Les hernies discales chez le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1612 du 09/01/2015
La Semaine Vétérinaire n° 1612 du 09/01/2015

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Benjamin De Pauw*, Dominique Paquette**

Fonctions :
*Ipsav, interne spécialisé en neurologie.
**diplomate Acvim (neurologie). Centre DMV, Montréal (Canada)

POINTS FORTS

– La hernie discale est une atteinte peu fréquente qui affecte les chats adultes.

– Cette affection devrait faire partie de tout diagnostic différentiel chez un félin présentant une douleur au dos, une paraparésie associée ou non à de l’ataxie, une atonie de la queue ou une incontinence.

– L’approche chirurgicale semble être la meilleure option, mais des études (avec groupe contrôle) sont nécessaires afin de mieux définir le plan thérapeutique et le pronostic de cette affection.

Si les hernies discales sont bien documentées chez le chien, il existe encore des incertitudes concernant cette affection chez le chat. Bien que leur incidence soit faible, toutes les études s’accordent pour dire qu’elles sont sous-diagnostiquées dans cette espèce.

CAS CLINIQUE

Commémoratifs et anamnèse

Un chat mâle castré âgé de 14 ans, qui vit exclusivement à l’intérieur, présente un port de queue bas apparu de façon aiguë. L’examen réalisé par un premier vétérinaire met en évidence une douleur lombaire basse. Des bilans sanguins (sans anomalie) et une radiographie (voir photo 1) sont réalisés. Un anti-inflammatoire (robénacoxib) et un antidouleur (gabapentine, Neurontin(r)1) sont prescrits. Le soir même, les propriétaires remarquent que l’animal n’a pas uriné depuis 24 heures. Un second praticien réalise un toucher rectal sans susciter la moindre réaction chez le chat. Un traitement d’atonie vésicale est instauré (bétanéchol, Myocholine(r)1 ; prazosine, Minipress(r)1). Deux jours après cette deuxième visite, l’inconfort est toujours présent. Une consultation spécialisée de neurologie est donc indiquée.

Examen clinique

L’examen physique révèle une vessie de taille normale dont la vidange est impossible, ainsi qu’une absence de contraction du sphincter lors du toucher rectal. L’examen neurologique met en évidence une légère paraparésie associée à une queue atonique sans nociception. Le réflexe périnéal est absent. Un inconfort important est noté lors de la palpation du bas du dos.

Diagnostic

Cet examen permet de situer la lésion au niveau du segment L4-S3. Le bilan d’extension (radiographies thoraciques et échographie abdominale), qui vise à exclure un processus tumoral, ne révèle aucune anomalie. L’examen d’image­rie par résonance magnétique (IRM) peut être réalisé (voir photos 2 et 3). Une hernie discale du disque L6-L7 est mise en évidence.

Traitement

Une laminectomie dorsale L6 et L7, avec fenestrations des disques (L5-L6 et L6-L7), permet le retrait d’une quantité importante de matériel compressif (disque et hématome). En phase postopératoire, l’animal présente une détérioration de la démarche (paraparésie avec plantigradie des deux membres pelviens). Un cathéter urinaire est mis en place pour 24 heures. Des anti-inflammatoires sont pres­crits pendant les 3 jours d’hospitalisation. Le traitement contre l’atonie vésicale est administré durant 5 jours et l’analgésie est assurée pendant 10 jours (robénacoxib, béthanéchol, prazosine, gabapentine).

Suivi

Une semaine après l’intervention, l’animal urine normalement et semble confortable. L’examen révèle une paraparésie et une plantigradie modérées, une atonie et une absence de nociception au niveau de la queue. Une semaine plus tard, le chat ne reçoit plus de traitement médical. Il ne manifeste pas de douleur et il est continent (urine et fèces). L’examen neurologique révèle une légère parésie du membre pelvien gauche, une atonie et une absence de nociception au niveau de la queue. Deux mois après l’opération, l’animal est ambulatoire sans parésie ni douleur. La nociception est présente à la base de la queue, qui est mobile.

