Traitement des stomatites félines - La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1617 du 13/02/2015

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Nicolas Girard*, Maud-Aline Chesnel**, Gwenaël Outters***

Fonctions :
*diplomate EVDC, praticien
à Saint-Laurent-du-Var (Var)
**diplomate Ecvaa,
praticienne à Nantes
(Loire-Atlantique)

POINTS FORTS

– Le calicivirus n’est pas à l’origine de la gingivo-stomatite féline.

– Les extractions dentaires en nombre visent à réduire de façon drastique la plaque dentaire et à prendre en charge les douleurs d’origine dentaire.

– Précis et performant, le geste chirurgical s’accompagne d’une analgésie rigoureuse.

La gingivo-stomatite se définit comme une inflammation orale agressive concernant la muqueuse et la sous-muqueuse, polyfactorielle et dominée par un syndrome dysimmunitaire local. Elle n’est pas une spécificité féline. Sa prévalence chez le chat ne semble pas supérieure à celle rencontrée chez d’autres espèces.

PHYSIOPATHOLOGIE

L’étiologie de cette affection est incertaine et complexe. Si l’inflammation est en regard des arcades dentaires et de la langue, la plaque dentaire en est l’origine la plus probable. Concernant les lésions caudales, l’origine reste indéterminée. L’implication du calicivirus dans la genèse de la maladie, souvent invoquée, est pourtant inconnue, même si le rôle de cet agent est probable dans l’entretien de celle-ci.

Le système immunitaire oral est complexe. Des bactéries de la plaque dentaire sécrètent notamment des facteurs de type lipopolysaccharides, protéases et leucotoxines. Ces bactéries sont maîtrisées par la flore parodontale chez l’individu sain. Dans le cas contraire, elles stimulent le système immunitaire, ce qui produit une inflammation chez l’hôte lui-même.

SYMPTÔMES

Un déséquilibre du système immunitaire local entraîne une flambée des lésions avec une rougeur, des ulcères et des saignements. Les stomatites caudales intéressent le fond de la gorge et les piliers du pharynx. Les bucco-stomatites affectent la muqueuse de l’intérieur des joues. Les stomatites alvéolaires se prolongent sur la muqueuse en continuité avec la gencive. Les glossites se caractérisent par des ulcérations ou des proliférations sur la langue. Les parodontites agressives touchent la gencive ainsi que le parodonte, et se manifestent par une inflammation rapide et sévère.

TRAITEMENT

Chirurgie

Les soins conservateurs sont illusoires compte tenu de la douleur sévère induite par la maladie. L’extraction dentaire en nombre (la totalité) est l’unique réponse thérapeutique efficace. Elle permet de réduire le volume de la plaque dentaire et de contrôler l’ensemble des lésions (y compris les douleurs faciales générées par une parodontite ou une ostéite alvéolaire). Elle nécessite une explication rigoureuse de l’intervention et des soins postopératoires auprès du propriétaire. « Les extractions sélectives n’ont pas de sens », explique Nicolas Girard.

Les canines supportent 50 % de la plaque dentaire. Le choix de les laisser est donc à évoquer avec les clients afin de s’assurer de leur capacité à réaliser, en phase postopératoire, des soins chez un animal algique. Le cas échéant, la maladie ne sera pas contrôlée. Le choix de la conservation ou de l’extraction des canines dépend des examens clinique et radiographique. Tout élément diagnostic compatible avec une algie faciale renforce l’indication d’extraction dentaire, y compris pour les canines.

Le geste chirurgical répond à une démarche technique précise : extraction des dents et de tous les fragments des racines, curetage alvéolaire, alvéoloplastie, lambeaux de translation à même de recouvrir les alvéoles dentaires et les sutures. « Il est hors de question de se satisfaire de casser les dents ! » Les propriétaires et les vétérinaires représentent bien souvent les freins de cette stratégie thérapeutique. « Pourtant, il n’y a aucune raison d’attendre avant de réaliser les extractions dentaires. Le plus tôt est le mieux : l’intervention chirurgicale dentaire résout 70 % des symptômes », indique le conférencier.

Analgésie

Les extractions dentaires concernent des animaux souvent dénutris et déshydratés, éventuellement porteurs d’autres maladies (insuffisance rénale chronique) et souvent traités depuis longtemps aux corticoïdes. Le bilan sanguin préanesthésique s’impose. Ce type d’intervention nécessite une intubation trachéale avec une sonde à ballonnet basse pression (protection des voies aériennes, tête déclive), selon Maud-Aline Chesnel.

