Un face-à-face tendu entre les libéraux et le gouvernement - La Semaine Vétérinaire n° 1609 du 12/12/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1609 du 12/12/2014

Loi Macron

Actu

À LA UNE

Auteur(s) : Clarisse Burger

Le ministre de l’Économie est venu défendre le projet de loi Macron, auprès des professions libérales réunies en congrès, à Paris. Devenu une pierre d’achoppement, son contenu sera en débat parlementaire le 22 janvier, le jour de la mobilisation des libéraux.

L’ambiance n’était pas vraiment au beau fixe. Au 22e congrès national de l’Union nationale des professions libérales (Unapl), qui s’est tenu le 5 décembre au Palais Brongniart (l’ancien siège de la Bourse parisienne), le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, est venu expliquer l’intérêt de son projet de loi pour la croissance et l’activité. Son contenu, devenu “fourre-tout”, suscite de vives tensions auprès des acteurs économiques, sociaux et politiques, dont les libéraux.

Après une table ronde sur le rôle des entreprises libérales dans une France en crise (voir encadré), ce fut le jeu des coups de fouet. Michel Chassang, président de l’Unapl, qui a pourtant demandé à ses adhérents d’accueillir courtoisement le ministre, n’a pas mâché ses mots. « Nous avons été révoltés par les propos outranciers et insultants de votre prédécesseur, blessés d’être traités de rentiers. Vous persistez avec votre loi, nous n’en comprenons pas le sens. Nous voulons être concertés et non informés ». Pour ajouter : « Sur le fond, vous vous entêtez. Comment réformer en quelques mois, en prenant le risque de tout casser, sans dialoguer. C’est un peu comme si vous disiez : “Une minute, bourreau, voilà encore des têtes à couper, celles des professions libérales”. Il s’agit d’une loi de déclin, de destruction d’emplois, une loi de délégislation des professions réglementées, une loi contre l’indépendance. Ne soyez pas étonné que, face à autant d’incertitudes, nos accords de branche n’avancent pas aussi vite que vous le souhaitiez. »

À son tour, face à un auditoire plutôt hostile, Emmanuel Macron a précisé qu’il n’y a pas de « troc avec Bruxelles », mais une loi « cohérente » pour la nouvelle génération. « Vos propos sont excessifs et inquiétants. Cette loi a pour objectif de faciliter votre modernisation. Le statu quo n’est pas une option. Le but est de maintenir la qualité de votre service. On ne fait pas cette loi pour Bruxelles, mais pour le bien du pays. Bruxelles et l’OCDE1 font les mêmes constats. » Le ministre a précisé qu’il voulait conserver les fondamentaux des professions réglementées, leur code de déontologie et ne souhaitait, en aucun cas, supprimer les ordres. Il a tenu à rappeler avoir déjà supprimé certaines décisions (pour les notaires et les pharmaciens). « Les fondamentaux ne seront pas remis en cause. Mais la répartition de vos métiers dans le territoire n’est pas toujours optimale. Ceux qui disent que j’ai voulu déréglementer tiennent des propos faux et mensongers. »

Le but de la loi Macron

Les quatre objectifs du ministre de l’Économie sont d’ouvrir l’accès aux professions réglementées aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail et qui ont du mal à exercer. Il prône une plus grande liberté d’installation. « Mensonges », criaient des adhérents du fond de l’amphithéâtre du Palais Brongniard, lorsqu’il a énoncé que, depuis 1980, la population française a augmenté et que 600 offices notariaux ont disparu. Payer au juste prix et renforcer le maillage territorial pour certains métiers sont les deux autres objectifs à atteindre.