DISCUSSION

Affections de la moelle épinière chez le chat

Les connaissances sur les myélopathies félines se sont étoffées ces dernières années. Une étude réalisée en 2004 énumère les différentes lésions qui affectent la moelle épinière chez le chat. Les processus inflammatoires et infectieux représentent 32 % des cas environ. Ils sont suivis par les tumeurs (27 %, avec une majorité de lymphomes). Les traumatismes (14 %, qui incluent les hernies discales), les anomalies congénitales ou héréditaires (11 %) et les maladies vasculaires (9 %) sont également rapportées. Ces différentes causes sont à inclure dans le diagnostic différentiel de tout chat qui présente une paraparésie aiguë ou progressive.

Épidémiologie

La prévalence de la hernie discale chez le chat est faible (entre 0,02 et 0,12 %), mais tous les auteurs s’accordent pour dire qu’elle est probablement sous-estimée. Depuis les années 1980, il existe dans la littérature une vingtaine d’articles, portant sur une cinquantaine de cas, qui décrivent cette atteinte chez les félins. Récemment, quelques études s’y sont intéressées et des affections auparavant uniquement attribuées aux chiens sont rapportées chez le chat (dégénérescence lombosacrée, extrusion discale non compressive).

L’âge moyen des animaux lors de la consultation est de 8 ans. La présentation est plus souvent progressive (70 %). De l’hyperesthésie est notée dans 92 % des cas. Il n’y a pas de prédisposition de sexe rapportée.

Étiologie et physiopathologie

Les hernies discales de type I (extrusion) sont plus fréquen­tes (67 %), et les espaces intervertébraux les plus souvent atteints sont T13-L1, L4-L5 et L7-S1. Plusieurs théories, en particulier une forte sollicitation du bas du dos lors de sauts et de jeux, sont proposées pour expliquer cette répartition. Dans une étude qui concerne dix chats, les cinq animaux de moins de 4 kg présentaient des hernies discales thoraco-lombaires, tandis que ceux de plus de 6,8 kg souffraient de hernies lombaires basses.

De plus, une étude radiographique relative à la posture des chats au repos révèle que les espaces L4 à L7 sont en dorsiflexion, alors que les espaces T10 à T13 sont en ventro-flexion, ce qui expliquerait la prévalence de ces deux régions anatomiques.

Diagnostic

À la suite d’un examen neurologique approfondi, des radiographies de la région d’intérêt devraient être réalisées. En effet, du matériel minéralisé dans le canal vertébral, une sclérose des plaques terminales ou un rétrécissement de l’espace intervertébral sont susceptibles d’être observés. Néanmoins, lors de lésions médullaires, l’IRM est l’outil qui offre la meilleure résolution.

Traitement

Le plan thérapeutique d’une hernie discale chez le chat est similaire à celui du chien. Un traitement médical (anti-inflammatoire, analgésie, approche multimodale) peut être tenté chez les animaux qui présentent uniquement une douleur. Un article rapporte l’utilisation de l’acupuncture avec succès comme approche multimodale de la douleur lors de hernies discales multiples chez un chat. Une intervention chirurgicale (décompression avec stabilisation le cas échéant) est à envisager lors de déficits neurologiques ou d’échec du traitement médical. Les chats étant plus difficiles à maintenir au repos, certains auteurs suggèrent qu’une décompression chirurgicale rapide serait préférable pour éviter une détérioration.

L’approche chirurgicale obtient des résultats intéressants. Sur 30 chats opérés, 21 ont présenté un résultat excellent à bon, selon une étude. À l’inverse, sur 10 félins traités médicalement, seuls 4 ont obtenu un résultat excellent à bon. Les troubles de la miction semblent plus fréquents chez le chat que chez le chien lors de traumatismes médullaires. Dans ce cas, la présence de nociception au niveau de la queue est un facteur pronostique positif. Plusieurs traitements peuvent être administrés temporairement chez le chat (voir tableaux). Dans la plupart des cas, l’animal recouvre une miction correcte en période postopératoire.

  • 1 Pharmacopée humaine.

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