La prise en charge de l’hypothermie, au cours de cette opération chirurgicale prolongée avec des projections d’eau, est rigoureuse. L’utilisation du pas-d’âne à ressort chez le chat peut entraîner une compression de l’artère maxillaire avec une diminution de la perfusion cérébrale à l’origine d’une amaurose. Il convient de lui préférer un capuchon de seringue de 3 cm au maximum, voire de ne pas utiliser de pas-d’âne.

L’algie peropératoire est telle que ces animaux sont difficiles à anesthésier si la douleur n’est pas prise en charge. L’analgésie multimodale inclut des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS (en s’adaptant à la prise concomitante de corticoïdes), des morphiniques (0,2 mg/kg de méthadone suivi par une perfusion continue de 0,1 mg/kg/heure, ou 5 µg/kg/ heure de fentanyl), des antagonistes des récepteurs NMDA (0,6 mg/kg/heure de kétamine) et une anesthésie locale.

Les blocs locorégionaux concernent les nerfs maxillaire et mandibulaire dans les quatre cadrans. Ils apportent une anesthésie sensitive d’excellente qualité pour un coût faible et avec un équipement simple. Pour un chat de 4 kg, 1,2 ml de lidocaïne 2 % et de la bupivacaïne 0,5 % sont répartis dans les quatre cadrans à l’aide d’une aiguille orange (les spécialités ne doivent pas être diluées). Une hospitalisation de 24 heures postopératoires assure la prise en charge analgésique (20 µg/kg/6 heures de buprénorphine) et la réalimentation de l’animal.

SUIVI

La stomatite est un challenge thérapeutique qui ne peut être envisagé sans la compréhension et le soutien au long cours des propriétaires, prévient Nicolas Girard. Le suivi postopératoire est proposé tous les mois pendant les 3 premiers mois, puis à 6 mois et 1 an. À court terme, l’objectif est la suppression de tout traitement à base de corticoïdes. Les AINS sont utilisés pour leur effet antalgique et les antibiotiques sont prescrits pendant les 15 jours qui suivent l’extraction (l’animal doit être en mesure de manger dès le retour au domicile).

À moyen terme (1 à 6 mois), l’objectif réaliste est de s’abstenir des AINS et des antibiotiques. Les acides gras poly­insaturés peuvent être prescrits per os. Un pansement oral à base d’acide hyaluronique et un gel à la chlorhexidine sont appliqués localement, même si l’observance se révèle souvent difficile.

Au-delà de 6 mois, 10 % des chats sont guéris. Le facteur temps semble donc primordial et se trouve trop souvent occulté au détriment de l’observance correcte du traitement et d’une bonne observation des symptômes cliniques. Le traitement médical à long terme est donc destiné aux animaux qui ne présentent plus d’amélioration et qui supportent toujours un seuil de douleur trop élevé, donc pour lesquels il n’y a pas de guérison clinique.

L’utilisation de la ciclosporine pendant les 6 semaines consécutives à l’extraction, plébiscitée dans une étude de 20131, apporte une amélioration clinique dans 73 % des cas. Cependant, selon notre confrère, rien ne permet d’affirmer que le facteur temps n’aurait pas partiellement ou totalement fourni un résultat similaire. En effet, l’inclusion de la molécule est, dans ce cas, réalisée à 1 mois postopératoire et l’étude de ses effets est restreinte à 6 semaines. L’interféron-ω n’est, quant à lui, « ni magique ni inutile », selon le conférencier qui se fonde sur une étude2 relative à ses effets en comparaison avec la prednisolone. Il semble présenter une efficacité sur la douleur : les résultats révèlent une réduction des scores de lésions cliniques et de douleur. Cependant, aucune différence statistique ne confirme cette observation, exceptées les valeurs de douleur à J60 et J90. Les corticoïdes sont, quant à eux, utilisés en dernier recours sous forme orale aux doses les plus faibles possibles.

  • 1 Lommer MJ. Efficacy of cyclosporine for chronic, refractory stomatitis in cats: a randomized, placebo-controlled, double-blinded clinical study. J. Vet. Dent. 2013 Spring;30 (1):8-17.

  • 2 Hennet PR, Camy GA, McGahie DM, Albouy MV. Comparative efficacy of a recombinant feline interferon omega in refractory cases of calicivirus-positive cats with caudal stomatitis: a randomised, multi-centre, controlled, double-blind study in 39 cats. J. Feline Med. Surg. 2011 Aug;13 (8):577-587.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr