Qui est le vétérinaire hors clientèle ? - La Semaine Vétérinaire n° 1613 du 16/01/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1613 du 16/01/2015

Dossier

Auteur(s) : Joanna Lees

Dans le cadre de son travail de thèse, notre consoeur Joanna Lees a enquêté sur la typologie et le cursus des vétérinaires qui n’exercent pas en clientèle. L’étude a été menée auprès de 2 500 confrères, via l’annuaire Roy (publié aux Éditions du Point Vétérinaire), et d’adhérents du Club vétérinaires et entreprises. 556 d’entre eux ont répondu au questionnaire. Décryptage.

Aujourd’hui, sur les 19196 vétérinaires en activité (données de l’annuaire Roy 2014), 4015 confrères qui ne pratiquent pas en cabinet sont dénombrés : ceux-ci, qui pourraient être qualifiés d’“atypiques”, constituent même une partie non négligeable de notre confraternité : ils en représentent, en effet, le cinquième. Ce sont néanmoins des profils méconnus. Sur les 556 vétérinaires qui ont répondu au questionnaire dans le cadre d’une thèse (voir encadré), un peu plus de la moitié (56 %) exercent une activité dans le secteur public. Le reste des confrères sondés ont choisi de se diriger vers le privé.

Dans les deux cas, près de 80 % des vétérinaires de l’échantillon ont pratiqué moins de cinq ans en cabinet. Leur réorientation a donc été rapide après la sortie de l’école. Toutefois, la majorité des personnes interrogées (62 %) ont tout de même tenté l’expérience de la clientèle.

LES RAISONS DU TOURNANT DANS LA CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

Les raisons qui ont poussé ces vétérinaires à amorcer un virage dans leur carrière sont multiples. Les confrères interrogés évoquent notamment le besoin de changement par rapport à la pratique en clini­que qui ne les satisfait pas : routine en cabinet, perte de l’attrait pour la clientèle, problèmes relationnels avec les clients, déception concernant l’exercice libéral, contraintes économiques. Des motifs personnels sont également évoqués : mûrissement d’un projet, challenge professionnel, volonté de travailler à l’étranger ou de redémarrer à zéro. Le goût pour la recherche a influencé certains (envie d’enseigner, de se spécialiser, d’acquérir une rigueur scientifique), alors que d’autres se sont lancés dans l’industrie par goût du management. Ceux qui se sont réorientés vers le domaine administratif ou public ont été guidés par leur sens du service, de l’engagement auprès de l’État, par la sécurité de l’emploi ou la diversification des activités. Enfin, certains ont décidé d’opter pour une carrière militaire en raison du besoin en santé des armées, du financement de leurs études ou du perfectionnement permanent exigé.

PRIVÉ OU PUBLIC : LES SECTEURS ET LES LIEUX D’ACTIVITÉ

Dans le secteur privé, les vétérinaires ayant répondu à l’enquête exercent principalement dans les laboratoires pharmaceutiques ou toute entreprise en relation avec la santé animale (39 %). Ils travaillent également dans les laboratoires en santé humaine (23 %), les branches de la communication, de la presse et de la formation (8 %), et de l’alimentation animale (7 %). L’agroalimentaire ne regroupe que 4 % des répondants.

Près de deux vétérinaires sur trois exerçant dans le public occupent un poste en lien avec la santé publique (près de la moitié d’entre eux sont vétérinaires inspecteurs) ou travaillent au sein d’organisations gouvernementales (cabinets du ministère, Commission européenne, OIE, etc.). Les métiers d’enseignants-chercheurs regroupent 29 % de l’échantillon du secteur public, avec une proportion non négligeable de vétérinaires installés à l’étranger (36 % du total des confrères expatriés). Les laboratoires départementaux arrivent à la troisième place (8 %), représentés par des biologistes ou des fonctions de direction. Ce chiffre évoluera probablement avec la réforme qui prive les vétérinaires de l’accès à l’internat de médecine spécialisée en biologie médicale. Enfin, les confrères exerçant dans l’armée représentent 2 % des répondants.

Les vétérinaires atypiques ont choisi une voie professionnelle originale qui les conduit à travailler dans des secteurs géographiques spécifiques. Ceux du secteur public se retrouvent principalement à Paris (ils évoluent, par exemple, dans la santé publi­que vétérinaire et les centres de recherches tels que le CNRS), dans des fonctions gouvernementales ou des organisations telles que l’OIE ou des écoles (AgroParisTech ou l’Institut Pasteur, par exemple). Ils sont également présents en Haute-Garonne (ENVT, université de Toulouse, Inra).

Les vétérinaires du secteur privé se retrouvent, quant à eux, majoritairement à Paris, dans des entreprises diverses, telles que Vetoquinol, Boehringer, Danone, Jannsen, AstraZeneca ou Dior. Leur densité se révèle plus faible en Haute-Garonne, dans le Rhône (Merial, Pierre Fabre) et dans les Alpes-Maritimes (Hill’s et Virbac).

DES SALAIRES PLUS ÉLEVÉS DANS LE PRIVÉ

Le salaire médian brut annuel de l’échantillon du secteur public est compris entre 40 000 et 60 000 € brut annuel (les rémunérations supérieures à 80 000 € correspondent à des fonctions de recherche ou d’enseignement, à l’étranger ou dans des organismes internationaux), versus 60 000 à 80 000 € dans le privé. Les vétérinaires de l’échantillon se voient offrir une meilleure paie lorsqu’ils acquièrent de l’expérience. Cependant, ceux du secteur privé bénéficient d’une évolution plus rapide et atteignent des salaires plus élevés que ceux du public. Les consœurs gagnent moins que leurs homologues masculins dans les deux secteurs.

LE CURSUS DE FORMATION

Tous ces vétérinaires ont un point commun : pour mener à bien leur projet professionnel, ils ont suivi une formation complémentaire après leur cursus vétérinaire.

Du côté des vétérinaires du secteur public, les formations universitaires sont les plus représentées : le niveau master (sous sa nouvelle ou ses anciennes appellations) regroupe 30 % des formations et le doctorat 26 % environ. Le CEAV est également fréquent (13 %) et se prolonge rarement par un DESV (3 %). Les vétérinaires titulaires du diplôme de spécialiste du collège européen ou américain ne représentent que 2 % de l’échantillon.

Les domaines et les thématiques des formations suivies les plus représentés sont, par ordre décroissant, la santé publique, la biologie au sens large (biochimie, biologie médicale, microbiologie), la qualité industrielle, le management, la médecine vétérinaire, l’anatomopathologie, les productions animales et la bactériologie/virologie. Les formations pour devenir vétérinaire inspecteur ont rencontré un fort succès jusqu’aux années 2000. La qualité et les spécialisations en médecine vétérinaire affichent, quant à elles, une percée depuis quelques années.

Concernant les vétérinaires du secteur privé, les mastères spécialisés, les MBA et les MSc représentent 34 % des formations. Le master arrive en deuxième position (32 % des formations). Les CEAV, les DESV et les CES regroupent, pour leur part, 7 % de l’échantillon : de nombreux vétérinaires commencent par la pratique en cabinet avant de se réorienter. Du côté des thématiques des formations, les cursus en marketing et en management sont les plus représentés et en progression constante depuis une dizaine d’années.

Arrivent ensuite toutes les formations scientifiques (dont les sujets d’études n’étaient pas évoqués, donc pour lesquels il n’a pas été possible de déterminer une catégorie de manière plus précise). La qualité en industrie, notamment en agroalimentaire, se retrouve ensuite (et ne cesse d’augmenter depuis les années 2000), suivi par la pharmacologie, la toxicologie et l’immunologie. Certaines formations, telles que l’écologie, la communication, les ressources humaines, l’informatique ou les statistiques, sont plus anecdotiques.