À la pause, les uns, tels les avocats, ont exprimé leur rejet en bloc du projet de loi ; les autres, plus pondérés, ont trouvé plutôt courageux de lancer cette réforme. Le président de l’Unapl n’en démord pas : « Moderniser ? Non, j’ai plutôt l’impression que le ministre parle davantage de méthode Coué que de dialogue. Cependant, je note une certaine prise de conscience, notamment sur la question des avocats d’entreprise. D’un côté, on voudrait libéraliser, de l’autre on régule. Ce n’est pas audible pour les professions libérales que nous sommes ». L’Unapl appelle à manifester le 22 janvier. Ce sera aussi le premier jour de débat parlementaire sur le projet de loi. Pour les vétérinaires peu ou non concernés par les mesures “Macron”, il n’est, pour l’instant, pas opportun de descendre dans la rue. Or, des points, tels l’ouverture du capital et la délivrance de médicaments, pourront toutefois les impacter, comme le souligne Pierre Buisson, président du SNVEL2 (voir interview).

  • 1 Organisation de coopération et de développement économiques.

  • 2 Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral.

Un 22e congrès sous haute tension

À l’occasion du rendez-vous national de l’Unapl, le débat social allait bon train, sur fond d’inquiétude. « La loi pour la croissance et l’activité est aujourd’hui contre-productive et nous amène plutôt vers de la défiance. Alors que nous sommes dans une chaîne de coresponsabilité, nous évoluons, en réalité, dans une société qui monte les individus les uns contre les autres », estime Xavier Beulin, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Le compte de pénibilité, au cœur d’une autre réforme, fait aussi l’objet de vives critiques : « Cette notion existe-t-elle vraiment aujourd’hui ? C’est ubuesque! Comment suivre un compte de pénibilité ? Qui va gérer les litiges ? Et quelle image donne-t-on à la jeunesse des métiers dits “pénibles” ? », a demandé Jean-Pierre Crouzet, de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Jean-Pierre Delevoye, du Conseil économique et social et environnemental (Cese), avertit que, dans un tel contexte, « les concitoyens risquent de choisir la solution la plus extrémiste pour contrer le système en place. Nous allons alors vers des tensions incroyables ».

4 questions à Pierre Buisson, président du SNVEL

Participerez-vous à la mobilisation du 22 janvier, pour le retrait des mesures du projet de loi Macron, anti-professions réglementées ?

Aucune mesure ne concerne spécifiquement les vétérinaires. Le changement de stratégie du gouvernement fait suite à la mobilisation du 30 septembre. La question du traitement des professions réglementées, au sens large, concerne les vétérinaires qui pourraient, ensuite, se voir affligés du même traitement. Nous apporterons en temps utile notre soutien à ce mouvement, dans une forme qui reste à déterminer.

Loi Macron et loi Touraine, quelle mesure concernera la profession ?

Les deux questions du capital et de la délivrance des médicaments non soumis à ordonnance mobilisent notre attention, dans une préoccupation commune avec les organisations de pharmaciens.

Une ouverture plus grande du capital serait-elle un danger pour les vétérinaires ?

La gouvernance de nos entreprises serait, en effet, en danger. Imaginez un capital ouvert à 49 % aux tiers, n’exerçant pas dans la structure : il leur suffirait alors de s’allier avec l’un des associés, inclus dans les 51 % restants, pour décider de tout. Ce n’est pas ma vision d’une profession maîtresse de ses choix.

Pour l’Unapl, « la seule réforme pertinente consisterait à déléguer davantage de missions de service public aux professionnels libéraux pour décharger l’État. Pas l’inverse. » Adhérez-vous à ce point de vue ?

C’est notre discours constant face au ministre de l’Agriculture, mais il faut bien reconnaître que le contrat social qui a fondé des relations positives avec l’État est à bout de souffle.

Quelles mesures (tarifs, règles d’installation, etc.) pourraient vraiment impacter la profession ?

Le débat parlementaire est l’occasion de voir émerger des surprises, tant certains parlementaires sont parfois coupés des réalités économiques. Je pense notamment aux mesures de contraintes économiques, au plafonnement des marges. La vente sur Internet est un sujet qui fascine à la fois les ultralibéraux et ceux qui y voient une façon de se défaire des “nantis”. Commercialiser en ligne les médicaments pourrait changer notre modèle. Pour les tarifs, je nous crois un peu à l’abri puisque, en dehors de la police sanitaire, aucun n’est réglementé.

→ PROPOS RECUEILLIS PAR CLARISSE BURGER

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr