Intérêt de la lymphangiographie par scanner lors de chylothorax chez le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1598 du 26/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1598 du 26/09/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Luis Matres-Lorenzo*, Fabrice Bernard**

Fonctions :
*résident en chirurgie ECVS
**diplomate ECVS,
Centre hospitalier vétérinaire
Saint-Martin à
Saint-Martin-Bellevue
(Haute-Savoie).

POINTS FORTS

– Lors de chylothorax idiopathique, un traitement chirurgical est en général recommandé en cas d’échec du traitement médical.

– La lymphangiographie scanner avec injection échoguidée de produit de contraste dans le nœud lymphatique poplité permet de planifier l’intervention chirurgicale de manière optimale.

CAS CLINIQUE

Commémoratifs, anamnèse

Un chat européen mâle castré âgé de 17 ans est référé pour des difficultés respiratoires et locomotrices, et une anorexie depuis trois jours. Une radiographie réalisée par le vétérinaire traitant met en évidence un épanchement pleural (voir photo 1).

Examen clinique

Lors de l’examen clinique, le chat présente une dyspnée majeure avec discordance et une orthopnée.

Les muqueuses buccales sont hyperémiées. À l’auscultation, les bruits respiratoires et les battements cardiaques sont assourdis. Aucune autre anomalie n’est détectée.

L’animal est stabilisé grâce à une injection sous-cutanée de butorphanol à 0,2 mg/kg (pour son effet sédatif) et une oxygénothérapie pendant 30 minutes avant la réalisation des examens complémentaires.

Examens complémentaires

Une thoracocentèse permet l’aspiration de 20 ml de liquide laiteux de chaque côté du thorax. L’analyse de celui-ci révèle une densité de 1,035, un taux de protéines de 55 g/l, la présence de nombreux macrophages et lymphocytes, ainsi que des taux de triglycérides et de cholestérol respectivement supérieur et inférieur à ceux du sérum sanguin. Cela est en faveur d’un chylothorax.

Compte tenu de l’âge de l’animal, le chylothorax peut être secondaire à un problème cardiaque (cardiomyopathie), une masse médiastinale (lymphome, lymphosarcome), une origine traumatique (non rapportée par le propriétaire dans ce cas) ou idiopathique.

Les échographies cardiaque et thoracique mettent en évidence une cardiomyopathie hypertrophique légère, sans répercussion sur la fonction cardiaque (absence de dilatation atriale). Cet examen combiné à la radiographie thoracique, réalisée après le drainage, permet d’écarter la présence d’une grande masse médiastinale.

Prise en charge initiale

Compte tenu de l’âge du chat, un traitement médical à base de rutine (60 mg/kg per os toutes les huit heures – l’action de ce flavonoïde est mal connue, mais il semblerait qu’il diminue la fragilité et la perméabilité des capillaires et augmente la phagocytose du chyle par les macrophages), un régime hypolipidique, et des ponctions thoraciques lors de fortes difficultés respiratoires sont institués initialement, avec une possibilité d’intervention chirurgicale en cas d’échec.

Après six ponctions thoraciques successives sur une période de deux semaines (100 ml de liquide retirés en moyenne à chaque fois) avec une persistance des symptômes, un traitement chirurgical est finalement décidé.

Lymphangiographie et intervention chirurgicale

→ 4 ml d’huile d’olive sont administrés per os toutes les heures pendant trois heures avant l’intervention, afin de faciliter la visualisualisation peropératoire des canaux lymphatiques.

→ Une lymphangiographie par scanner avec injection échoguidée dans l’un des nœuds lymphatiques poplités est réalisée afin de visualiser le trajet et les branches du canal thoracique juste avant l’intervention chirurgicale et de planifier la localisation de la thoracotomie.

Le chat est positionné en décubitus dorsal, avec le membre vers l’avant, ou ventral, avec le membre vers l’arrière. La région du nœud poplité droit est préparée aseptiquement. 1,5 ml d’iohexol est injecté dans le nœud lymphatique à l’aide d’un cathéter de 26 G (ou d’une aiguille de 25 G) connecté à une seringue de 2 ml, sous guidage échographique (sonde linéaire de 6 à 12 MHz). La vitesse d’injection est approximativement de 1 ml/min (voir photo 2).

Un examen scanner thoracique hélicoïdal, avec des coupes de 1 mm, est ensuite réalisé. Le produit de contraste permet de visualiser le trajet du canal thoracique, et montre que celui-ci se divise au niveau de la 11e vertèbre thoracique (voir photo 3). Le lobe pulmonaire caudal gauche est atélectasié.

→ Une thoracotomie est pratiquée au niveau du 7e espace intercostal gauche pour permettre une péricardectomie subtotale. Une lobectomie partielle de la partie atélectasiée du lobe pulmonaire caudal gauche est réalisée à l’aide de Prolene® 5-0 (monofilament en propylène, non résorbable) et de deux clips vasculaires. Après une thoracotomie au niveau du 11e espace intercostal et une dissection mousse dorsalement à l’aorte, le canal thoracique est ligaturé caudalement à sa division en deux branches au moyen de Prolene® 5-0 (voir photo 4). Une omentalisation du thorax est effectuée après l’incision de la partie périphérique du diaphragme (voir photo 5).

