Un premier rapport lie résistance des bactéries et antibiotiques - La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

L’agence du médicament européen (EMA), celle de la sécurité sanitaire (EFSA) et celle de contrôle des maladies (ECDC) ont combiné leurs données dans un document de synthèse sur l’antibiorésistance et la consommation d’antibiotiques chez l’animal de rente et l’homme.

La Commission européenne a demandé à ses trois agences (EMA, EFSA et ECDC1) une analyse commune sur des données issues de la surveillance de l’utilisation des antibiotiques et de ses conséquences sur le développement des résistances, dans le respect des mesures proposées par le plan d’action contre la menace émergente de résistance des bactéries (communication du 15 novembre 2011).

L’analyse présentée par le groupe d’étude Jiacra2, « Joint report on the consomption of antimicrobial agents et occurrence of resistance in bacteria from humains and food-producing animals », rendue publique début 2015, est fondée sur les données enregistrées en 2011 et 2012 par les réseaux de surveillance déjà en place et transmis par les États européens. Ces conclusions, fondées sur des estimations globales, sont à prendre avec précautions, et ne peuvent être comprises que comme des tendances. Ce rapport constitue une première tentative d’analyse intégrative des données issues de la médecine humaine et animale en Europe, qui souligne les limites d’un tel exercice et fait apparaître des pistes d’améliorations.

Une hétérogénéité préjudiciable

Le manque d’harmonisation entre les différents systèmes et agences est relevé par le Jiacra, ce qui rend les comparaisons difficiles entre les pays et les pratiques en santé humaine et animale.

En médecine humaine, la consommation d’antibiotiques est enregistrée en doses définies quotidiennes (defined daily doses ou DDD), qui prennent en compte la posologie de chaque molécule. Les acteurs européens de la santé animale relèvent le tonnage de substance active par unité de population corrigée et par an. Avant de procéder à des comparaisons, les données brutes ont donc été ramenées au tonnage de substance active et à celui de la biomasse de la population, et ont été exprimées en mg de substance active par kg de biomasse de population. Mais, de ce fait, une analyse fine est impossible : la répartition des espèces dans chaque pays n’est pas prise en compte, de même que le tonnage consommé par espèce et production. D’autre part, la posologie des molécules est très variable, même au sein d’une même famille (de 0,3 à 3mg/kg pour les macrolides chez l’homme) et entre espèces.

Évaluation des liens de causalité : pas si simple !

Les données sur la résistance proviennent des isolats d’infections chez l’homme (en médecine communautaire ou dans les hôpitaux) et des contrôles dans les abattoirs sur les carcasses de trois espèces animales, pour les bactéries zoonotiques et pour des indicateurs commensaux des animaux pouvant être pathogènes chez l’homme (E. coli). Tous les pays européens ne transmettent pas l’ensemble de ces informations, ce qui biaise les évaluations. Ainsi, l’Autriche, l’Allemagne, le Royaume-Uni, entre autres, n’incluent pas la consommation hospitalière dans les données transmises. Un indicateur permettant d’évaluer la résistance des bactéries a été défini pour les trois principales espèces animales de production comme la moyenne pondérée par unité de population corrigée (population correction unit ou PCU) de la proportion de bactéries résistantes pour chaque espèce. De nombreuses variations de la fréquence des résistances sont observées selon les pays.

Le Jiacra souligne la nécessité d’introduire une surveillance des bactéries commensales chez l’homme (sain et malade) et pathogènes des animaux. Il souhaiterait également pouvoir affiner son analyse en entrant dans le détail des populations considérées, par espèces (toutes !) et par types de production pour les animaux, par âge et genre chez l’homme. Le groupe d’étude souligne aussi la nécessité de disposer de données plus complètes sur la consommation dans les hôpitaux (pour certains pays) et de davantage de résultats sur les isolats bactériens, afin de pouvoir évaluer les cosélections de résistances. À titre d’exemple, le nombre d’isolats de E. coli provenant d’infections chez l’homme varie selon les pays de 134 à plus de 9 000 en 2012.

