Conduite à tenir lors de crise urémique chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1608 du 05/12/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1608 du 05/12/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Christelle Maurey*, Laurent Masson**

Fonctions :
*maître de conférences, service de médecine, ENVA.

La crise urémique peut être consécutive à une insuffisance rénale aiguë (IRA) isolée ou à une crise d’IRA sur fond de maladie rénale chronique (MRC). Il est donc parfois délicat de faire la distinction entre ces deux situations. Or, la démarche diagnostique et le traitement diffèrent selon les deux cas (recherche de la cause lors d’IRA, avec un traitement intensif, alors que l’état de fibrose présent lors de MRC assombrit le pronostic).

TYPER L’INSUFFISANCE RÉNALE

Quelques éléments d’orientation sont néanmoins susceptibles d’aider le praticien.

Éléments cliniques

Une polyuro-polydipsie (PUPD) ancienne et la perte de poids évoquent une MRC. A contrario, l’apparition soudaine des symptômes et l’exposition à des facteurs de risque (médicament, anesthésie, infection à leptospires) sont en faveur d’une IRA. Cependant, une MRC peut également se révéler de façon aiguë et la PUPD n’est pas constante chez le chat, contrairement au chien. La palpation rénale est indispensable : des reins normaux à la palpation n’excluent pas une MRC. Une asymétrie rénale est en faveur d’un processus tumoral ou obstructif. Une douleur abdominale est rapportée dans 7 à 10 % des cas d’obstruction urétérale chez le chat. La production d’urine est possiblement diminuée lors d’IRA rénale et postrénale, mais cela n’est pas systématique.

Analyse d’urine

Cet examen est à réaliser avant la mise sous perfusion. Lors de déshydratation, la densité urinaire ne doit pas être diminuée (cela signifie une réponse inappropriée du rein à la déshydratation). La glycosurie sans hyperglycémie est évocatrice d’une tubulopathie (toxique ou leptospirose notamment) sans être systématique. Le sédiment urinaire actif (hématies, cellules inflammatoires, bactéries) signe un processus inflammatoire. L’origine de cette inflammation est à rechercher.

Analyse biochimique

Lors d’IRA prérénale, l’urémie est davantage augmentée que la créatininémie. Chez un animal âgé cachectique, il est fréquent d’observer une créatininémie dans les valeurs limites supérieures et une urémie très élevée. Une hausse brutale de la phosphorémie est un élément plutôt en faveur d’une IRA. La sécrétion de parathormone tente de réguler la phosphorémie lors de MRC, d’où des valeurs souvent plus basses. L’hyperphosphorémie est un élément pronostique dans la MRC. Cependant, son augmentation ne signe pas forcément la présence d’une MRC (la phosphorémie augmente lorsque le débit de filtration glomérulaire diminue). L’ionogramme peut se révéler intéressant dans le diagnostic : une hyperkaliémie est en faveur d’une obstruction urinaire, d’une rupture des voies urinaires, d’une maladie d’Addison, d’une IRA parenchymateuse ou d’un stade terminal de MRC, en particulier chez le chien.

Imagerie

L’imagerie est souvent une aide à la compréhension de la maladie rénale. Lors de modification à la palpation rénale, l’échographie est recommandée. La radiographie est indiquée pour la recherche de calcul urétéral (supérieur à 2 mm). L’urographie intraveineuse est pratiquée dans un contexte de rupture urétérale (uropéritoine). Le recours à la biopsie est intéressant lors d’atteinte rénale parenchymateuse, mais déconseillé lors de stades avancés de MRC.

TRAITEMENT

Fluidothérapie initiale

Même si le traitement étiologique reste primordial, la prise en charge symptomatique et le soutien de la fonction rénale doivent être rapidement instaurés. La correction et le maintien de l’état d’hydratation et la restauration d’une pression artérielle suffisante constituent la clé de voûte de la prise en charge thérapeutique de l’animal instable présenté pour une crise urémique. En l’absence d’hypotension artérielle, une solution cristalloïde (Ringer lactate ou NaCl 0,9 %) est recommandée (90 ml/kg chez le chien, 40 ml/kg chez le chat).

Suivi

Lors de sa prise en charge, un animal en crise urémique doit idéalement faire l’objet d’un ionogramme. Les modifications les plus souvent dépistées avant ou qui se développent pendant la fluidothérapie sont les désordres de la kaliémie, une hypernatrémie et une acidose métabolique. Une surveillance toutes les 24 à 48 heures est recommandée.

La production urinaire d’un animal correctement pris en charge doit rapidement augmenter pour atteindre 2 à 5 ml/kg/h dans les six premières heures de traitement. Dans le cas contraire, il est important de réévaluer l’état d’hydratation, de vérifier les pertes et de mesurer la pression artérielle systémique. Les capacités d’autorégulation du flux sanguin rénal ne sont, en effet, efficaces que si la pression artérielle systémique est comprise entre 70 et 170 mm de mercure.

Si la diurèse reste inférieure à 0,5 ml /kg/h malgré une prise en charge correcte de l’hypovolémie, il est alors nécessaire d’instaurer un traitement spécifique pour augmenter la production urinaire. Les deux molécules les plus souvent utilisées en première intention sont le furosémide (en bolus intraveineux, à la dose de 2 mg /kg, renouvelable en l’absence d’effet, ou en perfusion continue à 0,5 à 1 mg/kg/h) et le mannitol (0,5 à 1 g/kg par voie intraveineuse lente sur une période de 15 à 20 minutes, réitéré toutes les 4 à 6 heures, sans dépasser 2 à 4 g/kg sur 24 heures, ou en perfusion continue à la posologie de 1 à 2 mg/kg/heure). Le mannitol peut être administré à la suite du furosémide. Ce dernier est préférentiellement utilisé chez les animaux qui présentent une hypervolémie. Le mannitol lui est préféré lors d’euvolémie. L’administration de dopamine n’est plus recommandée. En cas d’échec du furosémide et/ou du mannitol, la mise en place d’une dialyse est alors la seule solution alternative restante.

La surveillance clinique et biologique doit être poursuivie toutes les 4 à 6 heures, jusqu’au rétablissement d’une fonction rénale normale ou, en l’absence de normalisation, jusqu’à son amélioration et sa stabilisation pendant 48 heures consécutives au minimum. Une réduction progressive de la fluidothérapie et une transition vers des traitements oraux sont alors envisagées avant la sortie de l’animal. Lorsqu’aucune amélioration de l’état clinique ou de la fonction rénale n’est constatée malgré une prise en charge thérapeutique adéquate, et si la dialyse n’est pas envisageable, l’euthanasie peut être indiquée.

Traitement de l’hypertension

Fréquente lors d’IRA, l’hypertension est traitée à l’aide d’amlodipine, sous réserve que la prise orale soit possible. La dose recommandée est de 0,1 à 0,25 mg/kg toutes les 12 à 24 heures chez le chien et de 0,625 à 1,25 mg/kg une fois par jour chez le chat.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr