Diagnostic des maladies inflammatoires chroniques intestinales (Mici) du chien - La Semaine Vétérinaire n° 1607 du 28/11/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1607 du 28/11/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Valérie Freiche*, Juan Hernandez**, Hélène Vandenberghe***

Fonctions :
*DESV médecine interne, praticien
hospitalier à l’ENVA
Article tiré d’une conférence
présentée lors du congrès national
2013 de l’Afvac, à Nantes.
**diplomate Acvim, praticien
au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)

CLASSIFICATION

Les entéropathies digestives chroniques peuvent être réparties en quatre groupes.

→ Les entéropathies qui répondent aux changements alimentaires (ou troubles de la tolérance alimentaire) représentent l’une des principales causes de diarrhée chronique chez le chien jeune, mais concernent également les animaux plus âgés.

→ Les entéropathies qui répondent à l’administration d’antibiotiques (autrefois qualifiées de “syndromes de prolifération bactérienne”) incluent la colite histiocytaire du bouledogue et du boxer.

→ Les entéropathies qui répondent aux immunomodulateurs correspondent aux maladies inflammatoires chroniques intestinales (Mici) au sens strict, diagnostiquées au terme de l’exclusion des deux précédentes entités.

→ Les entéropathies exsudatives se caractérisent par une perte protéique digestive et sont principalement représentées par la lymphangiectasie (chez le yorkshire terrier notamment). L’origine inflammatoire prédomine, même si un lymphome, une cryptite ou une invagination sont susceptibles d’être impliqués.

ÉTIOLOGIE DES MICI

Les Mici du chien sont classiquement qualifiées d’idiopathiques. Leur étiologie est multifactorielle. Un déséquilibre immunitaire (réponse inadéquate de l’hôte contre sa flore commensale) entre l’hôte (son statut immunitaire, ses prédispositions génétiques) et son environnement antigénique (microbiote, alimentation) est impliqué.

Sur le plan histologique, il s’agit d’une infiltration de la muqueuse par des cellules inflammatoires à prédominance lymphoplasmocytaire. La répartition des lésions est variable. Si l’intestin grêle et le gros intestin sont le plus souvent concernés, certains auteurs incluent également la présence de lésions gastriques inflammatoires associées.

SYMPTÔMES

Les troubles digestifs chroniques (diarrhée, vomissements, altération de l’état général) dominent et sont la conséquence d’une répartition diffuse des lésions. Ces signes peuvent évoluer de façon cyclique sur une très longue période. Le plus souvent, il s’agit de crises répétitives dont la fréquence augmente avec le temps.

Les vomissements, de fréquence variable, peuvent être alimentaires puis liquidiens, à distance des repas et le matin, à jeun. Une hématémèse est possible. La diarrhée peut revêtir les caractéristiques d’une atteinte de l’intestin grêle ou du côlon, même si l’atteinte est souvent mixte.

Si la palpation abdominale demeure normale dans la plupart des cas, elle peut néanmoins révéler la présence d’anses digestives épaissies ou d’une adénomégalie.

Des manifestations cliniques plus occasionnelles, à l’instar de l’adoption de postures antalgiques, de phénomènes de pica, de borborygmes, d’halitose, de dysorexie, sont également possibles.

Un scoring clinique et l’utilisation de l’index Canine Inflammatory Bowel Disease Activity Index (CIBDAI, voir encadré) permettent d’évaluer la gravité de l’atteinte inflammatoire et d’effectuer un suivi de la maladie. L’impact clinique de cette classification implique qu’un animal qui souffre d’une entéropathie répondant aux antibiotiques ou d’une autre répondant au changement alimentaire présente théoriquement un score total moins élevé que celui atteint d’une Mici grave.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic des Mici repose sur l’exclusion des autres causes de troubles digestifs chroniques. La démarche diagnostique comporte plusieurs étapes.

→ La réalisation d’un examen clinique minutieux.

→ L’exclusion des causes parasitaires au sens large. Une analyse coproscopique (Baermann) est indiquée.

→ L’exclusion des causes métaboliques et endocriniennes. Des examens hémato-biochimiques et unionogramme sont prescrits (voir encadré). Des dosages enzymatiques et vitaminiques peuvent être effectués (TLI1, folates, vitamine B12, cPLI2). Une exploration de l’axe corticosurrénalien peut être réalisée afin d’exclure une maladie d’Addison, certainement sous-diagnostiquée.

→ L’exclusion d’une entéropathie répondant au changement alimentaire.

Il convient de proposer un aliment à base de protéines sélectionnées ou de faible poids moléculaire. Une importante variabilité individuelle existe et il est parfois nécessaire de tester plusieurs aliments avant de trouver celui qui est adapté.

→ Lors d’échec au terme d’une dizaine de jours, il convient d’exclure une entéropathie répondant aux antibiotiques en prescrivant du métronidazole, de la tylosine ou des tétracyclines pour deux semaines environ dans un premier temps.

→ En l’absence d’amélioration clinique, une Mici au sens strict est probable.

