Endurance : des confrères tirent la sonnette d’alarme - La Semaine Vétérinaire n° 1590 du 20/06/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1590 du 20/06/2014

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Auteur(s) : Marine Neveux

Cinq vétérinaires réagissent à la suite des anomalies constatées lors de l’épreuve internationale d’endurance de Compiègne.

Avec un parcours de 160 km et 22 nations étrangères représentées, la course organisée dans la forêt compiégnoise le 23 mai dernier est une épreuve phare internationale de l’endurance, qui constitue une étape importante pour les participants avant les prochains Jeux équestres mondiaux. Pour nos confrères, cette manifestation sportive a été aussi une journée intense de travail, dont il ressort quelques constats accablants.

Dans la nuit du 23 mai, la mort d’une jument à la suite de l’épreuve a mis le feu aux poudres, faisant ressurgir le spectre du scandale sur cette discipline, dont les dérives ont déjà été pointées du doigt, notamment à l’étranger. En témoigne d’ailleurs la prise de position de la Société vétérinaire suisse1. Dans la presse quotidienne régionale, des langues se sont déliées sur les dessous de la course. Sur les réseaux sociaux et les sites des associations de protection animale sont postés des photographies de chevaux trop maigres prises lors de l’épreuve, ainsi que des clichés d’amas de poches de perfusion à proximité de plusieurs boxes.

Lettre ouverte de nos confrères

« C’est avec beaucoup de fatigue, d’interrogations et d’amertume que nous avons terminé notre travail de vétérinaires lors du dernier week-end d’endurance à Compiègne », expliquent nos confrères Christophe Pelissier, Pierre Romantzoff, Antoine Seguin, Jean-Louis Leclerc et Agnès Benamou-Smith. Ces praticiens sont des figures de l’endurance, par leur compétence dans la discipline et en médecine. Comme l’attestent également les brillantes performances de l’équipe française depuis de nombreuses années. Tous étaient présents à titre officiel à Compiègne, du 23 au 25 mai. Dans une lettre ouverte datée du 11 juin 20142, ces vétérinaires tirent la sonnette d’alarme : « L’équipe traitante a eu à gérer de trop nombreux chevaux, éliminés pour raison métabolique avec des fréquences cardiaques élevées et des états de déshydratation surprenants. »

Le concept du vetgate mis à mal

Nos confrères analysent la situation de la façon suivante : « L’endurance pratiquée dans certains pays du groupe 7 n’a plus rien à voir avec l’esprit originel du sport. On ne fait plus “la course du cheval” en restant à l’écoute et en tâchant de réaliser la performance maximale que peut donner sa monture, mais une endurance “tout à fond”, dont seuls les meilleurs ce jour-là supportent cet effort violent. Ce comportement fait que le règlement et le concept de vetgate ne semblent plus adaptés pour assurer la sécurité des chevaux. La vigilance des vétérinaires du jury a cependant permis d’arrêter à temps ces chevaux fatigués ayant couru à vive allure. Le travail laborieux et attentif des vétérinaires traitants a permis de traiter (sic) correctement un nombre important de chevaux au sein de [leur] hôpital », détaillent nos confrères.

La majorité des chevaux pris en charge ont rapidement récupéré grâce, aussi, aux soins attentifs de leur cavalier et de leur équipe d’assistance. Quelques-uns, poussés trop loin sans doute, ont requis des traitements plus longs et intensifs. Parmi eux, une jument, qui présentait un syndrome neurologique à son arrivée au vetgate, n’a pu être sauvée « malgré des soins précoces très rapprochés ». « Notre amour et notre respect du cheval, notre goût du sport d’endurance, ainsi que notre profonde conviction d’être un des garants majeurs du bien-être [animal] nous poussent à exprimer notre préoccupation devant certains débordements que nous n’avions pas eus à déplorer de façon significative jusque-là dans l’endurance européenne ». En effet, si cette discipline a connu, dans ses premières années, des accidents et quelques mortalités, « les très nombreux contrôles vétérinaires effectués aux vetgates et affinés au fil d’études menées par notre profession, ainsi que le suivi attentionné de cavaliers et d’équipes bien informés, ont permis de concourir dans de bonnes conditions de sécurité, tout au moins dans le paysage européen de l’endurance équestre ».

Le dopage et le respect animal en ligne de mire

En outre, « la responsabilité de la santé et du bien-être des chevaux d’endurance en course ne repose pas que sur le vétérinaire, le juge et le règlement, bien que celui-ci soit perfectible dans son contenu et, surtout, dans son application. Ainsi, il est impossible pour nous de savoir si le cheval a reçu une ration adaptée, (…) l’entraînement régulier et nécessaire compatible avec le niveau de l’épreuve, s’il s’est abreuvé correctement au vetgate ou au point d’assistance ou s’il a montré des signes de fatigue, de la diarrhée ou d’autres anomalies plus subtiles. C’est toujours le cavalier et son équipe qui doivent connaître le cheval et être totalement à l’écoute (…). Les participants doivent prendre la mesure de leur responsabilité en cas de débordements et en assumer les conséquences ».

« Dans ce contexte, les praticiens et les scientifiques que nous sommes se trouvent également confrontés à une situation qui complique énormément l’évaluation métabolique et locomotrice des chevaux en course : le développement des techniques de dopage permet malheureusement de perturber de façon marquée les indices classiques de fatigue qui nous alertent, tant et si bien que ces pratiques antisportives vont permettre à des chevaux fatigués de se présenter au vetgate avec des examens apparemment bons, même pour le vétérinaire le plus aguerri, qui doit juger dans un temps minimal sur un petit nombre de critères cliniques. »

Et nos confrères de dénoncer : « Nous avons maintenant affaire à certains cavaliers qui ne connaissent pas leurs montures, ne les respectent souvent pas, et dont la tricherie, la dissimulation et le mensonge sont un mode de fonctionnement. Dans ces conditions, l’endurance dite “moderne” n’assure plus la sécurité des chevaux et nous, vétérinaires de terrain, déplorons cet état de fait et la totale inefficacité ou le manque de volonté réelle de la FEI3 de régler ce problème. »

  • 1 Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/5/2014 en page 7.

  • 2 Découvrez l’intégralité du communiqué de nos cinq confrères sur www.lepointveterinaire.fr.

  • 3 Fédération équestre internationale.

Entre exploits sportifs et scandales médiatiques

L’actualité de ces dernières années est émaillée par des scandales médiatiques survenus au sein d’écuries des pays du groupe 7 (Moyen-Orient, Afrique du Nord). Selon notre confrère Jean-Louis Leclerc, certaines d’entre elles font preuve d’un manque de respect vis-à-vis des chevaux : « C’est une partie infime de la population mondiale de l’endurance. Le tableau n’est pas noir, il est troublé, opacifié par certains. Des propositions de modification du règlement ont été relayées par la commission endurance de la FEI. » Celles-ci consistent à encadrer et à verrouiller davantage la discipline, et à infliger des sanctions aux contrevenants. Ces nouvelles dispositions pourraient être applicables lors des prochains Jeux équestres mondiaux. « Un poste d’independant government adviser est créé. Celui-ci a pour mission de contrôler le déroulement de l’épreuve, les juges, l’organisation de la course, le respect du règlement, les vétérinaires, égrène Jean-Louis Leclerc. Ils sont susceptibles de rédiger un rapport. »

Ces cas médiatiques ne reflètent fort heureusement pas l’esprit de la discipline et de son développement dans l’Hexagone et au-delà. « C’est une belle discipline », reconnaît notre confrère. Les chevaux français sont d’ailleurs parmi les meilleurs au monde, et les cavaliers de notre pays s’illustrent non seulement lors d’événements ponctuels, mais surtout dans le temps et à tous les niveaux par la qualité de leur travail et de leur approche de la discipline.

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