Traitement de l’œdème aigu du poumon chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1587 du 31/05/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1587 du 31/05/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Jean-François Rousselot*, Lionel Fabriès**, Laurent Masson***

Fonctions :
*praticien à Colombes
(Hauts-de-Seine)
**praticien à
Saint-Orens-de-Gameville
(Haute-Garonne). Article tiré des conférences
présentées au congrès de l’Afvac 2013, à Nantes.

PRISE EN CHARGE DE L’OAP CHEZ LE CHIEN

L’œdème aigu du poumon (OAP) cardiogénique est l’expression aiguë la plus fréquente de l’insuffisance cardiaque gauche. Sa présentation clinique est toujours spectaculaire et dramatique, avec un pronostic vital engagé. La dyspnée est majeure, expiratoire, parfois accompagnée d’une toux de faible amplitude et douloureuse, ainsi que d’expectorations mousseuses rosées. L’animal est à prendre en charge en urgence et à hospitaliser, avec la pose d’une voie veineuse. D’éventuels examens complémentaires qui permettent de confirmer l’origine cardiaque de l’OAP ne sont réalisés que si l’état clinique de l’animal le permet.

Le traitement s’articule sur plusieurs axes à mettre en œuvre le plus rapidement possible et de manière pratiquement simultanée.

Faire baisser la surcharge volumique

Le furosémide est la molécule de choix pour obtenir une baisse rapide de la précharge. L’administration intraveineuse continue à la dose de 1 mg/kg/h après le premier bolus est préférable à des bolus répétés de 4 à 10 mg/kg toutes les deux heures. Dès que la respiration s’est améliorée, les doses sont rapidement diminuées et la prise orale du médicament remplace la voie parentérale. Les effets secondaires (déshydratation, hypovolémie, hypokaliémie) sont à rechercher systématiquement. Notre confrère utilise également la trinitrine1 (plutôt en patch qu’en spray), comme un bon renfort à la diminution de la précharge. En revanche, la spironolactone n’a pas sa place dans ce contexte d’urgence.

Lutter contre l’hypoxie

L’oxygénothérapie est indispensable si la fréquence respiratoire dépasse 60 mouvements par minute ou si la pression artérielle en oxygène devient inférieure à 80 mmHg. La technique employée dépend de l’état de l’animal.

Limiter le stress

Il convient de placer l’animal dans un box au calme et bien ventilé, en évitant toute contention “musclée”. Une tranquillisation peut être nécessaire, à l’aide d’un morphinique tel que le butorphanol (0,2 à 0,25 mg/ kg, par voie intraveineuse ou intramusculaire), la buprénorphine (0,0075 à 0,01 mg/kg) associée à l’acépromazine (0,01 à 0,03 mg/kg par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée). Les propriétés vasodilatatrices (en particulier celles de l’acépromazine, qui durent de six à huit heures) et dépressives respiratoires (ralentissement de la fréquence respiratoire) sont intéressantes, mais peuvent également se révéler dangereuses. La surveillance est donc indispensable.

Diminuer la postcharge et la précharge

Compte tenu de leur action longue à se mettre en place et du risque de majoration d’insuffisance rénale prérénale, les experts de l’Acvim2 préfèrent dans cette situation d’urgence le pimobendane (0,25 à 0,3 mg/kg) aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Ses effets vasodilatateur mixte et inotrope positif sont d’installation rapide per os, mais cette vitesse pourrait être encore améliorée avec la forme injectable commercialisée dans certains pays. Le bénéfice obtenu ne fait pas encore l’objet d’une étude dédiée à cette situation.

Traiter les troubles du rythme

En raison de leurs effets indésirables, l’emploi d’antiarythmiques est réservé à des situations où le risque hémodynamique est présent ou imminent, et lié à la dysrythmie.

La lidocaïne reste le médicament de choix lors de tachycardie et de fibrillation ventriculaire. La digoxine (non inotrope négative) est indiquée pour les tachycardies supraventriculaires rapides mais, dans cette situation, son bénéfice apparaît un peu tardivement. Un inhibiteur calcique, tel que le diltiazem, ou un bêta-bloquant, tel que l’esmolol3 (250 à 500 µg/kg par voie intraveineuse, puis 50 à 200 µg/kg en perfusion), peuvent lui être préférés.

SURVEILLER L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT

La surveillance de l’animal nécessite des contrôles réguliers et la participation de toute l’équipe soignante, sans oublier de résoudre le problème de la continuité des soins lors de fermeture de la structure.

