Nouvelle nosographie des troubles comportementaux chez le chat (1re partie) - La Semaine Vétérinaire n° 1592 du 04/07/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1592 du 04/07/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Fonctions : comportementaliste diplômé
ENVF. Article tiré des conférences
de E. Gaultier et C. Béata,
cours de base du Gecaf, Lyon 2014.

L’École française de psychiatrie vétérinaire, mue notamment par les membres du Groupe d’étude en comportement des animaux familiers (Gecaf) et de Zoopsy, propose une réorganisation de la nomenclature des troubles comportementaux chez le chat1. Celle-ci vise à apporter davantage de rigueur et de cohérence à la classification. En effet, le chat est un animal complexe à cerner, au répertoire comportemental extrêmement large en raison de son statut mixte de proie et de prédateur.

Cette nomenclature repose sur des noms à consonances scientifique et médicale en se fondant sur des racines et un suffixe grecs. Ainsi, les schézipathies sont les maladies qui décrivent une souffrance comportementale (-pathos) associée à un trouble de la relation (schezi-).

SCHÉZIPATHIES INTERSPÉCIFIQUES

Schézipathie interspécifique ontogénique

Cette maladie, anciennement nommée “syndrome de privation de stade 1”, est caractérisée par « une réaction de peur intense vis-à-vis de certains individus provoquant un trouble évident de la relation ». Elle découle d’un déficit de sociabilisation interspécifique lors de la période de développement, soit par une absence de sociabilisation soit par un manque d’entretien de cette dernière. Il s’agit schématiquement des chatons sauvages ou de ferme pour lesquels il y a une inadéquation entre les milieux de développement et de vie future. Il existe une vulnérabilité individuelle, susceptible d’être associée au tempérament. Pour des expériences relationnelles précoces similaires, deux chats auront des propensions et des réactions au contact différentes.

L’état phobique est caractérisé par des symptômes de peur. Les manifestations organo-végétatives comprennent une mydriase, une tachycardie, une tachypnée, une vidange des glandes anales, des mictions émotionnelles et une sudation des coussinets. La fuite, des agressions, de l’irritation ou de l’inhibition signent la peur. Les agressions s’instrumentalisent rapidement.

L’état d’anxiété s’installe si le chat n’est pas en mesure de se soustraire à l’espèce humaine. Il se manifeste par des troubles chroniques, tels qu’une diarrhée ou une cystite interstitielle. Les agressions par peur et irritation sont exacerbées et la malpropreté se généralise.

La thérapie comportementale favorise un lien d’attachement avec une personne du foyer qui apprend à manipuler et à caresser l’animal tout en interprétant ses limites de tolérance. Les jeux et la nourriture sont susceptibles de renforcer ce lien. Le biotope doit disposer de zones d’apaisement, en hauteur ou dans des endroits cachés. La présence de congénères, par des phénomènes d’imitation, peut améliorer le comportement.

La sélégiline est préconisée lors d’inhibition, d’évitement ou de diarrhée émotionnelle. La clomipramine a davantage d’activité sur les troubles du sommeil et la malpropreté. Les conduites agressives sont contenues par la fluoxétine. L’alphacasozépine montre une excellente efficacité dans le traitement des schézipathies ontogéniques. La phéromonothérapie se révèle utile dans les états anxieux pour relancer le marquage facial1. Le stade 2 de la maladie conserve l’appellation de “syndrome de privation”. Il est caractérisé par une anxiété intermittente marquée par des activités de substitution (alopécie, boulimie), une inhibition comportementale et de l’hypersomnie.

Schézipathies interspécifiques acquises

Une schézipathie interspécifique acquise résulte de l’évolution d’une maladie comportementale (syndromes de privation et d’hypersensibilité/hyperactivité), de modifications environnementales ou d’une altération des capacités sensorielles qui accompagne le vieillissement. Les troubles de la communication, les punitions et les mises à l’écart inappropriées, les jeux imposés et les contacts forcés sont autant de causes de développement de schézipathie primaire.

Les propriétaires décrivent des signaux de mise à distance et des agressions. L’état réactionnel est caractérisé par des crises épisodiques, qui entraînent des descriptions telles que « tant que je ne le porte pas, tout va bien ! ». L’état phobique se traduit par l’apparition de manifestations comportementales de peur lorsque l’animal est exposé aux individus concernés. Dans l’état anxieux, l’activité exploratoire est modifiée. Le chat s’isole. Les agressions par irritation, les marquages urinaire et par griffade augmentent alors que les marquages faciaux diminuent. Cette situation évolue soit vers l’anxiété intermittente avec une hausse des agressions et une instrumentalisation, soit vers un état de dépression et des évitements. Les manifestations d’anxiété intermittente, très productives, génèrent des demandes de la part des propriétaires, ce qui est beaucoup moins souvent le cas lors de signes d’anxiété permanente, où la souffrance du chat est plus “silencieuse”.

Le pronostic dépend de l’ancienneté du trouble, de l’intervention des propriétaires, de la comorbidité fréquente et de l’état pathologique de l’animal.

La symptomatologie guide la thérapeutique médicamenteuse. L’alphacasozépine est une molécule de choix pour limiter les manifestations anxieuses productives. La fluoxétine est préférée lors de conduites agressives. La phéromonothérapie est utile pour relancer l’exploration. L’arrêt des sanctions et des manipulations forcées est le premier outil thérapeutique comportemental : la punition chez le chat doit être désagréable, mesurée et surtout immédiate. L’environnement est recadré en aménageant des espaces d’exposition aux stimuli et des espaces de fuite (contre-conditionnement et désensibilisation).

Les consultations sont souvent le lieu de développement de ces schézipathies interspécifiques. Le praticien doit employer des techniques de contention appropriées, progressives et douces, en maintenant le chat dans une position physiologique et en lui laissant l’impression qu’il est libre de ses mouvements. Les conditions d’hospitalisation et de soins sont à adapter à l’espèce féline.

SCHÉZIPATHIES INTRASPÉCIFIQUES ACQUISES

Les schézipathies intraspécifiques, des perturbations des relations entre les chats, trouvent souvent leurs racines dans l’absence ou la difficulté d’organisation du lieu. Elles sont rassemblées sous le terme de biotoschézipathies (anciennement dénommées “anxiété de cohabitation”).

Le vétérinaire est sollicité à l’introduction d’un nouveau chat dans le foyer ou le voisinage, après une perturbation du milieu de vie qui déstabilise les relations existantes entre les félins. Une comorbidité organique ou comportementale est parfois notée.

Éléments cliniques

→ La phase de distanciation est une étape normale, de durée variable, lors de la mise en contact de chats qui ne se connaissent pas ou qui ne se reconnaissent pas (retour d’une hospitalisation). Les feulements, les crachements et les courses-poursuites alternent lors de cet état réactionnel, qui permet aux chats de se répartir le territoire. Si les propriétaires interviennent ou qu’un des protagonistes n’agit pas normalement, la phase suivante apparaît.

→ Lors de la phase des escarmouches, les conflits sont bruyants et parfois spectaculaires, mais donnent rarement lieu à des blessures. Un des chats a tendance à chasser l’autre en permanence ; l’un ou les deux animaux évoluent vers l’anxiété intermittente.

→ En phase d’obnubilation, le chat actif, en état d’anxiété intermittente, est hypervigilant et peut produire des agressions redirigées sur les propriétaires. L’animal passif, en état d’anxiété permanente, est extrêmement inhibé, mange en cachette et se livre à des activités de substitution. Alors que les deux chats sont malades, le comportement du félin actif est souvent sanctionné, tandis que celui de l’animal passif est renforcé par les propriétaires.

Diagnostic

Il est obligatoire de réaliser un diagnostic de système qui repose sur les relations entre les différents chats, entre ces derniers et les hommes, ainsi que sur les déséquilibres du lieu de vie. La prise en charge inclut nécessairement un traitement médical des deux félins, un enrichissement et une restructuration du territoire, ainsi qu’un travail avec les propriétaires pour modifier leurs interactions avec les animaux.

Le pronostic des deux premières phases peut se révéler excellent si les propriétaires acceptent de ne pas intervenir. Il est plus réservé dans les stades anxieux.

Prise en charge

Un traitement médical est indispensable dès qu’un état pathologique est identifié. Les nutraceutiques et les phéromones réduisent les symptômes, même en phase de distanciation. Au stade suivant, il est souvent plus facile d’utiliser la même molécule chez les deux chats, à des posologies différentes (fluoxétine à la dose de 2 mg/kg pour l’agresseur et de 0,5 à 1 mg/kg pour le félin agressé). Cette prescription a le triple avantage d’identifier les deux animaux comme malades, de ne pas en désigner un comme gentil et l’autre comme méchant et de faciliter la prise médicamenteuse.

L’obtention de bons résultats en clinique lors de tentatives de mise en contact pendant une hospitalisation des deux chats ne présage en rien de ce qui se passera à la maison. Un travail sur les représentations avec les propriétaires vise à leur faire admettre que les félins ne sont pas toujours amis, mais qu’ils peuvent cohabiter et qu’il faut donc les laisser en contact sans intervenir. Le choix de prendre un second chat est guidé par des sentiments humains et non félins. Le territoire ne doit pas être modifié dans la journée (les portes ne doivent pas être fermées lorsque les propriétaires sont absents, par exemple). Il est enrichi en cachettes, dans les trois dimensions. Des rituels apaisants sont susceptibles d’être proposés.

  • 1 Voir le dossier du même auteur paru dans La Semaine Vétérinaire n° 1 573 du 21/2/2014 en pages 21 à 27.

QUELQUES POSOLOGIES

→ Sélégiline : 1 mg/kg/j.

→ Clomipramine : 0,5 à 1 mg/kg/j.

→ Alphacasozépine : 15 mg/kg/j.

→ Fluoxétine : 1 mg/kg/j.

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