Communication vétérinaire : des modalités bientôt révisées - La Semaine Vétérinaire n° 1603 du 31/10/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1603 du 31/10/2014

Dossier

Auteur(s) : SERGE TROUILLET

Dès l’apparition de la directive “services” en 2006, le Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires et ses 20 entités régionales se sont attachés à réécrire le Code de déontologie. Les textes rédigés peu ou prou depuis 2009 sur le volet communication sont en cours d’examen au ministère de l’Agriculture. Leur envoi au Conseil d’État est prévu pour la fin de l’année. En attendant, les praticiens expérimentent toutes les formes de communication utiles, conformes à l’esprit du Code de déontologie actuel ou à venir.

Pour communiquer sereinement, l’ensemble de la profession vétérinaire attend désormais, avec impatience, la publication du décret en Conseil d’État portant sur le Code de déontologie. Celle-ci devrait vraisemblablement intervenir début 2015. Pour l’Ordre, la situation actuelle est intenable et ne peut perdurer. À l’heure d’Internet et des nouvelles technologies, tous les confrères ne savent pas forcément comment et jusqu’où communiquer ! L’ambiguïté de la situation actuelle résulte de trois éléments :

– Les textes qui régissent aujourd’hui la communication des vétérinaires sont, au détail près, les mêmes depuis dix ans.

– Entre-temps, la directive “services” (directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur et dont la profession dépend) a été transposée dans le droit national.

– Un avis rendu par le Conseil d’État (voir ci-après) ouvre le champ des interprétations possibles de ces textes par les conseils régionaux de l’Ordre (CRO) ! Explications.

Au début des années 2000, la profession déchiffrait de manière univoque ce que dit le Code de déontologie en matière de communication. En clair, celle commerciale est interdite aux vétérinaires. L’article R. 242-70, toujours en vigueur aujourd’hui, encadre les modes de communication vétérinaire : « La communication auprès du public en matière d’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux ne doit en aucun cas être mise directement ou indirectement au service d’intérêts personnels. » Ce cadre légal est relié à l’article R. 242-35 : « La communication des vétérinaires vis-à-vis de leurs confrères ou des tiers ne doit pas porter atteinte au respect du public et de la profession. Elle doit être loyale, scientifiquement étayée, et ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité, son manque d’expérience ou de connaissances. Les mêmes règles s’appliquent aux communications télématiques ou électroniques destinées au public (forums ou sites de présentation). (…) Ces communications sont sous l’entière responsabilité de leur auteur. » Mais comment comprendre ces dispositions ?

UNE RÉÉCRITURE MODERNE DU CODE DE DÉONTOLOGIE

Sous réserve de principes universels en matière de déontologie, ce dernier article ne semble pas rédhibitoire pour la communication commerciale. Une ambiguïté persiste alors. En témoigne la requête du 7 mars 2011 d’un confrère auprès du secrétariat du contentieux du Conseil d’État. Celui-ci demandait l’abrogation des articles R. 242-70 à 77 du Code rural régissant la communication des vétérinaires, « en raison de la contrariété avec les articles 4 et 24 de la directive “services” ». Ces derniers portent sur la suppression des interdictions qui visent les communications commerciales des professions réglementées. Le Conseil d’État reconnaît, dans un premier temps, que « la rédaction de l’article R. 242-70 n’est pas des plus claires ». Gaëlle Dumortier, rapporteur de cet avis (réf. 347285 du 4 juillet 2012), poursuit : « De là à y voir une prohibition de tout procédé de communication commerciale, il y a un pas qu’une interprétation conforme conduit à ne pas franchir. » Et de conclure : « De ces huit articles (R. 242-70 à R. 242-77), il se déduit en creux que tout mode de communication commerciale qui ne fait pas l’objet de règles spécifiques est libre. » Les vétérinaires ont-ils la possibilité de communiquer librement sur leur offre de services et leurs compétences ? Qu’est-ce qui est alors interdit ? Pour Denis Avignon, membre du bureau du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires (CSOV), le paradigme est renversé : « Ce qu’interdit l’article R. 242-70, ce n’est, dès lors, nullement la communication commerciale, mais la communication ne respectant pas les devoirs professionnels. Ce n’est pas du tout la même chose. » Et de confesser, en le regrettant, que l’Ordre, à cette époque, a minimisé la portée de cette interprétation du Conseil d’État en arguant que les textes étaient valables puisqu’ils n’étaient pas modifiés.

