Établir un pronostic lors de paralysie aiguë liée à une myélopathie chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1596 du 12/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1596 du 12/09/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Aurélien Jeandel*, Hélène Vandenberghe**

Fonctions :
*résident en neurologie à l’ENVA.
Article tiré de la conférence
présentée lors du congrès annuel
de l‘Afvac à Nantes, en avril 2013.

POINTS FORTS

– Le recueil des signes cliniques est un élément essentiel pour poser un pronostic.

– La nociception (notamment lors de hernie discale) et le réflexe panniculaire sont à évaluer.

– L’IRM et l’analyse du LCS sont des examens complémentaires particulièrement utiles pour établir un diagnostic précis.

La perte brutale de l’état ambulatoire chez un chien peut correspondre à une parésie (mouvements volontaires conservés) ou à une paralysie (perte totale des mouvements volontaires). La survenue d’une paralysie aiguë est le signe d’une lésion grave de la moelle épinière, potentiellement irréversible et susceptible de donner lieu à des complications liées au décubitus ou à la rétention urinaire.

Il importe de tenir compte de la situation clinique (nécessité d’un diagnostic rapide, identification des situations d’urgence chirurgicale) et du propriétaire (état d’esprit, capacité à gérer les complications, aspect financier). Les attentes de celui-ci sont à évaluer : guérison, retour à l’état ambulatoire, tolérance de séquelles (locomotion imparfaite, incontinence, etc.), temps de récupération, existence de récidives, etc.

Cet article aborde seulement les paralysies aiguës dues à une myélopathie.

RÔLE ESSENTIEL MAIS LIMITÉ DE L’EXAMEN CLINIQUE

Le recueil de l’anamnèse est un préalable indispensable, car il permet au clinicien de préciser l’apparition des signes cliniques, leur vitesse d’installation et leur évolution. L’examen clinique comporte un bilan neurologique, qui permet de localiser la lésion et d’en évaluer la gravité.

Certains symptômes représentent des éléments pronostiques importants.

→ La perte de nociception correspond à une atteinte des fibres nerveuses de diamètre faible, les plus résistantes : c’est un facteur pronostique négatif majeur.

→ L’évolution du réflexe panniculaire (contraction des muscles cutanés du tronc, de la région lombaire à la région thoracique craniale, en réponse à un stimulus cutané superficiel) lors du suivi d’un animal revêt aussi un intérêt pronostique. Initialement, il est absent caudalement à une lésion thoraco-lombaire. Son déplacement cranial correspond à une extension également craniale de la lésion évoquant une myélomalacie. Un déplacement caudal est, en revanche, un signe d’amélioration clinique.

→ Un syndrome de Schiff-Sherington (atteinte des cellules bordantes localisées entre L1 et L5 qui inhibent les muscles extenseurs des membres thoraciques, aboutissant à une hypertonie clinique) signe une lésion importante de la moelle épinière, mais n’est pas identifié en tant que facteur pronostique.

→ Lors de paralysie de la vessie, une rétention urinaire et un globe vésical prolongé peuvent conduire à une destruction fonctionnelle du détrusor et à une atonie définitive de cet organe.

Le pronostic est propre à la maladie, d’où le besoin d’établir un diagnostic. Des examens complémentaires sont nécessaires : imagerie médicale (radiographie, myélographie, tomodensitométrie, résonance magnétique) et analyse du liquide cérébrospinal (LCS).

FACTEURS PRONOSTIQUES

Hernie discale thoraco-lombaire

Lors de hernie discale thoracolombaire, il convient d’évaluer la nociception : lorsqu’elle est conservée, les animaux ont un meilleur pronostic de récupération, surtout lors de traitement chirurgical. Ainsi, une intervention chirurgicale en présence de nociception est assortie d’un pronostic de récupération de 86 à 96 %, versus 45 à 75 % chez un animal qui a perdu la nociception depuis moins de 24 heures, et 5 à 33 % chez un chien qui ne l’a plus depuis plus de 48 heures. La perte de nociception est un critère d’urgence chirurgicale. Lors de paraplégie avec un maintien de la nociception, un traitement conservateur est pour sa part associé à un pronostic de récupération de 50 %, versus 5 % lors de perte de nociception depuis plus de 48 heures.

