Les bases du traitement endodontique chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/05/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1584 du 10/05/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Nicolas Girard*, Alain Kientz**

Fonctions :
*diplomate EVDC, exercice exclusif et référé en dentisterie à VetDentis, Saint-Laurent- du-Var (Alpes-Martitimes). Article tiré du cours modulaire de dentisterie du Géros (Afvac) présenté à Oniris, en octobre 2013.

POINTS FORTS

– Le traitement endodontique est instauré lors de pulpite irréversible, d’origine traumatique ou infectieuse.

– Chaque étape est impérativement validée par radiographie.

– Cette prise en charge nécessite du matériel spécifique.

Le traitement endodontique vise à maintenir la fonction d’une dent tout en contrôlant les phénomènes inflammatoires, infectieux et douloureux en cours. Il s’agit d’une procédure chirurgicale stricto sensu. Elle doit être conduite de façon parfaitement aseptique et nécessite de l’expérience.

INDICATION

Les inflammations de la pulpe dentaire sont le plus souvent dues à des traumatismes ou à des phénomènes d’usure anormale (attrition, c’est-à-dire usure des dents les unes contre les autres, ou abrasion, usure par des objets abrasifs). Contrairement à l’espèce humaine, les caries chez les carnivores sont rares (localisées aux molaires et dernières prémolaires principalement). Au-delà des dents fracturées, pour lesquelles le diagnostic est évident à défaut d’être précoce, les pulpites qui résultent de ces traumatismes se manifestent par une modification de la couleur de la dent et une douleur vive. La pénétration de bactéries (en général anaérobies Gram-) au niveau pulpaire entraîne une réaction inflammatoire à l’apex de la dent (réaction péri-apicale). Celle-ci est douloureuse et son évolution entraîne une lyse osseuse locale, avec parfois des fistules. Puis l’atteinte de l’os alvéolaire progresse : une parodontite péri-apicale, des kystes, une ostéite et une ostéomyélite se succèdent. Les pulpites peuvent être réversibles dans la mesure où leur cause est supprimée. Dans le cas contraire, elles deviennent irréversibles, encore douloureuses à ce stade, puis chroniques avec une sensibilité intermittente et modérée, voire nulle (nécrose pulpaire).

Les traumatismes dentaires sont de vraies urgences : une dent avulsée est à remettre en place dans les deux heures, et une dent dont la cavité pulpaire est ouverte est à traiter dans les 48 heures. Faute de quoi, la conservation de la dent est compromise, voire illusoire. Les examens cliniques (général et bucco-dentaire) sont des préalables fondamentaux, mais la radiographie dentaire est indispensable pour le diagnostic, le traitement et son suivi.

TECHNIQUE

Objectifs

Le traitement a pour objectif d’assurer la détersion parfaite du canal dentaire, sa désinfection, puis son étanchéité dans le tiers apical a minima. Il s’agit d’une véritable procédure chirurgicale. Cette dernière doit être conduite selon les mêmes règles d’asepsie que celles habituellement mises en œuvre lors de toute intervention chirurgicale : le matériel est stérile, de même que les solutés d’irrigation et les cônes de gutta-percha. L’isolation parfaite du site opératoire est indispensable. C’est une réelle difficulté, qui demande de l’expérience et une parfaite préparation du matériel et des actes en amont.

Matériel

Les dents des carnivores présentent quelques particularités par rapport à celles humaines : un émail beaucoup plus fin, une quasi-absence de canaux accessoires et un apex ouvert sur un delta apical aux multiples ramifications. La difficulté réside dans la courbure des dents et dans l’absence de surfaces occlusales : les accès aux canaux sont, dans la plupart des cas, latéraux afin de se trouver au mieux dans l’axe du canal. Les techniques de préparation canalaire sont identiques à celles employées en dentisterie humaine. Du matériel d’endodontie humain, tel que les limes K et H, est utilisé à cet effet. Ces instruments manquent toutefois de longueur pour certaines grosses dents et pour les crocs. Il convient alors d’utiliser des limes H spé- cialement conçues pour l’usage vétérinaire (il n’existe actuellement pas de limes K spécifiques à la dentisterie animale), mais il reste difficile de se les procurer.

Étapes du traitement

Chaque étape du traitement est impérativement contrôlée et validée radiographiquement.

Après la réalisation de la voie d’accès et la vérification de la perméabilité du canal, l’utilisation de limes de tailles iso croissantes permet d’élargir les deux tiers coronaires du canal dentaire. Une fois la mesure de la distance de travail prise avec soin, il s’agit de préparer et de mettre en forme le tiers apical. La désinfection du canal est fondamentale. Elle doit intervenir à chaque séquence, être abondante et prolongée. L’hypochlorite de sodium à 2,5 % (prendre garde à bien protéger les muqueuses) est le soluté de choix. Il est relayé dans la dernière phase par une solution d’EDTA (acide éthylène diamine tétraacétique) qui permet une meilleure élimination de la boue dentinaire dans le tiers apical. Ces solutions peuvent être activées par l’emploi d’inserts ultrasoniques spécifiques1.

La dent est ensuite soigneusement séchée. Le travail d’obturation proprement dit peut ensuite commencer. Des cônes standardisés de gutta-percha et un ciment constitué d’oxyde de zinc et d’eugénol sont utilisés à cet effet. Les cônes sont enfilés successivement, puis condensés jusqu’au refus. La condensation de ces éléments contre les parois du canal est réalisée avec un condensateur latéral (spreader), puis frontal (plugger) : c’est la condensation à froid. Des inserts ultrasoniques spécifiques, qui génèrent de la chaleur, permettent de ramollir la gutta-percha et d’obtenir une meilleure condensation. La fermeture des accès aux structures canalaires et la restauration des éventuelles fractures coronaires, selon les techniques classiques, terminent le traitement. Le contrôle radiographique final valide la procédure.

Suivi

Une fois la dent traitée, il convient d’assurer des contrôles périodiques et d’en informer clairement le propriétaire.

  • 1 La société Acteon est en cours d’élaboration d’un kit spécifiquement vétérinaire.

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