et 20 °C ;

– en 1 jour au-dessus de 20 °C.

À l’éclosion, le comptage des œufs ne peut plus être réalisé de façon précise.

C’est pourquoi les prélèvements doivent être conservés à moins de 6 °C dans un sac (ou gant de fouille) fermé de façon hermétique après expulsion de l’air. Une étude récente a montré que les échantillons peuvent être conservés à 6 °C pendant 5 jours avant analyse sans qu’il y ait d’effet sur le nombre d’œufs.

Il importe également d’avoir suffisamment de matière provenant si possible d’un mélange de différents crottins du même cheval. Les crottins doivent être mélangés de façon homogène avant analyse.

TEST DE RÉDUCTION DU COMPTAGE D’ŒUFS

Ce test permet d’évaluer l’efficacité d’un vermifuge et la présence ou non de résistances. Cela consiste à mesurer la réduction du nombre d’œufs excrétés en effectuant un prélèvement de fèces juste avant le traitement anthelminthique, puis 14 à 17 jours plus tard. Lors de ce test, comme lors de toute vermifugation, il est essentiel d’évaluer correctement le poids du cheval (pesée directe ou mesure au ruban). Dans l’idéal, la technique utilisée devrait avoir une limite de détection en dessous de 5 opg et, en tout état de cause, en dessous de 25 opg.

Le pourcentage d’efficacité se calcule de la façon suivante : pourcentage de réduction du comptage d’œufs = (comptage d’œufs à J0 - comptage d’œufs à J14/comptage d’œufs à J0).

• Pour le fenbendazole et le pyrantel, une réduction du comptage d’œufs supérieure ou égale à 90 % indique une bonne sensibilité de l’anthelminthique.

• Pour l’ivermectine et la moxidectine, une réduction du comptage d’œufs supérieure ou égale à 95 % est caractéristique d’une bonne sensibilité de l’anthelminthique.

CONCLUSION

En raison des résistances aux anthelminthiques des strongles et de P. equorum, les traitements prophylactiques réguliers ne peuvent plus et ne doivent plus être pratiqués. Cette approche différente de la vermifugation peut constituer un challenge pour les vétérinaires et les propriétaires, mais est également le garant de molécules efficaces contre les parasites des chevaux dans le futur.

L’objectif principal du contrôle doit être fondé sur la préservation d’une population de nématodes sensibles aux anthelminthiques, tout en minimisant le risque de maladies parasitaires. La coproscopie régulière avec comptage des œufs de strongles doit impérativement faire partie de la politique de vermifugation, afin de réduire la fréquence des traitements antiparasitaires et de maintenir une population de nématodes non exposés à la pression de sélection pour les résistances, tout en s’assurant de la santé et du bien-être des chevaux.

Références :

  • → Mason M.E., Voris N.D., Ortis H.A. et coll. Comparison of a single dose of moxidectin and a five-day course of fenbendazole to reduce and suppress cyathostomin fecal egg counts in a herd of embryo transfer-recipient mares. JAVMA. 2014;245 (8):944-951.
  • → Traversa D., Castagna G., von Samson-Himmelstjerna G. Efficacy of major anthelmintics against horse cyathostomins in France. Veterinary Parasitology. 2012; 188:294-300.

EN PRATIQUE

→ Effectuer des coproscopies régulières sur les chevaux (3 ou 4 par an).

→ Vermifuger les chevaux présentant plus de 200 opg et ne pas vermifuger les chevaux avec moins de 200 opg.

→ Maintenir une vermifugation par an ciblée sur les larves enkystées de petits strongles (cyathostomes) et les tænias.

→ Adapter la vermifugation au poids réel du cheval (pesée ou mesure au ruban), les propriétaires ayant souvent tendance à sous-évaluer le poids de leur animal.

→ Les arguments à faire valoir pour mettre en place une vermifugation ciblée sont la réduction de l’utilisation des anthelminthiques (et, par voie de conséquence, de l’apparition de résistances) et de son coût, ce qui permet d’inclure les coproscopies.

→ Adapter ces recommandations aux poulains et foals et aux chevaux de plus de 15 à 20 ans.

Bien entendu, la gestion de l’environnement, comme le ramassage des crottins, importe également et contribue à la bonne gestion du parasitisme.

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