Histoire des animaux immobiles

Nous ne devons pas oublier que « la science des vivants s’est d’abord et pendant longtemps écrite à partir des cadavres », avertit Jacques Cuisin, qui veille sur les quelque 40 000 mammifères et oiseaux naturalisés du Muséum, dans le préambule de ce superbe livre. Depuis les cabinets de curiosité de la Renaissance jusqu’à la Grande Galerie de l’évolution, la taxidermie a accompagné l’essor de l’histoire naturelle. Souvent dépréciée pour sa morbidité, elle jouit aujourd’hui d’un regain d’intérêt dans les musées et l’art contemporain. Nouvel ouvrage de référence en la matière, Mort ou vif est le fruit de la symbiose entre l’enthousiasme de Jack Thiney – taxidermiste au Muséum pendant plus de quatre décennies, spécialiste érudit des grands spécimens – et l’œil inspiré de Jacques Vekemans. Ses photographies – quelques-unes avaient déjà été exposées au jardin des Plantes en 2012¹ – accompagnent les textes dans un recueillement feutré. Sur fond noir, en pleine page, habilement éclairés, les animaux saisis par le photographe suscitent le même émerveillement confus qu’une image d’espèce disparue. Étrangeté de ces simulacres qui, dans la peau d’un animal mort, retrouvent une seconde vie. Virtuosité de pratiques – décrites ici – qui n’ont jamais cessé de se parfaire. Richesse enfin de cette histoire discrète qui, sur quatre siècles, concerna animaux et personnages remarquables et dont le livre nous restitue la mémoire.

Mort ou vif, chronique d’une taxidermie contemporaine de Jack Thiney, photographies de Jacques Vekemans, Éditions de la Martinière/Muséum national d’histoire naturelle, 24,5 x 34 cm, 192 pages, 45 €.

• 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1484 du 24/2/2012, en pages 26 à 29.