LE COÛT DE LA FORMATION

La majorité des formations suivies par les vétérinaires du secteur public ont coûté moins de 1 000 €. Ce montant s’élève à 5 000 € dans le secteur privé. Celles de plus de 10 000 € y sont majoritairement représentées, notamment par les écoles privées (de commerce, par exemple). La formation est principalement financée par l’étudiant ou le vétérinaire lui-même, aussi bien pour ceux exerçant dans le public (62 %) que le privé (42 %). L’autre mode de financement est celui de l’entreprise, lors d’une promotion ou d’un besoin particulier formulé par l’employeur.

Quelle est la suite de ce travail de thèse ? 120 formations ont déjà été répertoriées selon leurs typologies allant du master professionnel ou recherche aux mastères spécialisés, en passant par les doubles cursus, les diplômes interécoles, les partenariats, les CEAV, les DESV, les DU, etc. À suivre !

LA RÉALISATION DE L’ÉTUDE

Dans le cadre de sa thèse, notre consœur Joanna Lees (A 12) s’est intéressée aux vétérinaires qui ne pratiquent pas. Après avoir obtenu son titre à l’ENVA, elle a réalisé un double diplôme avec l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) avant de se lancer dans une branche peu connue, celle de vétérinaire dans le pet food, puis comme consultante en stratégie.

Elle s’est posé les questions que tout étudiant ou praticien peut être amené à soulever durant sa carrière : suis-je satisfaite dans mon domaine professionnel actuel ? Me correspond-il vraiment ? Quelles sont les autres options qui s’offrent à moi ? Comment les saisir ? Comment et pourquoi devenir un vétérinaire qui ne soigne pas les animaux en clientèle ? À quoi ressemble un confrère atypique et où se trouve-t-il ? Et enfin, quelles formations doivent ou peuvent venir compléter mon cursus vétérinaire dans cette démarche ?

MÉTHODOLOGIE

La population cible de l’enquête se compose de tous les vétérinaires qui ne pratiquent plus en cabinet (ou qui ne l’ont jamais fait), qui exercent actuellement une activité dans le domaine public ou privé et qui ont suivi une formation complémentaire avant, pendant ou après leur reconversion professionnelle.

L’enquête a été diffusée par mail au début de l’année 2012. Sur les 2548 courriels diffusés grâce à l’annuaire Roy, 556 réponses ont été obtenues.

La comparaison de la répartition entre les secteurs privé et public du questionnaire à celle de l’annuaire Roy ne révèle pas de différence significative entre les deux populations.

Relativement à la répartition des sexes, la population de l’échantillon n’est statistiquement pas différente de celle privée répertoriée par le Conseil de l’Ordre. Il en est de même concernant l’échantillon du secteur privé.

GLOSSAIRE

CEAV : certificat d’études approfondies vétérinaires.

CES : certificat d’études spécialisées.

CNRS : Centre national de la recherche scientifique.

CVE : Club vétérinaires et entreprises.

DE : diplôme d’école.

DEA : diplôme d’études approfondies.

DES : diplôme d’études spécialisées.

DESS : diplôme d’études supérieures spécialisées.

DESV : diplôme d’études spécialisées vétérinaires.

DIU : diplôme interuniversitaire.

DU : diplôme universitaire.

Inra : Institut national de la recherche agronomique.

MBA : Master of Business Administration.

MSc : Master of Science.

OIE : Organisation mondiale de la santé animale.

L’IDÉE EN BREF

→ Les vétérinaires hors clientèle du privé ont complété leur cursus vétérinaire par des formations courtes, telles que des masters ou des mastères spécialisés. Ceux du public se répartissent de manière plus homogène entre des formations d’un an (masters notamment, ou CEAV) et celles très longues (doctorats).

→ 66 % des vétérinaires du privé déclarent avoir exercé en cabinet avant de se réorienter, versus 59 % de ceux du public. Dans les deux secteurs, près de 80 % des vétérinaires de l’échantillon ont pratiqué moins de cinq ans en cabinet.

→ Pratiquement la moitié des confrères interrogés pensent que l’information fournie par les écoles vétérinaires sur les formations et les cursus professionnels hors de la pratique en clientèle n’est pas satisfaisante. La mauvaise qualité, voire la rareté des renseignements sur les différents cursus sont avancées, de même que le suivi des diplômés par les écoles une fois les études achevées.

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