Un drain thoracique est mis en place avant la fermeture du thorax.

→ L’antibioprophylaxie et l’analgésie périopératoires sont assurées par l’administration systémique d’amoxicilline-acide clavulanique (12,5 mg/kg) et de morphine (0,2 mg/kg).

Suivi postopératoire

Après avoir effectué une aspiration régulière (toutes les quatre heures) du liquide d’épanchement thoracique, le drain est retiré au bout de trois jours, alors que la vitesse d’accumulation du liquide est inférieure à 2 ml/kg/jour. Un traitement antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique 12,5 mg/kg, deux fois par jour) et analgésique (tramadol 3 mg/kg, deux fois par jour) est poursuivi pendant sept jours.

L’animal est rendu à ses propriétaires quatre jours après l’intervention. Lors du retrait des fils, au bout de quinze jours, il présente un bon état général. Le contrôle échographique met en évidence un discret épanchement thoracique non ponctionnable.

Lors de la visite de contrôle à cinq mois, aucune anomalie n’est détectable sur les radiographies thoraciques (voir photo 6).

DISCUSSION

Prise en charge thérapeutique du chylothorax

Si le protocole diagnostique du chylothorax chez le chat est à l’heure actuelle relativement standardisé, sa prise en charge thérapeutique optimale n’est pas établie.

Le traitement médical associe une alimentation à faible teneur en graisse, de la rutine (50 à 100 mg/kg per os toutes les huit heures) et des thoracocentèses à répétition. Prolongé, il entraîne parfois une déshydratation de l’animal et favorise la perte de protéines, de lipides et de vitamines liposolubles. Un traitement chirurgical est en général recommandé lors d’échec de la prise en charge médicale. Des études récentes indiquent que la combinaison d’une péricardectomie et d’une ligature du canal thoracique permet le traitement du chylothorax idiopathique dans 80 à 100 % des cas chez le chat et le chien (étude sur 14 chiens). Une omentalisation pour résorber les effusions thoraciques est intéressante lors de chylothorax, mais aussi d’épanchements néoplasiques. La portion d’omentum en position intrathoracique permet de drainer le chyle, notamment par augmentation de la surface du réseau veineux dans la cavité.

Causes d’échec du traitement chirurgical

La morphologie et le parcours du canal thoracique chez le chat varient d’un animal à l’autre, rendant la ligature complète du canal pendant l’intervention complexe. Les cas d’échec du traitement chirurgical sont souvent associés à la persistance d’une fuite du canal thoracique, en raison du placement inadapté de la ligature (cranialement à la fuite) ou d’une ligature incomplète suite à la non-identification de ramifications. Afin de prévenir ces complications, la lymphangiographie préopératoire permet d’évaluer l’anatomie du canal thoracique pour optimiser l’abord et la localisation de la ligature. Elle détecte aussi d’éventuelles fuites. Techniques de lymphangiographie Plusieurs techniques de lymphangiographie du canal thoracique sont décrites, notamment par injection du produit de contraste dans les nœuds lymphatiques mésentériques ou directement dans les vaisseaux lymphatiques intestinaux. Ces techniques invasives nécessitent une laparotomie et sont à réaliser de manière aseptique. Elles sont de préférence pratiquées dans un bloc opératoire à l’aide de la fluoroscopie, voire en salle de radiographie. Une étude récente1 souligne l’intérêt de la lymphangiographie scanner après l’injection du produit de contraste dans le nœud lymphatique poplité. Cette technique non invasive est simple à réaliser. En raison de la petite taille du nœud poplité chez le chat, l’injection est effectuée sous contrôle échographique. Pour éviter des fuites du produit de contraste et visualiser correctement le canal thoracique, il est recommandé d’injecter un volume total de 1,5 ml pour un chat adulte, avec un débit de 1 ml/min. Le produit de contraste est visualisable pendant sept à neuf minutes environ. L’examen scanner est effectué immédiatement après l’injection. Comme pour ce cas clinique, la lymphangiographie scanner permet une visualisation complète et concrète de l’anatomie du canal thoracique, afin de cibler topographiquement l’endroit où placer les ligatures pour obtenir la meilleure efficacité.

La combinaison de la ligature du canal thoracique, d’une péricardectomie et de l’omentalisation a permis dans ce cas clinique une résolution rapide et durable des symptômes et de l’épanchement pleural chez ce chat de 17 ans.

Bibliographie

  • 1 > Lee N., Won S., Choi M. et coll. CT thoracic duct lymphography in cats by popliteal lymph node iohexol injection. Vet Radiol Ultrasound. 2012; 53 (2): 174-80.
  • 2 > Tobias K.M., Johnston S.A. Veterinary Surgery Small Animal: 2-volume set. Elsevier Saunders. 2012; Vol I, Chap 105:1803-7.
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