L’analgésie chez le furet - La Semaine Vétérinaire n° 1603 du 31/10/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1603 du 31/10/2014

Formation

NAC

Auteur(s) : Hélène Rose*, Émilie Tessier**

Outre son aspect éthique, la prise en charge de la douleur chez le furet limite la morbidité et la mortalité associées à de nombreuses affections et améliore les chances de succès des interventions chirurgicales. Chez cet animal solitaire, les signes de douleur peuvent être discrets et passer longtemps inaperçus des propriétaires. Le praticien doit donc y être particulièrement attentif lors du recueil des commémoratifs en consultation, ainsi qu’en hospitalisation. Cela permet de préparer un protocole adapté à chaque situation (douleur aiguë ou chronique, prévisible ou non, etc.), d’évaluer la réponse au traitement, et de l’ajuster au besoin.

ÉVALUER LA DOULEUR

Dans un environnement familier

Un furet en bonne santé passe environ 70 % de son temps à dormir, normalement dans une position détendue. Une attitude serrée, en boule, ainsi qu’un allongement du temps de sommeil laissent supposer de la douleur. Une diminution du jeu ou de l’appétit sont aussi à surveiller. Des changements de comportement envers le propriétaire sont possibles. Certains animaux demandent davantage de câlins, d’autres deviennent agressifs. Si les automutilations sont peu fréquentes, les furets peuvent avoir des yeux plissés et larmoyants, une queue hérissée (en dehors de périodes de jeu ou d’excitation), voire des trémulations musculaires isolées (notamment lors d’arthrose). Une modification de la posture (dos voussé) ou de la démarche (petits pas) peuvent être observées. Des grincements de dents et des frottements de la face doivent évoquer en priorité des douleurs gastriques.

En hospitalisation

Après une intervention chirurgicale, il est préférable que la même personne prenne en charge le suivi de la douleur chez un furet, notamment dans les premières heures, et qu’elle se fonde sur sa propre échelle d’évaluation, même si celle-ci n’est pas validée. Une bonne gestion de la douleur permet à l’animal de se réalimenter rapidement, ce qui, associé à un maintien au chaud, évite d’entrer dans un cercle vicieux combinant l’hypoglycémie et l’hypothermie. Elle limite également les risques d’infection et de déhiscence de plaie.

L’approche comportementale est particulièrement intéressante pour estimer la douleur. Il faut cependant être attentif aux biais que constituent le maintien dans un environnement inconnu, l’observation par une personne étrangère, ainsi qu’une éventuelle sédation, une fatigue induite par une maladie systémique, ou la phase de réveil d’une anesthésie.

ADAPTER LE TRAITEMENT

Morphiniques

La morphine est utile chez le furet, en respectant une posologie maximale de 1 mg/kg, par voie sous-cutanée, toutes les 2 à 4 heures, afin de limiter les effets indésirables (dépression respiratoire, sédation, nausée, vomissement).

La méthadone semble intéressante. Cependant, les études manquent chez cette espèce pour confirmer la posologie adéquate. La dépression respiratoire induite en administrant celle préconisée chez le chien et le chat est importante. De plus, un relais est nécessaire au bout de 2 heures.

Le fentanyl est surtout utilisé en perfusion continue, à raison de 10 ml/kg/h. Par exemple : dans une poche de perfusion de 500 ml de NaCl, d’où 7,5 ml sont retirés, sont ajoutés 50 µg de fentanyl (1 ml de Fentadon®, disponible en commande directe auprès du laboratoire, à noter sur un registre des stupéfiants – il est possible de le remplacer par 60 mg de morphine, soit 6 ampoules de 1 ml à 10 mg/ml), 130 mg de lidocaïne et 25 mg de kétamine.

L’administration d’un bolus est toujours pratiquée sur un animal intubé, sous surveillance, en raison de la dépression respiratoire associée (action pendant 15 à 20 minutes).

Il est également possible d’appliquer un patch (empiriquement, notre consœur en recommande un délivrant 12 µg/h pour un furet pesant plus de 1 kg, un demi en dessous de 1 kg), sur une peau tondue, non irritée et non désinfectée (la molécule traverse la peau grâce à la graisse). La molécule agit alors au bout de 6 heures environ, pour 3 jours.

