Avantages et inconvénients des alternatives à la castration chirurgicale - La Semaine Vétérinaire n° 1595 du 05/09/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1595 du 05/09/2014

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/PORCS

Auteur(s) : Fanny Garcia

Forte et désagréable, l’odeur de verrat est dégagée par certaines viandes issues de porcs entiers pubères.Elle provient de l’accumulation dans le tissu adipeux de deux hormones majoritaires, le scatol et l’androsténone. Le pourcentage de carcasses présentant une odeur de verrat est variable et celle-ci n’est pas perçue de la même manière selon les consommateurs : 45 % environ de la population est sensible à l’androsténone et 80 à 99 % au scatol.

Pour prévenir l’apparition de cette odeur dans les viandes porcines, la quasi-totalité des porcelets sont castrés. Cependant, pour des raisons de bien-être animal, l’Union européenne envisage l’arrêt de la castration chirurgicale en 2018. Une équipe danoise1 a recensé et évalué donc les différentes alternatives pour trouver des solutions efficaces et rentables afin de diminuer l’odeur de verrat des carcasses.

L’IMMUNOCASTRATION

Un seul vaccin2 est commercialisé pour la castration chimique des porcs pubères (soit en pratique dès l’entrée à l’engraissement, donc après 8 semaines d’âge). Il consiste en deux injections sous-cutanées à quatre semaines d’intervalle. La seconde injection doit être effectuée quatre à six semaines avant l’abattage. Il s’agit d’un vaccin anti-GnRH (Gonadotropin-releasing hormone, qui régule l’activité sexuelle), entraînant l’atrophie des testicules et l’arrêt de la synthèse des hormones sexuelles, dont l’androsténone. Le taux de scatol est également fortement diminué à la suite de l’augmentation de son métabolisme hépatique, inhibé en temps normal par les stéroïdes sexuels.

Le vaccin semble efficace. Le taux d’échecs est, en effet, inférieur à 1 %. L’immunocastration ne présente aucun danger pour la santé des consommateurs. En revanche, il existe un risque d’effets secondaires sur le système reproducteur des éleveurs en cas d’auto-injection accidentelle.

Les principales interrogations restent la mauvaise image de cette technique auprès du grand public (risque de confusion avec l’ajout d’hormones) et le manque d’études concernant l’innocuité de ce traitement sur la santé du consommateur à long terme.

LE SEXAGE DU SPERME

Une autre solution possible consiste à élever uniquement des femelles dans les élevages de production, en sexant les semences avant de réaliser l’insémination artificielle. Cependant, le sexage du sperme, à l’heure actuelle, n’est pas disponible en filière porcine. Des recherches sont encore nécessaires avant de proposer ce service aux éleveurs, notamment pour améliorer le taux de gestation et la taille des portées.

LA SÉLECTION GÉNÉTIQUE

Différentes régions de l’ADN associées à la production ou au métabolisme du scatol et de l’androsténone sont identifiées, mais diffèrent selon les races. L’héritabilité du caractère “odeur de verrat” est forte et il ne semble pas y avoir de corrélations génétiques négatives avec les qualités reproductrices et les performances de croissance.Cependant, d’autres études doivent être menées afin de déterminer si les changements hormonaux n’entraînent pas de modifications morphologiques à long terme. Il est possible de réaliser une sélection génétique classique en prenant en compte le caractère “odeur de verrat” dans les index. Les verrats qui présentent un taux élevé de scatol et/ou d’androsténone dans le lard dorsal (prélevé par biopsie) sont alors éliminés de la reproduction. Environ huit à 12 années seraient nécessaires pour passer de 20 % à 5 % de carcasses ayant un taux excessif d’androsténone. L’autre méthode, plus rapide et moins onéreuse, repose sur le génotypage, réalisé à partir d’une simple prise de sang.

L’ÉLEVAGE DE PORCS ENTIERS

La solution la plus réaliste actuellement consiste à élever des porcs entiers et à agir sur différents paramètres pour réduire la production des hormones responsables de l’odeur de verrat.

Modifications des carcasses

La majorité des études réalisées révèlent que, par comparaison avec les porcs castrés, l’élevage de porcs entiers permet d’améliorer l’indice de consommation et le gain moyen quotidien (6 à 13 %, en moyenne). Toutefois, les carcasses obtenues sont plus maigres, présentent une diminution de l’épaisseur du lard dorsal, et leur rendement est légèrement plus faible que pour les porcs castrés. La qualité de la viande est modifiée puisqu’il y a moins de dépôts de gras intramusculaire chez les animaux entiers, ce qui peut affecter la tendreté de celle-ci.De plus, le risque d’obtenir des viandes DFD (Dark, Firm and Dry, c’est-à-dire sombres, fermes et sèches) est majoré chez les porcs entiers lors de stress avant l’abattage, probablement dû à une activité et à un niveau d’agression plus élevé chez ces derniers.