Cinq ans après la directive “services”, une version revisitée voit le jour : « Bien sûr que ce texte est mal écrit. Dès l’apparition de la directive “services”, en 2006, l’Ordre a travaillé à proposer une réécriture moderne du Code de déontologie. En 2009, nous avions déjà rédigé un texte qui, jugé non prioritaire concernant le volet communication par notre administration de tutelle, le ministère de l’Agriculture, lui sera proposé dans une version modifiée en juillet 2011. »

LES MODES DE COMMUNICATION AUTORISÉS

Aujourd’hui, cette réécriture attend, avec l’ensemble des autres textes modifiés du Code de déontologie, la validation du ministère. Rassemblée dans le nouvel article R. 242-35, elle est conforme à l’esprit de la directive “services” qu’avait repris le rapporteur public dans l’avis du Conseil d’État de juillet 2012. L’ambiguïté sera levée : « Toute communication adressée aux tiers ou aux confrères vétérinaires est libre, et ce quels qu’en soient le support et les modalités, sous réserve d’être conforme aux dispositions réglementant l’exercice de la profession, notamment celles du présent Code et celles du Code de la santé publique réglementant les médicaments vétérinaires… » Ces dispositions sont déjà évoquées dans l’actuel Code !

Toute communication commerciale, du reportage journalistique à la publicité, en passant par le publireportage, n’aura donc aucune raison d’être interdite. Bien entendu, des conditions s’appliqueront : les informations devront être exactes, ne seront pas comparatives et ne dénigreront personne. En attendant, il reste conseillé, avant d’entreprendre quoi que ce soit dans ce domaine, de se rapprocher de son CRO. Certains des conseils, tels que ceux de Champagne-Ardenne ou de Normandie, ont effectivement anticipé et adopté depuis quelques années une lecture conforme à l’esprit du futur Code de déontologie. D’autres non. « La position avant-gardiste des premiers s’est traduite par un tarissement des plaintes concernant la communication. Mais attention, tout n’est pas autorisé. Les abus, s’ils sont avérés, seront toujours réprimés », avertit Denis Avignon.

LE CSO ET LES SYNDICATS CONSULTÉS

Marc Veilly, secrétaire général du CSOV observe qu’« en réalité, la demande des confrères est de pouvoir communiquer librement, mais pas tant en termes de concurrence avec leurs voisins de clientèle. Il s’agit pour eux de se trouver sur un pied d’égalité avec les paraprofessionnels qui tournent autour de la profession et qui, dans un flou juridique, peuvent communiquer à leur aise (ostéopathes, etc.) ». Ce sera donc bientôt possible. Le projet de texte sur le Code de déontologie – édicté par décret en Conseil d’État – a été présenté au dernier Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav) du 29 avril dernier. Un texte a été validé puis soumis au service juridique du ministère de l’Agriculture. Ce dernier vient d’émettre son avis avec quelques demandes de modifications, à la marge pour ce qui concerne le volet communication.

Reste une dernière étape. La loi, à travers l’article L. 242-3 du Code rural, prévoit qu’un Code de déontologie soit édicté par décret en Conseil d’État après l’avis du CSOV et la consultation des organisations syndicales vétérinaires. Cela a été fait indirectement via la Fédération des syndicats de vétérinaires de France (FSVF), qui siège au Cnopsav, mais pas directement auprès de chacun d’eux. Selon Charles Martins-Ferreira1, sous-directeur adjoint au ministère de l’Agriculture, « les corrections portant sur quelques points, dont certains de légistique (concernant la forme et non le fond, NDLR) et les différents allers-retours restants, ne devraient pas retarder l’envoi du bordereau au Conseil d’État prévu avant la fin de l’année. Ensuite, la procédure ne s’éternise pas ».

  • 1 Sous-directeur adjoint de la santé et de la protection animale à la direction générale de l’Alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr