Conduite diagnostique des uvéites antérieures chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1580 du 11/04/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1580 du 11/04/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Thierry Azoulay*, Pierre Maisonneuve**, Gwenaël Outters***

Fonctions :
*praticien à Strasbourg (Bas-Rhin)
**praticien à Orléans (Loiret)

Une uvéite correspond à l’inflammation de l’uvée, qui est la tunique vasculaire de l’œil composée de l’iris, des corps ciliaires et de la choroïde. Elle peut être antérieure (iris et corps ciliaires), intermédiaire (portion postérieure des corps ciliaires, rarement isolée), postérieure (choroïde et rétine) ou globale (panuvéite).

RECONNAÎTRE ET CONFIRMER L’UVÉITE

Signes non spécifiques

L’uvéite s’accompagne de signes oculaires non spécifiques : douleur (photophobie, blépharospasme, épiphora, baisse de l’acuité visuelle), rougeur1 (hyperhémie conjonctivale, des artères ciliaires antérieures ou néovascularisation cornéenne en brosse), œdème cornéen (endothélite), retard de dilatation lors de l’instillation de tropicamide (Mydriaticum®).

Signes spécifiques chez le chien

Un traumatisme oculaire induit une vasoconstriction puis, sous l’effet de la libération de l’histamine et d’autres facteurs de l’inflammation par les mastocytes, une vasodilatation qui favorise la perméabilité vasculaire ainsi que le passage d’éléments figurés et de protéines du sang dans l’œil : c’est la rupture de la barrière hémato-aqueuse ou hémato-oculaire, responsable de l’effet Tyndall. Celle-ci peut également se traduire par un hyphéma (dépôt de globules rouges dans la chambre antérieure), un hypopion (dépôt de leucocytes), une accumulation de fibrine dans la chambre antérieure ou des précipités kératiques (signes cornéens spécifiques).

L’iris subit diverses modifications lors d’uvéite. Il présente un aspect terne dû à l’iritis, un œdème et une irrégularité de surface, un ectropion de l’uvée en phase aiguë. Des séquelles, telles qu’une modification de la couleur de l’iris, une rubéose de ce dernier (néovascularisation), une dyscorie (déformation pupillaire) ou la présence de synéchies (adhérence entre l’iris et le cristallin ou la cornée), sont souvent les stigmates d’un épisode d’uvéite antérieure. L’hypotension oculaire est un signe précoce et sensible de l’uvéite chez le chien. Elle correspond à la diminution de la sécrétion d’humeur aqueuse. Celle-ci est la conséquence de la production de prostaglandines lors d’uvéites aiguës ou de la fibrose des corps ciliaires lors de formes chroniques.

Pièges à éviter chez le chat

Chez cette espèce, en dehors des causes traumatiques (les plus fréquentes), les uvéites se rencontrent le plus souvent chez des animaux âgés de huit ans et demi à neuf ans et demi. L’hypotension intra-oculaire est souvent le symptôme principal : à la mesure au Tonopen®, elle se traduit par une pression intra-oculaire (PIO) inférieure à 10 mmHg et/ou une différence de PIO entre les deux yeux supérieure à 5 mmHg (la norme au Tonopen® est comprise entre 10 et 20 mmHg). Cependant, une tension normale ou élevée ne permet pas d’exclure une uvéite. En effet, il en existe des hypertensives, notamment lors de la formation de goniosynéchies (des adhérences situées dans l’angle irido-cornéen). Celles-ci entraînent une diminution du drainage de l’humeur aqueuse.

Les dépôts de cholestérol dans la chambre antérieure ne doivent pas être confondus avec un œdème cornéen ou des précipités kératiques (présents sur la face interne de la cornée). La persistance de la membrane pupillaire est une malformation congénitale caractérisée par une absence d’inflammation et des filaments issus du milieu de l’iris et non du bord pupillaire, comme c’est généralement le cas lors de synéchies. En cas d’uvéite ancienne avec d’importants remaniements, des synéchies sont susceptibles de mimer des pseudotumeurs. La présence d’un hyphéma chez le chat motive la recherche d’une uvéite, mais aussi d’une intoxication par les antivitamines K ou d’une hypertension artérielle.

Séquelles d’uvéites antérieures

La fermeture de l’angle irido-cornéen, causée par la formation de synéchies, induit une hypertension intra-oculaire. La cataracte, la luxation du cristallin (beaucoup plus rare chez le chien que chez le chat) et la pigmentation de la capsule antérieure sont des séquelles d’uvéites antérieures chez le chien.

Chez les chats, présentés tardivement en consultation, les signes d’uvéites chroniques incluent des synéchies, des modifications de l’iris (rubéose, coloration), de la cornée ou du cristallin. Chez l’espèce féline, une cataracte, un glaucome secondaire (PIO supérieure à 25 mmHg ; une différence de PIO entre les deux yeux qui dépasse 12 mmHg) ou une luxation du cristallin motivent la recherche d’une uvéite ancienne. Les symptômes, non systématiques, sont parfois discrets.

ORIENTER LA RECHERCHE ÉTIOLOGIQUE

La recherche étiologique s’effectue selon le contexte clinique. D’après une étude2, les origines des uvéites canines se répartissent ainsi : infectieuses (18 %), néoplasiques (25 %), à médiation immune ou idiopathiques (57 %).

La majorité des uvéites félines sont idiopathiques ou traumatiques. Les virus, tels que la leucose féline (FeLV) et le syndrome d’immunodéficience acquise (FIV) dominent largement l’étiologie infectieuse. Ils sont suivis par les parasites et les bactéries (rares). Les uvéites dysimmunitaires (toxoplasmose, péritonite infectieuse féline) sont beaucoup moins fréquentes que chez le chien.

Atteinte unilatérale chez le chien

Les uvéites unilatérales sont le plus souvent traumatiques. L’uvéite phacoantégénique, secondaire à la rupture de la capsule antérieure, conduit au passage de protéines cristalliniennes dans la chambre antérieure. L’uvéite phacolytique, qui accompagne une cataracte, évolue lentement. Violente, l’uvéite phacoclastique est consécutive à un traumatisme du cristallin. Le diagnostic est clinique, fondé sur l’échographie, qui permet de visualiser un œdème du cristallin ainsi qu’une éventuelle rupture capsulaire, et des tests de dilatation.

Les tumeurs oculaires primitives sont le plus souvent unilatérales. La plupart sont d’origine uvéale et s’accompagnent généralement d’un envahissement local, mais rarement de métastases. Elles sont assorties d’une déformation de la pupille, d’un épaississement de l’iris, d’un hyphéma et d’un glaucome. Le mélanome est la tumeur la plus représentée (maligne dans 20 % des cas avec une extension métastasique dans 4 à 10 %). Il existe des prédispositions raciales chez le berger allemand et le golden retriever, qui sont affectés par cette tumeur à l’âge de neuf ans en moyenne. Les adénomes et les adénocarcinomes sont deux fois moins représentés. Les structures concernées le plus souvent sont l’iris et les corps ciliaires. Le diagnostic est établi via la cytologie, la gonioscopie ou l’échographie.

Atteinte bilatérale chez le chien

Maladies infectieuses

Il existe un nombre considérable de causes d’uvéite infectieuse. La kératite bleue de l’hépatite de Rubarth, le plus souvent unilatérale, est due à une réaction d’hypersensibilité de type III postvaccinale à la valence CAV-1, qui rétrocède en quelques semaines. L’utilisation de la valence vaccinale CAV-2 permet théoriquement de s’en prémunir (plusieurs cas sont cependant décrits). L’uvéite leishmanienne, pratiquement toujours bilatérale, est notée dans 24 % des cas de leishmaniose. L’atteinte oculaire est exclusive dans 15 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’une uvéite antérieure accompagnée d’iritis, de myosis, de fibrine dans la chambre antérieure, plus rarement d’une uvéite postérieure ou d’une panuvéite. Le diagnostic repose sur une identification directe des parasites via des ponctions ganglionnaires ou sur la sérologie ou la polymerase chain reaction (PCR).

L’ehrlichiose s’accompagne d’une uvéite antérieure, bilatérale dans 75 % des cas. Les signes généraux, peu spécifiques, incluent une thrombocytopénie (70 %) et un purpura. Le diagnostic est fondé sur la sérologie ou la PCR.

L’uvéite n’est pas le marqueur principal de la leptospirose. Les signes généraux sont largement plus évocateurs de la maladie.

Enfin, une uvéite est susceptible d’être liée à un foyer infectieux, avec un essaimage des toxines dans le cas de pyomètre, de prostatite ou d’abcès. Elle constitue parfois le seul signe d’appel de l’infection.

Maladies non infectieuses

Le syndrome uvéo-dermatologique associe des signes dermatologiques et oculaires, tels que des uvéites antérieure ou postérieure et une dépigmentation des muqueuses. Les races nordiques sont prédisposées. L’histologie montre une dermite d’interface avec un infiltrat lichénoïde.

Le diabète peut s’accompagner d’une cataracte d’évolution rapide associée à une uvéite phacoantigénique. Le passage de graisse dans la chambre antérieure lors d’hyperlipémie et de la rupture de la barrière hémato-oculaire (BHO) est également à l’origine (ou le plus souvent la conséquence de la rupture de la BHO) d’uvéite.

Les tumeurs secondaires

Il s’agit de tumeurs de voisinage qui envahissent le globe oculaire ou de métastases, en particulier par voie hématogène. Le lymphome et l’hémangiosarcome sont les plus représentés. L’atteinte est souvent bilatérale, notamment avec une uvéite antérieure et un glaucome. Constatée dans 37 % des cas de lymphome (deuxième symptôme après la polyadénomégalie), l’uvéite constitue un signe pronostique : l’espérance de vie des chiens serait diminuée lors d’atteinte oculaire (60 à 70 % de la durée de survie d’un animal sans atteinte oculaire).

Atteinte chez le chat

Les symptômes ophtalmologiques sont peu spécifiques chez le chat, excepté lors de tumeurs et de traumatismes perforants. L’anamnèse est importante. Les examens radiographiques ou échographiques sont souvent décevants, car les tumeurs sont régulièrement diffuses. Les symptômes généraux sont peu observés, mais sévères quand ils sont présents. L’hémogramme apporte peu d’informations, si ce n’est parfois une augmentation des gammaglobulines ou une anémie (associée au virus FelV ou FIV). Ainsi, il est primordial de traiter l’uvéite pendant la recherche étiologique.

Les tumeurs oculaires sont simples et spécifiques. Le mélanome est souvent diffus et le diagnostic différentiel est établi avec une hétérochromie ou une mélanose chez les animaux âgés. Pour le lymphome, les tumeurs oculaires sont primitives ou métastasiques. Les lésions sont blanchâtres ou rougeâtres sur l’iris et la cornée.

  • 1 Les vaisseaux conjonctivaux sont superficiels, alors que ceux profonds se différencient en artères épisclérales grosses et tortueuses, remarquables lors d’hypertension intra-oculaire, et en artères ciliaires, fines, régulières et distribuées autour du limbe lors d’uvéite. Le test à l’épinéphrine (collyre Néosynéphrine® 10 %) permet d’établir le diagnostic différentiel.

  • 2 Massa K.L., Gilger B.C., Miller T.L., Davidson M.G. Causes of uveitis in dogs : 102 cases (1989-2000). Vet. Ophthalmol. 2002 Jun;5 (2):93-98.

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