Bilan d’extension : méthode et interprétation des cytologies et des biopsies - La Semaine Vétérinaire n° 1579 du 04/04/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1579 du 04/04/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Stéphanie Lafarge*, Jérôme Abadie**

Fonctions :
*laboratoire Vebio à Arcueil (Val-de-Marne).
**Article tiré de plusieurs conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.
***maître de conférences à Oniris.
****Article tiré de plusieurs conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.

En cancérologie, le bilan d’extension comprend des examens d’imagerie médicale et plusieurs actes techniques.

PRÉLÈVEMENT CYTOLOGIQUE

Des nœuds lymphatiques

Les nœuds lymphatiques font l’objet d’un prélèvement dans le cadre du bilan d’extension régional. En cas de tumeur cutanée ou mammaire, l’accès au nœud lymphatique de drainage est facile à palper, surtout lors d’adénopathie. Il est alors possible de réaliser des calques, voire l’exérèse du nœud lymphatique si une intervention chirurgicale est prévue. Lors de tumeur abdominale, le nœud lymphatique n’est pas palpable, mais peut être ponctionné sous échoguidage.

→ Matériel : une aiguille fine (bleue) est indiquée si le nœud lymphatique est superficiel, une aiguille de même diamètre mais plus longue (noire, verte) s’il est profond, avec une seringue de 5 ml.

→ Méthode de ponction : les nœuds lymphatiques superficiels sont palpés et mobilisés. La peau est tondue et nettoyée. L’aiguille est introduite. Des mouvements de va-et-vient sont effectués dans différentes directions. L’aspiration n’est pas conseillée, selon Stéphanie Lafarge, sauf si aucun suc ganglionnaire n’apparaît dans le fût de l’aiguille. Certains nœuds lymphatiques sont plus délicats à ponctionner, comme le préscapulaire qui est entouré d’un tissu graisseux. Il importe de bien le mobiliser. La glande salivaire peut être ponctionnée à la place du nœud lymphatique rétromandibulaire; le prélèvement est alors hémorragique et contient des cellules épithéliales glandulaires.

→  Étalement : l’aiguille est dessertie et l’air aspiré, puis elle est remise en place et il est expulsé. Le matériel se retrouve sur la lame et est étalé à l’aide d’une seconde lame, sans écraser les cellules (les lymphoïdes sont particulièrement fragiles). Deux situations qui empêchent l’interprétation de la lame sont à éviter : la cytoclasie (écrasement de toutes les cellules) et un étalement insuffisant (frottis trop épais).

→ Calque : lors de l’exérèse complète du nœud lymphatique, des calques peuvent être réalisés. Le nœud est incisé au bistouri et la tranche est apposée sur une lame (l’extérieur ne doit pas l’être). Grâce à cette méthode, la morphologie cellulaire est préservée, car il n’y a aucun risque d’écrasement. En outre, l’architecture du nœud lymphatique et de ses différentes couches peut être estimée. Néanmoins, si un examen histologique y est associé, il convient de toujours éloigner le flacon de formol de la lame de calque.

D’organes

Lors de lymphome multicentrique ou de mastocytome, les ponctions de la rate et du foie sont recommandées (bilan d’extension à distance), même si peu de modifications échographiques sont notées. Pour la rate, la sonde échographique est positionnée sur le quadrant antérieur gauche de l’abdomen. Pour le foie, elle est placée sur le quadrant antérieur gauche ou droit. L’aiguille est introduite. Elle génère un cône d’ombre suivi à l’écran. Des mouvements de va-et-vient dans le parenchyme sont effectués, sans aspiration (en raison d’un risque d’hémodilution). Ils sont arrêtés dès l’apparition de sang dans le fût de l’aiguille. L’étalement est réalisé selon la technique décrite précédemment (voir photos 1 et 2).

D’épanchements

Lors d’épanchement pleural, le prélèvement s’effectue dans le tiers inférieur du thorax, entre la sixième et la neuvième côte, à l’aide d’un épijet relié à un robinet à trois voies. Lors d’épanchement abdominal, l’échoguidage n’est pas utile : la ponction est réalisée en périphérie de l’ombilic. Enfin, face à un épanchement péricardique, le thorax est ponctionné à droite, dans la région de l’apex cardiaque.

Le frottis peut être directement observé. Cependant, une cytocentrifugation (cinq minutes à 1 000 à 1 500 tours/min) permet de concentrer les cellules. Le reste du prélèvement est placé dans un tube EDTA et rapidement envoyé au laboratoire.

INTERPRÉTATION CYTOLOGIQUE

Qualité de l’étalement

→ La densité : pour les ponctions de nœud lymphatique, elle est toujours correcte. En revanche, lors d’épanchements, la cytocentrifugation est nécessaire.

→ L’étalement : sur un frottis, les cellules sont à étaler en monocouche, sans recouvrement, et à préserver. Parfois, des noyaux nus sont notés. Fragile, le cytoplasme des cellules tumorales est susceptible d’être détérioré lors de l’étalement. Ces artéfacts sont gênants, car le rapport nucléocytoplasmique constitue un facteur d’interprétation capital en matière de cytologie cancéreuse.

→ La coloration : les colorants périmés cristallisent parfois et des dépôts se retrouvent sur la lame.

→ Le fond de frottis : les hématies sont souvent présentes en raison d’une contamination. Les protéines mettent en évidence une composante inflammatoire. Le mucus (bleu, épais et visqueux) est souvent le signe d’un envahissement tumoral de cellules mucipares (carcinomes). Les granulations peuvent être observées à la suite d’une dégranulation des mastocytes lors de l’étalement. La matrice ostéoïde apparaît orangée à la coloration de May-Grunwald Giemsa, en particulier dans le cadre du bilan d’extension d’un ostéosarcome. Enfin, les corps lymphoglandulaires, qui sont des fragments de cytoplasme détachés lors de l’étalement, orientent vers des cellules lymphoïdes tumorales.

→ Le mono/polymorphisme cellulaire : la nature et les proportions des cellules présentes sont notées. Une population de 50 à 80 % de cellules lymphoïdes identiques est en faveur d’un lymphome.

→ Les processus prolifératifs : les hyperplasies, les métaplasies, les dysplasies et les néoplasies orientent également le diagnostic.

Diagnostic

Sur les étalements, trois catégories de tumeurs se distinguent :

→ les carcinomes sont constitués de cellules épithéliales organisées en amas cellulaires desquamants, avec des limites nettes et polygonales ;

→ les sarcomes sont composés de cellules fusiformes, monomorphes, isolées, non jointives, au noyau allongé ;

→ les tumeurs à cellules rondes présentent des cellules en plage, arrondies, aux limites nettes.

MYÉLOGRAMME

Le myélogramme fait partie du bilan d’extension lors de lymphome multicentrique (stade 5) ou de toute modification hématologique suspecte ou inexpliquée (mastocytome, sarcome, carcinome).

→ Le matériel nécessaire comprend une grosse aiguille (rose) ou un petit trocart préalablement citratés, un tube EDTA (pour les analyses par PCR), une seringue de 5 ml et des lames dégraissées.

→ La ponction peut facilement être réalisée au niveau du manubrium sternal (voir photo 3) chez un chien assis, après la tonte et le nettoyage de la peau. L’étape la plus délicate consiste à franchir la corticale du manubrium grâce à de petits mouvements de rotation de l’aiguille, tout en avançant au sein de celle-ci. Lorsque l’aiguille est fermement insérée dans le manubrium, le suc médullaire est aspiré.

→ Le suc médullaire est ensuite déposé sur les lames. Les grains de moelle sont facilement visualisables. Incliner la lame permet au sang de glisser en zone déclive et d’étaler les grains, qui présentent un intérêt cytologique (voir photos 4 et 5).

→ La coloration destinée à vérifier la qualité d’une lame est mise en œuvre grâce aux réactifs de coloration rapide de type RAL. La lame doit comprendre une grande densité de cellules.

BIOPSIES

Indications

Pratiquer la biopsie d’un organe permet d’identifier la nature d’une masse ou d’une organomégalie, souvent liée à une infiltration. De plus, en présence de métastases, le diagnostic cytologique par cytoponction manque de sensibilité (la ponction peut éviter un îlot métastatique et produire un résultat faussement négatif), selon Jérôme Abadie.

Types de prélèvement

La biopsie parcellaire consiste à retirer une fraction tissulaire. Les indications sont les lésions diffuses, une nature tumorale douteuse ou l’impossibilité de procéder à l’exérèse totale. Le prélèvement peut être effectué lors d’une laparoscopie ou d’une endoscopie. Les limites sont la représentativité de l’échantillon et des informations pronostiques limitées.

La biopsie-exérèse correspond au retrait chirurgical d’une pièce tumorale entière. Les indications sont une exérèse totale aisée à réaliser, des lésions suspectes dont le prélèvement parcellaire est déconseillé (splénectomie, par exemple). Elle présente l’avantage d’être parfois un acte thérapeutique à elle seule, et d’offrir un diagnostic et un pronostic optimaux.

Méthode

L’animal est anesthésié. Les règles de la chirurgie oncologique sont appliquées. Pour les masses externes, une biopsy punch ou un prélèvement à la lame froide peuvent être effectués. Pour les ganglions, l’exérèse complète est privilégiée et est bien tolérée (elle engendre peu de lymphœdèmes secondaires). Pour les organes internes, le recours à l’endoscopie, à la laparoscopie ou à une biopsie échoguidée à l’aide d’un tru-cut est possible, de même que le retrait d’une portion d’organe (lobe hépatique, par exemple).

Marquage

Sur les biopsies, différents marqueurs sont utilisés. L’immunohistochimie contribue à améliorer le diagnostic et le pronostic en oncologie. Il existe des marqueurs tumoraux, de différenciation (des antigènes exprimés spécifiquement par des cellules d’une histogenèse donnée), de prolifération (des antigènes produits spécifiquement par des cellules qui prolifèrent, comme le Ki67 dans le cadre du mastocytome). Ces derniers sont surtout utilisés pour caractériser la tumeur primitive. Enfin, il existe d’autres marqueurs d’oncogenèse tels que le marqueur mélanique lors de mélanome buccal.

D’autres marqueurs permettent d’identifier les emboles vasculaires ou métastatiques. Les cytokératines mettent notamment en évidence les cellules épithéliales susceptibles d’être retrouvées dans un nœud lymphatique. Elles signent alors un envahissement métastatique.

Quant à la biologie moléculaire, elle fournit d’autres informations. Ainsi, la mutation du gène c-kit (dans le mastocytome) permet d’affirmer que la tumeur sera sensible au traitement par tyrosine kinase.

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