Modifications comportementales

Une augmentation de l’agressivité et des comportements sexuels est observée chez les porcs entiers, et majore ainsi le risque de blessures causées par des bagarres. Des modifications de l’environnement sont donc nécessaires pour améliorer le bien-être des animaux. Il est recommandé, par exemple, d’éviter le mélange de porcs d’origine différente, de séparer les mâles et les femelles, de diminuer les densités et d’enrichir l’environnement.

Taux d’androsténone

Pour réduire la concentration en androsténone, la principale mesure est d’avancer l’âge à l’abattage, même si l’efficacité varie selon les races. Cependant, cette méthode n’est pas rentable dans le contexte actuel.

Taux de scatol

La concentration en scatol du tissu adipeux est influencée par la quantité produite dans le gros intestin (laquelle dépend de l’alimentation, du stress et des affections gastro-intestinales), ainsi que par son métabolisme hépatique, modulé par les stéroïdes testiculaires.

Pour diminuer la production de scatol, il convient donc d’améliorer l’hygiène des animaux et, surtout, d’adapter leur alimentation :

→ Il est recommandé d’éviter les protéines issues de sang, de viandes, d’os, de levure de bière et de pois cassés, car leur faible digestibilité iléale favorise la production de scatol. En effet, il est prouvé qu’un régime composé uniquement de céréales et distribué aux porcs quatre jours avant l’abattage permet de réduire la teneur en scatol des graisses. Un jeûne prolongé (plus de six heures avant l’abattage) a également un effet positif.

→ Une supplémentation en glucides fermentescibles peu digérés dans l’intestin grêle, sous forme d’inuline purifiée ou de végétaux riches en inuline (racine de chicorée, topinambours) à hauteur de 50 g/kg d’aliment pendant sept jours, permet de réduire de deux tiers la concentration de scatol dans le lard dorsal. L’amidon non traité de pomme de terre a le même effet, mais pose des problèmes d’incorporation dans l’aliment.

→ De nouvelles études s’intéressent à l’utilisation d’additifs, tels que l’acide formique, les extraits de plante ou le charbon activé.

LA NÉCESSAIRE DÉTECTION DE L’ODEUR DE VERRAT À L’ABATTOIR

Dans la plupart des cas, quelle que soit la solution choisie, une méthode fiable et validée est à mettre en place à l’abattoir pour détecter l’odeur de verrat, puisque les carcasses qui présentent une odeur sexuelle prononcée sont déclassées.

Pour l’instant, aucune technique ne répond à tous les critères souhaités : dosage du scatol et de l’androsténone, méthode simple, rapide et peu onéreuse, sensibilité et spécificité élevées. De plus, il est nécessaire d’établir précisément un lien entre les concentrations tissulaires des hormones et l’apparition de l’odeur de verrat, afin de définir les seuils d’acceptabilité de ces concentrations, en tenant compte de leur interdépendance.

→ Dans le monde de la recherche, il existe des tests quantitatifs onéreux (spectrométrie de masse et chromatographie) pour mesurer les concentrations en scatol et en androsténone.

→ En routine, seul un test colorimétrique est disponible pour estimer le taux de scatol, mais le nombre d’échantillons de lard dorsal analysé est limité (180 par heure). Par conséquent, les tests olfactifs par chauffage du tissu adipeux sont très utilisés sur les chaînes d’abattage. Les inconvénients liés aux opérateurs humains sont leur coût, leur grande variabilité et la faible précision des résultats.

→ Les recherches portent actuellement sur l’utilisation de guêpes Microplitis croceipes entraînées à détecter l’odeur de verrat ou sur le développement de nez électroniques.

En définitive, le choix d’une solution alternative à la castration chirurgicale devra prendre en compte l’avis des consommateurs (inquiétudes vis-à-vis de la sécurité sanitaire et de la qualité de la viande), des éleveurs (charge de travail et rentabilité) et des industriels (méfiance envers les méthodes de détection en abattoir, risque de saturation du marché et de diminution des prix s’il y a un excès de viandes avec une odeur de verrat).

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