“Mammite staphylococcique : que peut-on attendre de la phagothérapie ?”’v

Les n^os 1574 et 1579 de La Semaine Vétérinaire¹ évoquent les méthodes alternatives de traitement et notamment la phagothérapie. Ces méthodes connaissent un regain d’intérêt du fait de l’émergence de pathogènes multirésistants et de la difficulté de trouver de nouvelles molécules d’antibiotiques, avec pour conséquences des recommandations visant à limiter leur utilisation.

La phagothérapie basée sur l’activité lytique des bactériophages vis-à-vis des bactéries, découverte par d’Hérelle, est une option qui présente a priori plusieurs avantages : pas d’effets secondaires, pas de réaction du système immunitaire, pas de multiplication des phages en l’absence de bactéries cibles et, s’agissant des mammites, absence de temps d’attente pour la commercialisation du lait.

Schématiquement, la mise en œuvre de la phagothérapie s’effectue en trois étapes successives : isolement de phages, démonstration in vitro de l’activité lytique vis-à-vis de l’espèce bactérienne cible, essai d’efficacité du traitement in vivo. La littérature scientifique rapporte de nombreux articles concernant les deux premières étapes et S. aureus isolés de mammites. Le choix de cette espèce bactérienne s’explique par sa résistance à certains antibiotiques et leur faible efficacité lors des traitements des mammites subcliniques. Ainsi, à titre d’exemple, Dias R. S. et coll.² ont récemment décrit l’activité lytique de S. aureus isolés de mammites résistants à l’ampicilline et à la pénicilline. Par contre, à notre connaissance, il n’existe que deux essais publiés de traitement par les phages de mammites staphylococciques.

Le premier³ décrit le traitement de 20 infections mammaires expérimentales (deux souches différentes) et quatre infections naturelles avec différentes modalités quant aux nombres d’injections, aux doses injectées et à l’intervalle entre les traitements. Bien qu’il ait été enregistré une diminution du nombre de S. aureus, de l’ordre de 60 à 100 % dans les 48 heures suivant le traitement, aucune guérison bactériologique n’a été obtenue. Dans tous les quartiers traités une très forte réaction cellulaire a été observée. Le deuxième article⁴ rapporte le traitement, pendant cinq jours, par des bactériophages de mammites staphylococciques “spontanées”. Le taux de guérison a été de 16,7 % (3/18) et de 0 % (0/20) respectivement dans le lot traité et le lot placebo, différence statistiquement non significative.

Bien que le nombre réduit d’essais ne permette pas de tirer de conclusions définitives quant à l’intérêt des traitements par les bactériophages des mammites staphylococciques, cette voie alternative ne semble pas offrir des perspectives intéressantes. Selon les auteurs, l’inefficacité de la phagothérapie pourrait s’expliquer par l’inaccessibilité des bactéries à localisation intracellulaire et/ou par la présence de protéines du lait qui se fixent sur les bactéries et inhibent l’adhésion des phages.

• 1 Entretien avec Magali Berger-Savin dans La Semaine Vétérinaire n° 1574 du 28/2/2014 en page 22 ; dossier « Par quoi remplacer les antibiotiques » dans La Semaine Vétérinaire n° 1579 du 4/4/2014 en pages 27 à 33.

• 2 Dias R. S. et coll. Use of phages against antibiotic resistant Staphylococcus aureus isolated from bovine mastitis. J. Animal Sci., 2013,91: 3930-3939.

• 3 Lerondelle C., Poutrel B. Essais de traitement par les bacteriophages de l’infection mammaire staphylococcique chez la vache en lactation. Ann. Rech. Vét., 1980, 4: 421-426.

• 4 Gill et coll. Efficacy and pharmacokinétics of bacteriophage therapy in treatment of subclinical Staphylococcus aureus mastitis in lactating dairy cattle. Antimicrob. Agents Chemother., 2006, 50:2912-2918.