L’évaluation de l’état de l’animal est triple :

→ clinique : observation de la fréquence et de la courbe respiratoires, mesure de la fréquence cardiaque, aspect des muqueuses. Ces anomalies doivent se stabiliser et, surtout, régresser rapidement ;

→ instrumentale : électrocardiogramme (ECG), échocardiographie, oxymétrie, mesure de la pression artérielle ;

→ biologique : notamment les paramètres rénaux et l’ionogramme (potassium, sodium et bicarbonates en particulier).

Malgré cela, l’échec est possible. Dans ce cas, le consensus de l’Acvim propose d’augmenter la dose de furosémide, en faisant très attention au risque d’insuffisance rénale et d’hypokaliémie, en renforçant la vasodilatation artérielle (nitroprussiate3 par exemple, à la posologie de 0,5 à 1 µg/kg/ min, sous contrôle de la pression artérielle), et de ponctionner les éventuels épanchements lors de détresse respiratoire.

La prescription d’une dose plus élevée de pimobendane a été proposée, sans que cette mesure ait encore été validée (niveau de preuves insuffisant). L’inotropisme peut être renforcé grâce à la dobutamine3, sous forme de perfusion intraveineuse continue (4 à 10 µg/kg/min jusqu’à la restauration du pouls). Ses effets secondaires sont une tachycardie et une augmentation de la consommation en oxygène. Enfin, le sildénafil1 permet de lutter contre l’hypertension pulmonaire.

MESSAGES POUR LE PROPRIÉTAIRE

Retour au domicile

Une fois l’animal rendu à ses propriétaires, il est important de leur expliquer ce qui est attendu d’eux (à faire et à ne plus faire). En cas de défaut de communication, il existe un risque de rechute rapide susceptible d’être fatale.

Il convient de faire preuve de pédagogie, adaptée aux connaissances du client. L’observance du traitement est meilleure si le propriétaire en mesure l’intérêt (huit propriétaires sur dix environ arrêtent le traitement au bout du premier mois). Celui-ci doit bien comprendre que l’apparition d’un OAP est une étape importante dans l’aggravation de la maladie cardiaque. Il faut essayer de faciliter le traitement pour le client en choisissant la stratégie thérapeutique qui a le plus de chances d’être suivie (tenir compte de la facilité d’utilisation des médicaments, du nombre de prises, donc des contraintes quotidiennes, horaires du propriétaire, etc.).

Nouvelle hygiène de vie

Un bilan nutritionnel est à réaliser afin d’éviter l’apport de sel à partir de friandises ou de restes de table. Les besoins énergétiques et protéiques doivent néanmoins être couverts, car il s’agit d’une maladie cachectisante.

Si le mode d’administration des médicaments pose problème, le propriétaire ne doit pas hésiter à revenir vers le praticien pour trouver des solutions alternatives alimentaires afin de favoriser la prise de médicaments sans augmenter l’apport sodé (blanc de volaille, fruits au lieu de fromage ou charcuterie).

L’exercice est adapté aux possibilités de l’animal, en évitant toute excitation et en limitant les promenades (qui peuvent parfois être exclusivement en laisse).

Paramètres à surveiller

Le vétérinaire montre au maître du chien ce qu’il peut surveiller facilement à la maison pour détecter les signes de rechute (toux, dyspnée) ou d’aggravation de la cardiopathie (insuffisance rénale aiguë par exemple, qui se traduit surtout par une anorexie et/ou des troubles digestifs). La surveillance de la respiration de l’animal cardiaque susceptible de (re) décompenser est un acte facilement réalisable par le propriétaire. Il importe de prendre le temps de lui montrer ce qu’est un cycle respiratoire normal, afin que toute modification (fréquence, dyspnée, discordance) de celui-ci soit prise en compte et le conduise à consulter.

La variation de la fréquence respiratoire peut être un signe précurseur d’une décompensation : des seuils diagnostiques de 41 et 34 cycles par minute sont ainsi définis comme significatifs pour prédire une décompensation prochaine probable pour les chiens qui présentent respectivement une maladie valvulaire dégénérative et une cardiomyopathie dilatée (sensibilité et spécificité de 92 et 100 %).

Programmation des contrôles

Un programme de suivi est à mettre en place, avec un rythme de consultations défini. Il permet de vérifier l’état de l’animal, mais aussi l’observance réelle du traitement et les difficultés rencontrées par le propriétaire dans la mise en œuvre des mesures préconisées. Une surveillance biologique s’impose, en particulier lors de toute modification du traitement mis en place.

  • 1 Pharmacopée humaine.

  • 2 Groupe de travail de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim) en 2009.

  • 3 Dans la liste des médicaments humains à prescription restreinte. Médicament disponible directement auprès du laboratoire.

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