« J’espère que la féminisation favorisera l’activité de conseil »

Dernièrement, Hanna Bueno a consacré sa thèse aux « Témoignages de femmes vétérinaires, de 1950 à nos jours »¹ (Alfort, 2011). J’en ai notamment retenu que, lorsque les étudiantes étaient minoritaires, leurs expériences étaient diverses : ça se passait très bien pour l’une, devenue “la mascotte” de sa promotion, tandis qu’une autre devait affronter « une misogynie crasse » de la part des professeurs ! Durant mon propre cursus, être de sexe féminin n’avait strictement aucune importance car il y avait déjà une parité.

En revanche, le plus grand défi a toujours été de concilier la vie professionnelle avec la naissance des enfants. Aujourd’hui, de nombreux jeunes – y compris des hommes – veulent exercer à mi-temps. C’est une situation davantage acceptée et possible que dans les années 1990, où les femmes se trouvaient en concurrence avec de nombreux confrères qui travaillaient à temps plein… Un souci perdure néanmoins actuellement pour le partage des gardes. Je sais que certains tours acceptent de décharger un peu les consœurs. D’autres professionnelles s’en sortent lorsque leur mari, leurs parents ou leurs beaux-parents s’organisent pour veiller sur les enfants. Enfin, certaines ont appris à “relativiser” la notion d’urgence : lorsqu’une fièvre de lait survient chez une vache, l’éleveur est capable de l’évaluer pour leur indiquer si elles ont le temps ou non d’aller d’abord chercher les enfants à l’école !

Concernant les pratiques médicales, il me semble qu’en bovine les filles sont aujourd’hui plus sensibles au bien-être animal, avec un recours maximal aux médicaments antidouleurs à l’anesthésie, aux tranquillisants et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Pour une douleur abdominale, elles mettent maintenant en œuvre du nursing. Elles trouvent également idiot et dangereux de se battre avec une vache pour parer des pieds ou effectuer une césarienne. C’est pourquoi, si autrefois les éleveurs privilégiaient les serre-jarrets et les cordes, certains investissent désormais dans des cages de contention. Enfin, je note une dernière différence : globalement, les consœurs savent moins bien se vendre pécuniairement, y compris dans le privé ! J’en ai entendu dire qu’elles avaient « été incapables de négocier leur contrat », qu’elles « s’étaient contentées de prendre ce qui leur avait été donné ». À l’avenir, j’espère que cette féminisation permettra à la profession de prendre davantage le nécessaire virage de l’activité de conseil. En rurale, une vétérinaire pourrait ainsi pratiquer la médecine durant quatre ans. Puis elle passerait en suivi d’élevage, qui est une activité pleinement compatible avec une vie familiale.

• 1 Voir le dossier réalisé par Hanna Bueno, publié dans La Semaine Vétérinaire n° 1486, pages 27 à 32.