Le diagnostic différentiel implique néanmoins encore les causes néoplasiques de troubles digestifs chroniques ou des infiltrations inflammatoires sévères (à composante éosinophilique, par exemple). Des examens complémentaires d’imagerie sont alors à envisager. La radiographie revêt peu d’intérêt. L’échographie permet d’évaluer la taille et l’échogénicité des nœuds lymphatiques, la structure en couches de la paroi digestive, l’hyperéchogénicité au sein de la muqueuse digestive, la présence de striations évoquant une lymphangite ou de ponctuations suggérant une Mici.

→ Des biopsies digestives peuvent ensuite être effectuées par endoscopie digestive (toujours par voies haute et basse) afin d’obtenir une cartographie histologique des atteintes. Il est possible d’envisager une laparotomie exploratrice lors de lésion focale ou non accessible par endoscopie.

  • 1 Trypsin-like immunoreactivity.

  • 2 Canine pancreatic lipase immunoreactivity.

CALCUL DE L’INDEX CIBDAI (CANINE INFLAMMATORY BOWEL DISEASE ACTIVITY INDEX)

6 signes cliniques sont pris en compte : l’activité, l’appétit, les vomissements, la consistance des fèces, la fréquence de ces dernières et la perte de poids. À chacun des six critères est attribué une note de 0 (normal), 1 (changement minime), 2 (changement modéré) ou 3 (changement marqué). L’interprétation des résultats se fait selon l’addition de ces six notes (voir tableau).

INTERPRÉTATION DES ANALYSES BIOLOGIQUES LORS D’ENTÉROPATHIE CHRONIQUE

→ Hématologie

Si la numération-formule sanguine est rarement modifiée lors d’entéropathie chronique, sa réalisation n’est néanmoins pas dénuée d’intérêt. Elle permet d’identifier une anémie ferriprive (thrombocytose, hypochromie et/ou microcytose), conséquence d’un saignement chronique, d’une anémie inflammatoire ou tumorale, un phénomène inflammatoire à répercussion systémique, ou une éosinophilie compatible avec une parasitose massive ou une entérite éosinophilique.

→ Biochimie

L’examen biochimique de base permet, dans un premier temps, d’écarter les causes métaboliques de diarrhée (insuffisances rénale, hépatique et pancréatique exocrine ; maladie d’Addison, etc.). Une entéropathie exsudative peut également être diagnostiquée. Dans la majorité des cas, une hypoalbuminémie couplée avec une hypoglobulinémie est observée. Néanmoins, lors de processus inflammatoire concomitant (qui entraîne une hausse de la production des globulines), une diminution des protéines totale n’est pas observable. Les répercussions cliniques d’une hypoprotéinémie sont tardives : l’œdème apparaît lorsque la concentration sérique en albumine est inférieure à 15 g/l. Certaines entéropathies exsudatives entraînent une hypoprotidémie majeure sans trouble digestif évident. Lors d’hypoprotidémie avérée, il est indispensable d’écarter la possibilité de pertes rénales (par simple bandelette urinaire) ou un défaut de synthèse hépatique (une mesure des acides biliaires sériques se révèle parfois nécessaire).

Enfin, l’hypoprotidémie s’accompagne souvent d’une hypocalcémie totale liée à la baisse de la fraction relative aux protéines, souvent asymptomatique. Il demeure néanmoins prudent de doser la fraction ionisée susceptible de diminuer lors d’altération de l’absorption digestive de vitamine D. En effet, une hypocalcémie libre peut avoir pour conséquence l’apparition de troubles nerveux (trémulations faciales musculaires, tremblements, etc.).

→ Dosage des folates et de la vitamine B12

Le dosage de la vitamine B12 et des folates est indiqué lors de toute entéropathie chronique. Il peut être un marqueur indirect de certaines maladies digestives, telles que les processus inflammatoires, l’insuffisance pancréatique exocrine, la dysbiose intestinale et les entéropathies répondant aux antibiotiques. Il est susceptible de fournir des informations sur la localisation de la lésion et, parfois, sur la gravité des atteintes intestinales.

Une hypovitaminose B12 peut être causée par une lésion de l’iléon distal (siège de l’absorption digestive du complexe formé par la vitamine B12 et le facteur intrinsèque), une insuffisance pancréatique exocrine (organe sécréteur du facteur intrinsèque) ou une dysbiose (consommation de vitamine B12 par des bactéries). La sensibilité du dosage de la vitamine B12 dans la détection des dysbioses intestinales est de 25 à 55 %. En outre, la détection d’une hypovitaminose B12 conduit à une vérification du fonctionnement du pancréas exocrine par le dosage du TLI.

Les folates sont absorbés au niveau de l’intestin grêle proximal. Une hyperfolatémie est souvent associée à une dysbiose intestinale. La sensibilité du dosage des folates dans la détection des dysbioses intestinales est de 50 à 60 %. Les érythrocytes contiennent une charge importante en folates. Une hémolyse est susceptible d’en augmenter la concentration.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr