Une vie de chèvres

Depuis 40 ans, Maguy veille sur ses chèvres. Ex-citadine, elle s’est installée dans les années 70 sur cet austère (et magnifique) plateau du Var où elle a appris le métier “sur le tas”. À la marge des normes, son élevage, créé en toute indépendance, est autant en phase avec les pratiques ancestrales qu’avec la sensibilité écologique actuelle. « Le bien-être de l’animal, c’est ce qui fait le bon lait », soutient la chevrière, soucieuse autant de ses animaux que de la saveur de ses fromages.

Arrivée à l’âge de la retraite, la réalité agricole rattrape Maguy. Pour toucher une maigre pension (620 €), elle doit céder son troupeau et accepte de parrainer Anne-Sophie, fraîchement sortie d’une école agricole. À la souffrance du renoncement de l’aînée répond le difficile apprentissage de la plus jeune. Son manque d’expérience se double du pénible parcours bureaucratique, imposé désormais à l’agriculteur débutant qui veut s’installer : plans de professionnalisation et de développement, demandes de subventions et de prêts. En une génération, la mutation est profonde et a prodigieusement réduit la marge de liberté. Si elle complique le dialogue entre les deux femmes dans ce moment critique de leur vie, quelque chose s’échange pourtant, souvent dans le silence : le respect des animaux, la sincérité de leur engagement pour ce choix de vie. Sans en masquer les âpretés, la caméra de la propre fille de Maguy, au fil des saisons, en rend avec simplicité et douceur l’émotion et la beauté.

Les Chèvres de ma mère, documentaire écrit et réalisé par Sophie Audier, 1 h 40. En salles depuis le 16 avril 2014.