Hyperlipémie : origine, diagnostic et traitement - La Semaine Vétérinaire n° 1613 du 16/01/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1613 du 16/01/2015

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson*, Yannick Bongrand**, Laurent Guilbaud***

Fonctions :
*diplomate Acvim, praticien à Bordeaux (Gironde)
**praticien à Villefranche-sur-Saône (Rhône)

L’hyperlipémie (ou hyperlipidémie) se réfère à une hypertriglycéridémie et/ou une hypercholestérolémie (à ne pas confondre avec la lipémie, qui décrit l’aspect trouble du plasma). Les signes cliniques sont plus fréquents lors d’hypertriglycéridémie que lors d’hypercholestérolémie.

QUAND RECHERCHER UNE HYPERLIPÉMIE

Une hyperlipémie est recherchée lors de découverte fortuite consécutive à une prise de sang (turbidité) ou un bilan complet, de suspicion de dysendocrinie, de manifestations cliniques en faveur d’une dyslipémie (douleur ou distension abdominale, troubles digestifs, mucocèle biliaire, pancréatite, athérosclérose, lipémie de l’humeur aqueuse lors d’uvéite, convulsions chez le schnauzer nain notamment, xanthome cutané ou nerveux chez le chat).

ÉTIOLOGIE

Génétique

Les hyperlipidémies primaires sont rares chez le chien et le chat et ont une origine génétique suspectée ou prouvée.

→ L’hypertriglycéridémie primaire des schnauzers nains présente une prévalence de 33 %, sans prédisposition sexuelle. Elle est caractérisée par une augmentation des very low density lipoprotein (VLDL), voire des chylomicrons. Une hypercholestérolémie peut être associée. Les signes cliniques sont susceptibles de comprendre une douleur abdominale (présumée due à une pancréatite) et des convulsions. Toutefois, de nombreux chiens ne présentent aucun symptôme.

→ Une hypertriglycéridémie primaire associée à une hyperchylomicronémie est décrite chez le chat (déficience en lipoprotéine lipase). Les lipides se déposent alors au niveau de la peau ou des gaines nerveuses.

→ Une hypercholestérolémie primaire est notée chez le briard, l’épagneul breton, le shetland, le colley, le doberman et le rottweiler.

→ Les dépôts lipidiques cornéens (dystrophie lipidique cornéenne) qui répondent à des traitements diététiques sont observés chez le colley.

→ Une dyslipidémie mixte (hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie primaires) est décrite chez le beagle.

Dysendocrinie

Les dysendocrinies sont les principales causes d’hyperlipémie secondaire. Lors de diabète, cette dernière est attribuée à une diminution de l’activité de la lipoprotéine lipase, secondaire à la carence en insuline. Inversement, une hyperlipémie peut se révéler responsable d’un diabète. Ainsi, pratiquement 30 % des schnauzers nains présentant une hypertriglycéridémie sont également insulinorésistants. Lors de maladie de Cushing, le mécanisme de l’hyperlipémie est mal connu (probables insulinorésistance et rétrocontrôle négatif des récepteurs aux low density lipoprotein dites LDL).

Une hypertriglycéridémie et une hypercholestérolémie sont observées respectivement chez 88 % et 78 % des chiens hypothyroïdiens (la carence en thyroxine diminuerait l’activité de la lipoprotéine lipase). Inversement, 17 à 21 % des chiens hyperlipémiques sont hypothyroïdiens. Le dosage de la cholestérolémie se révèle ainsi intéressant dans le diagnostic d’hypothyroïdie. En outre, il convient de suspecter une polydysendocrinie lors de persistance de la lipémie malgré un traitement hypothyroïdien. Par ailleurs, une hypertriglycéridémie et une hypercholestérolémie sont fréquemment notées chez les animaux obèses. Celles-ci sont réversibles avec la perte de poids.

Pancréatite

La pancréatite est susceptible de causer une hypertriglycéridémie et, dans une moindre mesure, une hypercholestérolémie. Les mécanismes suspectés sont une diminution de la production d’insuline par la destruction du pancréas endocrine et une inhibition de la lipoprotéine lipase par les cytokines inflammatoires.

À l’inverse, une hypertriglycéridémie peut provoquer une pancréatite (par obstruction de la microcirculation pancréatique et par la libération d’acides gras libres inflammatoires). De nombreux schnauzers nains souffrent de pancréatite chronique. Une corrélation est mise en évidence entre la triglycéridémie à jeun et la concentration en lipase pancréatique spécifique canine.

Cholestase

Tout phénomène cholestatique est susceptible d’entraîner une hypercholestérolémie et, parfois, une hypertriglycéridémie. L’hyperlipémie constitue d’ailleurs un indice pronostique péjoratif lors d’insuffisance hépatique. Plusieurs mécanismes sont suspectés : lipoprotéine anormale, diminution de l’excrétion des lipides et des acides biliaires, hausse de la synthèse hépatique de cholestérol par manque de rétrocontrôle négatif.

Rénale

Une hypercholestérolémie légère à modérée est fréquemment observée lors de glomérulopathie sévère (l’hypertriglycéridémie apparaît plus tard). Elle participe d’ailleurs à la définition du syndrome néphrotique. Une augmentation non spécifique généralisée de la synthèse hépatique en protéines (dont les lipoprotéines), en réponse à l’hypo­albuminémie sévère, est le mécanisme suspecté.

Iatrogène

L’administration de glucocorticoïdes, de progestagènes ou de phénobarbital est associée à une hyperlipémie. Les mécanismes suspectés sont une hausse de la synthèse de VLDL par induction des enzymes microsomales et une baisse de l’activité de la lipoprotéine lipase.

Autre

La littérature rapporte des causes diverses : maladie de stockage du glycogène, lymphome, infection chronique par Leishmania infantum, parvovirose et cardiomyopathie dilatée.

CONFIRMATION DE L’HYPERLIPÉMIE

→ Une turbidité plasmatique traduit une lipémie, donc une hypertriglycéridémie (l’hypercholestérolémie n’entraîne pas de modification macroscopique du plasma). Les dosages de la cholestérolémie et de la triglycéridémie sur le plasma ou le sérum ne peuvent être interprétés que si l’animal est à jeun depuis 12 heures au minimum (présence d’une hyperchylomicronémie).

→ Le test de réfrigération permet de caractériser facilement une hyperlipémie présente. Il consiste à conserver au frais l’échantillon de sérum ou de plasma lactescent pendant 10 à 12 heures. Lorsque l’hyperlipidémie est causée par une hyperchylomicronémie, un surnageant lactescent se forme, tandis que le reste du plasma retrouve une turbidité normale. À l’inverse, lors d’augmentation des VLDL, le plasma conserve une turbidité identique et homogène.

TRAITEMENT

Diététique

En raison des risques potentiels associés à une hyperlipémie persistante, une prise en charge thérapeutique est indispensable, même lors d’hypertriglycéridémie modérée (2 g/l). Lors d’hyperlipidémie secondaire, la cause primaire est à traiter. Un contrôle est effectué 4 à 6 semaines après la stabilisation de l’affection primaire.

Le traitement initial de l’hyperlipidémie primaire est diététique et implique le passage à un régime pauvre en matières grasses (inférieur à 25 g/1 000 kcal) et à teneur modérée en protéines (60 g/ 1 000 kcal au minimum). Les régimes à teneur protéique trop faible sont susceptibles d’engendrer une augmentation du taux sérique de cholestérol. Ils sont donc déconseillés, à moins qu’une affection concomitante ne justifie leur utilisation. Si l’hyperlipémie est toujours présente après 6 à 8 semaines, un supplément quotidien d’huile de poisson (à la dose de 220 mg/kg de poids vif) est prescrit. La quantité peut être réduite jusqu’à 170 mg/kg lors d’odeur de poisson dégagée par le chien.

Peu appétents, les triglycérides à chaîne moyenne sont intéressants lors d’hypertriglycéridémie, mais uniquement en l’absence d’hypercholestérolémie.

Un apport de 25 % en fibres solubles (Hill’s R/D et 5 % de son de blé ou rafle de maïs, par exemple) et des antioxydants (tels que le curcuma) sont recommandés.

Médical

Le fénofibrate est facile d’emploi chez les chiens de petit gabarit (10 mg/kg, une ou deux fois par jour). Le bézafibrate (5 à 6 mg/kg/jour) est efficace contre l’hypertriglycéridémie (moins contre l’hypercholestérolémie). La niacine réduit l’hypertriglycéridémie (induire à la dose de 50 mg/kg/jour en raison des effets secondaires dose-dépendants – érythème, prurit, myotoxicité, hépatotoxicité –, puis augmenter progressivement toutes les 4 semaines jusqu’à 500 mg/kg au maximum, en surveillant les paramètres hépatiques). Elle est administrée avec précaution chez le diabétique (effet hyperglycémiant). Le chitosan (Ipakitine®) serait intéressant (limite l’absorption des graisses et régule la cholestérolémie), tout comme l’artichaut et l’olivier. Les statines sont surtout hypocholestérolémiantes et, de ce fait, peu intéressantes chez l’animal.

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