L’échographie de l’intestin grêle du chat - La Semaine Vétérinaire n° 1591 du 27/06/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1591 du 27/06/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Harriet Hahn*, Pascaline Pey**

Fonctions :
*assistante d’imagerie médicale
**PhD, diplomate ECVDI, maître
de conférences en imagerie
médicale. Service d’imagerie médicale,
ENVA

L’échographie abdominale est un examen complémentaire indispensable et facile d’accès pour explorer les troubles digestifs chez le chat.

ASPECT NORMAL

L’échographie abdominale se réalise sur un animal à jeun. Toutes les portions du tube digestif sont constituées de cinq couches :

– la lumière (hyperéchogène) ;

– la muqueuse (hypoéchogène) ;

– la sous-muqueuse (hyperéchogène) ;

– la musculeuse (hypoéchogène) ;

– la séreuse (hyperéchogène). La couche la plus épaisse chez le chat est la muqueuse, suivie de la musculeuse, la sous-muqueuse et, enfin, la séreuse.

→ Le duodénum, situé dans le prolongement du pylore, est constitué de trois portions : descendant, ascendant et transverse. Le duodénum descendant est identifié soit en le suivant à partir du pylore, soit en le cherchant médialement au rein droit. Son trajet est assez rectiligne et dans l’axe longitudinal du chat. Le lobe droit du pancréas est en contact et se situe dans son axe, dorso-médialement. La papille duodénale peut être identifiée dans le duodénum descendant proximal et doit mesurer moins de 5 mm de diamètre environ. L’épaisseur de la paroi duodénale est de 2 à 2,5 mm environ1, 3. Le duodénum est drainé par les nœuds lymphatiques pancréatico-duodénaux, hépatiques et gastriques.

→ Le jéjunum est dans le prolongement du duodénum, mais il n’est pas évident de différencier ces deux segments autrement que par leur localisation anatomique. Il s’agit du segment digestif le plus long. Sa paroi mesure 2 à 2,5 mm d’épaisseur environ1, 3. Le jéjunum est drainé par les nœuds lymphatiques mésentériques.

→ L’iléon est le segment digestif le plus court. Sa paroi mesure 2,5 à 3,2 mm d’épaisseur environ1. Il a un aspect caractéristique, avec une sous-muqueuse et une musculeuse plus épaisses que dans les autres segments digestifs. Il peut être suivi jusqu’à la jonction iléo-colique, facile à repérer chez le chat, pour confirmer son identité. En coupe transverse, son aspect est caractéristique, avec une forme en rosette. Il est montré que les chats nourris avec une alimentation humide ont une muqueuse iléale plus épaisse que ceux qui reçoivent une nourriture sèche3. L’iléon est drainé par les nœuds lymphatiques mésentériques et iléo-coliques. Chaque segment digestif fait l’objet d’une évaluation précise de différents critères : l’épaisseur de la paroi, la conservation de la structure en couches, l’échogénicité des différentes couches, le péristaltisme, l’échogénicité de la graisse environnante et la présence d’épanchement.

QUELQUES ASPECTS PATHOLOGIQUES

Corps étranger linéaire

Ce type de corps étranger (ficelle de sac-poubelle, morceau de guirlande de Noël, etc.) est assez fréquent chez le chat. Dans la majorité des cas, un iléus est présent en amont du site obstructif. En aval, les anses sont vides. La ficelle se présente comme une fine et plus ou moins longue interface hyperéchogène. Autour de cette dernière, l’anse est souvent plicaturée, ce qui donne un aspect échographique caractéristique. L’anse est plus ou moins festonnée selon la durée d’évolution du corps étranger. Dans certains cas, elle ne l’est pas du tout, ce qui rend la détection du corps étranger difficile.

La recherche d’une stéatite péritonéale, d’un épanchement plus ou moins échogène et de gaz libre dans la cavité péritonéale est nécessaire pour évaluer une potentielle péritonite due à une rupture digestive.

Maladies intestinales diffuses

→ Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), assez fréquentes chez le chat, ont surtout une étiologie lymphoplasmocytaire ou éosinophilique. Le diagnostic de certitude reste histologique, car elles ne sont pas toutes détectables à l’échographie. Le principal signe à rechercher est un épaississement pariétal diffus modéré, avec une conservation de la structure en couches, qui concerne principalement la musculeuse. La structure en couches peut cependant être atténuée ou focalement perdue lors d’inflammation très sévère (ulcère, œdème, hémorragie). La muqueuse est plus ou moins échogène, parfois avec un aspect piqueté. Les modifications ne sont pas toujours diffuses, elles sont parfois plus focales. Un épaississement marqué de la musculeuse n’est cependant pas spécifique d’une maladie inflammatoire chronique et peut aussi être rencontré lors d’entérite éosinophilique (syndrome éosinophilique félin) ou lors de lymphome.

→ Le lymphome de bas grade est la tumeur digestive la plus fréquente chez le chat. À l’échographie, seul un épaississement pariétal diffus et circonférentiel de la musculeuse est en général observé, sans perte de la structure en couches. Les autres couches restent le plus souvent inchangées. Les images sont donc identiques à celles d’une Mici. Il est d’ailleurs suspecté qu’une Mici précède et favorise l’apparition d’un lymphome digestif. Le diagnostic de certitude passe ainsi par une analyse histologique, sur des biopsies étagées par exemple.

Le ratio de l’épaisseur musculeuse/sous-muqueuse est un indice utile dans le cadre d’une recherche de Mici ou de lymphome : celui-ci est le plus souvent supérieur à 1 chez les chats atteints de lymphome ou de Mici, et inférieur à 1 chez les animaux sains2. Il est cependant à utiliser avec précaution, car il est susceptible d’entraîner un nombre non négligeable de faux positifs.

Dans certains cas de lymphome de bas grade, il est possible d’observer une zone focale où l’épaississement pariétal est majoré et la structure en couches atténuée ou absente.

Une adénomégalie locorégionale, notamment des nœuds lymphatiques mésentériques et iléo-coliques, est à rechercher, mais elle ne permet pas de trancher avec certitude entre une Mici et un lymphome.

→ Une fine ligne hyperéchogène dans la muqueuse peut aussi être visualisée. Histologiquement, elle correspond à une ligne de fibrose, non spécifique : elle se rencontre dans des cas de maladie inflammatoire chronique ou constitue simplement une cicatrice d’un ancien processus inflammatoire (entérite).

Pathologies intestinales focales

→ Les tumeurs intestinales les plus fréquentes chez le chat sont le lymphome, le mastocytome et l’adénocarcinome. Les distinguer d’une lésion inflammatoire nécessite d’évaluer la symétrie de la lésion, sa distribution, le degré d’épaississement pariétal et l’aspect en couches.

Lors de carcinome intestinal, l’image la plus fréquente est une lésion focale circonférentielle avec un épaississement transpariétal et une perte complète de la structure en couches, accompagnée d’une adénomégalie locorégionale. Ces masses sont souvent obstructives, contrairement au lymphome, mais restent rares. Lors de mastocytome, un épaississement pariétal hypoéchogène non circonférentiel et excentrique est le plus souvent observé, avec une atténuation ou une perte de la structure en couches. Sa localisation préférentielle dans l’intestin grêle est l’iléon5.

Les léiomyomes et les léiomyosarcomes, des tumeurs des cellules musculaires lisses, sont rares chez le chat. Celles-ci doivent néanmoins être envisagées en présence d’une masse excentrique et asymétrique. Cependant, il n’existe aucune image spécifique. Le diagnostic de certitude est à réaliser au moyen d’une cytoponction de la masse, lorsqu’elle est possible, ou d’une analyse histologique après une exérèse chirurgicale.

Lors de carcinomatose, de lymphomatose ou de sarcomatose, c’est-à-dire d’infiltration métastatique du mésentère, des nodules hypoéchogènes étendus dans la totalité de ce dernier sont visibles, ainsi qu’un épanchement péritonéal en quantité souvent importante.

→ Dans une forme sèche de péritonite infectieuse féline (PIF), des lésions pyogranulomateuses peuvent être identifiées sur différents organes abdominaux. Les lésions digestives sont relativement fréquentes (environ un quart des cas de PIF4) et susceptibles de se présenter sous la forme de masses intestinales pariétales focales hypoéchogènes, le plus souvent sur l’iléon ou à la jonction iléo-colique. Il est également possible d’observer un épaississement pariétal diffus d’un segment de grêle, avec une structure en couches le plus souvent respectée, mais non systématique. Une adénomégalie locorégionale est aussi à rechercher. Une cytoponction du granulome ou d’un nœud lymphatique pour une analyse par PCR (polymerase chain reaction) peut être effectuée pour établir un diagnostic de certitude, car il est impossible de différencier un pyogranulome de PIF d’un lymphome sur la base des images échographiques.

Bibliographie

  • 1. Penninck D., d’Anjou M. A. Atlas of small animal ultrasonography. 1st ed. Blackwell publishing, 2008:520p.
  • 2. Daniaux L. A. et coll. Ultrasonographic thickening of the muscularis propria in feline small intestinal small cell T-cell lymphoma and inflammatory bowel disease. J Fel Med Surg. 2014;16(2):89-98.
  • 3. Winter M. et coll. Ultrasonographic evaluation of relative gastrointestinal layer thickness in cats without clinical evidence of gastrointestinal tract disease. J Fel Med Surg. 2014;16(2):118-124.
  • 4. Lewis K. Abdominal ultrasonographic findings associated with feline infectious peritonitis : a retrospective review of 16 cases. J Am Hosp Anim Assoc. 2010;46(3):152-160.
  • 5. Laurenson M. et coll. Ultrasonography of intestinal mast cell tumors in the cat. Vet Radiol Ultrasound. 2011;52 (3):330-334.
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