Le réflexe panniculaire est à réévaluer quotidiennement. Selon une étude (sur 77 animaux), un déplacement cranial correspond à une myélomalacie dans 83 % des cas (indication d’euthanasie), tandis qu’un déplacement caudal est associé à une évolution satisfaisante dans 90 % des cas dans les trois à cinq mois.

Lors d’examen d’IRM, l’identification d’un signal d’hyperintensité médullaire en mode T2 d’une longueur trois fois supérieure à la longueur du corps vertébral de L2 est considérée comme un facteur pronostique négatif.

Enfin, l’élévation du ratio monocytes/macrophages dans le LCS de chiens qui ont perdu la nociception est de pronostic négatif, selon une étude restreinte (sur 54 animaux).

Hernie discale cervicale

Le pronostic des hernies discales cervicales est différent. En raison de la largeur du canal médullaire en région cervicale, celles-ci sont moins souvent responsables de symptômes graves que les hernies discales thoraco-lombaires. Quelle que soit la présentation clinique, le taux de réussite du traitement médical atteint 50 %, avec un tiers de récidives et un échec thérapeutique sur cinq, selon une étude fondée sur des suspicions cliniques. Le taux de réussite du traitement chirurgical par corpectomie est de 62 à 99 % des cas. Les chiens de petite taille et les animaux qui ont retrouvé un état ambulatoire 96 heures après l’opération présentent davantage de chances de guérir. Ces propos ne sont pas valables pour les spondylomyélopathies cervicales caudales (dites “syndrome de Wobbler”).

Traumatismes médullaires : fracture ou luxation vertébrale

Le pronostic de ces atteintes est plus délicat à établir que celui des hernies discales. Leur conséquence est souvent un traumatisme important de la moelle, qui entraîne des lésions irréversibles. Lors de traumatisme vertébral thoraco-lombaire, la perte de nociception est un facteur pronostique très péjoratif. Lors de paraplégie avec nociception, un traitement conservateur permet une récupération dans 66 % des cas, versus 75 % pour une prise en charge chirurgicale, dont la supériorité n’est pas clairement identifiée.

Lors de traumatisme vertébral cervical, le pronostic est meilleur. Toutefois, les mortalités initiale (par insuffisance respiratoire) et péri-opératoire sont plus élevées. Concernant le traumatisme vertébral lombo-sacré, le problème réside dans l’incontinence féco-urinaire, irréversible lors d’arrachement des nerfs sacrés. Dans le cas contraire, la récupération est lente.

Instabilité atlanto-axiale

Le pronostic de cette atteinte est bon comparé à celui des fractures et des luxations vertébrales. Les animaux jeunes chez lesquels les signes cliniques évoluent depuis un temps limité (moins de 10 mois) présentent les chances de récupération les plus importantes. Le traitement conservateur (pose d’une minerve) donnerait de bons résultats dans les cas aigus. Des rechutes sont cependant observées dans un cas sur cinq au moment du retrait de la minerve. En outre, les complications (ulcères cornéen et de décubitus, dermatose, etc.) sont fréquentes. Le traitement chirurgical (stabilisation ventrale ou dorsale) est conseillé.

Embolie fibrocartilagineuse

La prise en charge par physiothérapie de cette myélopathie ischémique fulgurante permet une amélioration dans 60 à 84 % des cas, quelle que soit la présentation clinique. Plusieurs facteurs pronostiques négatifs sont identifiés : la perte de nociception, l’existence de lésion (s) de type motoneurone périphérique, la présence de signes cliniques symétriques, la mise en place tardive de la physiothérapie et l’absence d’amélioration dans les deux premières semaines. Lors de l’examen d’IRM, la taille de la lésion est corrélée à une mauvaise évolution. La durée de récupération peut être de plusieurs mois.

Méningomyélite

Cette inflammation isolée de la moelle épinière et des méninges sans atteinte de l’encéphale touche davantage les jeunes animaux de petite taille et peut être diagnostiquée par IRM. Ces affections sont peu documentées. La méningomyélite entraîne une perte de l’état ambulatoire dans 53 % des cas et une paralysie dans 8 % des cas. 25 % des méningomyélites sont infectieuses et 55 % idiopathiques. La maladie est associée à 48 % de mortalité et à une médiane de survie de deux à trois semaines.

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