Vingt pays ont fourni des données relatives à Salmonella spp. : la fréquence de résistance aux fluoroquinolones des souches isolées chez l’homme varie de 0 à 18,2 %. Les plus forts taux sont observés à Malte et en France, les plus bas en Grèce et en Lettonie.

Données de consommation

D’un point de vue global en 2012, 3 400 t de substances actives ont été vendues pour un usage humain, et 7 982 pour un usage chez les animaux. La biomasse humaine à l’échelle de l’Union européenne est évaluée à 28 884 millions de tonnes et celle animale à 55 421 millions de tonnes. La proportion de biomasse totale représentée par la population humaine varie considérablement selon les pays, de 13 à 59 %, détail qui n’est là non plus pas pris en compte dans les évaluations à l’échelle européenne.

La consommation totale moyenne européenne d’antibiotiques est donc de 116,4 mg/kg chez les humains (56,7 à 175,8) et 144 mg/kg chez les animaux (3,8 à 396,5), ce qui en soi n’a pas de signification particulière. La consommation d’antibiotiques classiquement utilisés en élevage est plus élevée chez l’animal que chez l’homme, tandis que celle des antibiotiques critiques pour l’homme est plus importante chez ce dernier. En effet, les résultats, différenciés par familles pour les antibiotiques critiques, céphalosporines de 3e et 4e générations et fluoroquinolones, montrent que la consommation moyenne des premières chez l’homme et l’animal de production est respectivement de 3,5 mg/kg (0,02 à 12,52) et 0,24 mg/kg (moins de 0,01 jusqu’à 0,68), et pour les fluoroquinolones respectivement de 7,04 mg/kg (2,24 à 16,03) et 2,47 mg/kg (0,01 à 10,98).

La France est le deuxième pays européen, derrière l’Allemagne, en termes de biomasse totale (homme plus animaux de rente), et arrive quatrième en termes de tonnage total. Sa consommation moyenne chez l’homme est nettement plus élevée que la moyenne européenne (175,8 mg/kg), mais plus faible chez les animaux (99,1 mg/kg). L’Allemagne présente une situation inverse, avec 66,9 mg/kg consommé chez l’homme, et 204,8 mg/kg chez l’animal. Il est important de garder à l’esprit que ces résultats concernent un tonnage total de substances actives et ne reflètent pas l’usage qui en est fait.

  • 1 Agence européenne des médicaments, Autorité européenne de sécurité des aliments et Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.

  • 2 Joint Interagency Antimicrobial Consumption and Resistance Analysis, disponible sur le site de l’EMA, ECDC et l’EFSA.

Associations entre consommation et résistances

D’un point de vue général, une association positive est notée entre la consommation d’antibiotiques par les animaux destinés à la consommation humaine et l’occurrence des résistances des bactéries recherchées chez eux, les plus fortes associations concernant Escherichia coli. Mais des liens positifs sont notés également pour les salmonelles et Campylobacter spp. Une association positive est repérée entre la consommation de céphalosporines de 3e et 4e générations chez l’homme et l’occurrence de résistance aux C3G (utilisée dans les tests de sensibilité) chez la bactérie E. coli, isolée dans les infections humaines. Il en est de même pour la consommation de fluoroquinolones chez l’homme et l’occurrence de résistance à ces molécules chez E. coli, mais pas chez Salmonella spp. Pour ces deux familles d’antibiotiques, un lien positif est noté entre l’apparition de résistance chez l’indicateur E. coli venant des animaux de consommation et les souches isolées chez les humains.

Aucun lien n’est montré entre la consommation de céphalosporines de 3e et 4e générations par les animaux de production et la résistance de bactéries sélectionnées isolées chez l’homme, de même qu’une absence d’association apparaît entre l’usage des fluoroquinolones en médecine vétérinaire et la résistance des salmonelles et de Campylobacter d’origine humaine.

Une association positive est notée entre la consommation de macrolides par les animaux de rente et la résistance de Campylobacter isolé dans les infections humaines, et entre celle de tétracyclines et la résistance des salmonelles et de Campylobacter chez l’homme.

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