Les petits frères négligés des antibiotiques - La Semaine Vétérinaire n° 1579 du 04/04/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1579 du 04/04/2014

Peptides antimicrobiens

Dossier

Les peptides antimicrobiens (PAM) sont petits (en général, ils comprennent moins de 50 acides aminés, et toujours moins de 100) et présents dans les règnes animal et végétal. Ils ont été découverts à la fin du XIXe siècle, à peu près en même temps que les antibiotiques.

Le lysosyme, mis en évidence par Flemming au début des années 20 dans le blanc d’œuf, est doté d’une activité enzymatique. Il est capable de tuer certaines bactéries en quelques minutes. Il a ensuite été identifié dans le mucus nasal et les sécrétions lacrymales : il intervient dans la destruction du peptidoglycane des bactéries gram positif.

En 1939, Dubis constate la sécrétion par un bacille d’un composé qui inhibe la croissance de bactérie gram positif. Il confirme cette théorie en l’utilisant pour prévenir les infections pneumococciques. En 1942, il isole deux molécules issues de Bacillus brevis : la gramicidine (premier peptide à être utilisé notamment dans le traitement des plaies) et la tyrocidine agissent contre certaines bactéries mais présentent également une certaine toxicité. La mise en évidence vers 1950 d’une activité antimicrobienne dans les cellules sanguines, et les travaux d’Erspamer au début des années 70, marquent la découverte de nombreux peptides antimicrobiens dans la peau de nombreux amphibiens et dans les plantes. Ils connaîtront un essor dans les années 80. Boman découvre en 1980 les cécropines dans la lymphe d’un hyménoptère, Cecropia hyalophora. En 1983, deux peptides, nommés ensuite défensines, sont mis en évidence dans les macrophages de poumons de lapins par Lehrer et Selsted. Les magainines sont identifiées en 1987 dans la peau de la grenouille Xenopus laevis.

Les PAM sont progressivement délaissés au profit des antibiotiques. De rares essais cliniques sont menés : sur Pexiganan® dans le traitement du pied diabétique, rejeté par la FDA; sur Iseganan® (bain de bouche) abandonné après les essais cliniques en phase III pour cause d’efficacité insuffisante. Plus récemment, Neuprex®, une molécule dérivée des PAM développée pour le traitement des méningococcémies pédiatrique, serait toujours en attente d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU).

Classification et mode d’action

Plus de 2 300 peptides antimicrobiens sont désormais identifiés1 et plusieurs classifications sont possibles (selon leurs propriétés moléculaires, leur structure tridimensionnelle, leur cible moléculaire, leur origine, ou leurs fonctions biologiques). Leur nomenclature n’est pas standardisée. Trois méthodes coexistent : une fondée sur leurs propriétés (défensines, cathélicines), une autre sur leur origine (termicines découvertes chez les termites) et une combinaison des deux. Leur structure est variable : en hélice (14 % des peptides dont la structure est connue), avec des ponts disulfures (16 %), en feuillet β, seul ou combiné avec une hélice (3 % chacune).

En plus de leur activité antibactérienne, les PAM ont un effet antiviral, antifongique, immunomodulateur, et peuvent agir en synergie avec d’autres molécules.

Leur mode d’action antibactérien (voir figure) comporte une phase d’attraction vers la membrane de la bactérie, puis plusieurs mécanismes possibles y créent des pores ou des trous. Cela aboutit à la destruction de la bactérie. Certains PAM ont aussi une action intracellulaire : altération de la membrane plasmique, inhibition de la synthèse des protéines, de l’activité enzymatique de la paroi cellulaire ou des acides nucléiques.

Spectre d’action et résistance

Le spectre d’action potentiel est étendu, la plupart des PAM agissent sur de nombreuses espèces de bactéries, chacun avec une activité qui lui est propre.

Seul un nombre restreint de bactéries résiste naturellement aux PAM : Proteus, Serratia (composition particulière de la membrane externe) et Burkholderia.

Plusieurs mécanismes de résistance acquise sont mis en œuvre par les bactéries pour se protéger contre les PAM.

→ La modification de la charge nette. Les PAM sont chargés positivement et attirés par la charge négative des bactéries. Staphylococcus aureus possède un dispositif (opéron dlt) dont l’activation augmente la teneur en D-alanine (donc l’estérification) des acides teichoiques présents dans le peptidoglycane. Il en résulte une diminution de la charge nette. Certaines bactéries à gram négatif peuvent augmenter la charge positive de leur paroi (système de régulation PhoP/PhoQ de Salmonella Enterica serovar Typhymurium).

→  La modification de la fluidité membranaire. La capsule de Klebsiella pneumoniae protège des agressions de certains PAM (lactoferrine, HNP1 ou HBD1). D’autres mécanismes, qui réduisent les interactions électrostatiques, induisent une résistance à la polymyxine et aux PAM en hélice α ou en feuillet β.

→ La modification des protéines membranaires. La membrane externe de Yersinia enterocolitica a une composition différente, notamment grâce à la présence d’un plasmide codant pour une adhésine A et la lipoprotéine A.

→ La production d’enzymes protéolytiques. Yersinia et Streptococcus libèrent des protéases contre les cécropines. De nombreuses espèces de salmonelles stoppent ainsi les attaques des magainines.

→  Les mécanismes de résistance efflux dépendants. Neisseria gonorrhoeae possède un système de potassium antiport associé aux protéines RosA et RosB codées par un gène inductible lors d’exposition aux PAM, ce qui entraîne le pompage de ces derniers hors de la bactérie.

→ La modification des cibles intracellulaires. Ce mécanisme existe contre les PAM à action intracellulaire.

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