Le tramadol est à administrer le matin et le soir, notamment pour la prise en charge de l’arthrose. Le traitement peut être commencé à 5 mg/kg à chaque prise, et augmenté jusqu’à 10 mg/kg. Au-delà, un effet sédatif est possible. Il n’y a pas d’intolérance digestive rapportée. Comme son appétence est faible, il est recommandé de le placer dans un aliment apprécié du furet.

La buprénorphine est intéressante en phase postopératoire, même si son usage doit être raisonné. En effet, elle met 30 minutes à agir, et son efficacité atteint un palier : il est donc nécessaire de s’assurer que la douleur restera moyenne à modérée, d’autant que la buprénorphine possède une forte affinité pour les récepteurs mu, qu’elle bloque pendant 6 h à 12 heures, ce qui rend impossible l’usage complémentaire de morphine, par exemple. Contrairement au chat, l’absorption transmucosale n’est pas rapportée chez le furet.

Le butorphanol est à considérer comme un tranquillisant plutôt qu’un analgésique. Il se révèle utile, par exemple, avant de poser un cathéter, ce qui nécessite une scarification de la peau (à la dose de 1 mg/kg, par voie sous-cutanée).

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont indiqués pour le traitement des douleurs inflammatoires, voire des douleurs cancéreuses (non validé toutefois à ce jour). Les contre-indications sont similaires aux autres espèces. Il convient d’être attentif aux effets digestifs et rénaux (notamment lors d’utilisation prolongée ou d’hypoperfusion). En raison de difficulté de glucuronoconjugaison, comme chez le chat, notre consœur préfère, par exemple, utiliser le méloxicam à faible dose, 0,05 mg/kg une fois par jour, avec des traitements souvent courts, sur 1 à 3 jours. Il n’est alors pas nécessaire de prescrire un pansement gastrique. Il est possible de réaliser des injections concomitantes d’antiacides en clinique, ou de les faire pratiquer par le propriétaire à domicile.

Les anti-inflammatoires stéroïdiens sont, pour leur part, rarement utilisés dans la gestion de la douleur.

Anesthésie locale

L’application d’une pommade à base de lidocaïne et de prilocaïne (Emla 5 %®, présentation de médecine humaine) 15 minutes au minimum avant la mise en place d’un cathéter permet d’anesthésier localement la peau, ce qui facilite ce geste.

Des infiltrations sont également recommandées par la conférencière, que ce soit en sous-cutané, au niveau de la ligne blanche, 5 minutes avant une laparotomie, en intratesticulaire avant une castration, voire en intra-articulaire. Des blocs dentaires ou des épidurales sont également possibles. La lidocaïne (à 2 mg/kg) et la bupivacaïne (à 1 mg/kg, action plus longue et plus forte, mais de toxicité supérieure) sont utilisables. Une pesée rigoureuse de l’animal est à effectuer pour éviter les surdosages. Une dilution (jusqu’à 50 %) se révèle parfois nécessaire.

α2-agonistes

Les furets sont particulièrement sensibles aux effets cardio-dépresseurs des α2-agonistes, qu’il convient donc d’utiliser avec précaution. Ceux-ci sont toutefois intéressants en complément d’autres molécules, en ne dépassant pas 1 à 2 µg/kg, pour la médétomidine ou la dexmédétomidine, par exemple.

Soins complémentaires

Outre les traitements médicamenteux, des soins appropriés sont à mettre en œuvre pour limiter les différents types de douleur.

Ainsi, du tartre ou des dents qui bougent entraînent des douleurs dentaires : un détartrage et/ou une exérèse dentaire sont à réaliser.

De même, l’environnement d’un vieil animal qui souffre d’arthrose est à aménager. Ainsi, il est nécessaire de le placer dans une cage à un seul étage, et non trois ou quatre, pour diminuer les douleurs dorsales et éviter les chutes. Une litière surbaissée, une écuelle de nourriture facilement accessible et la présence d’un nid douillet améliorent également le confort de vie.

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