Projet Systali : les unités alimentaires des ruminants rénovées - La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/RUMINANTS

Auteur(s) : Daniel Sauvant*, Pierre Nozière**, Lorenza Richard***

Fonctions :
*de l’Inra-AgroParisTech.
**Article tiré des conférences présentées lors des journées 3R à Paris, en décembre 2013.
***de l’Inra-VetAgro Sup de Saint-Genès-Champanelle (Puy-de-Dôme).
****Article tiré des conférences présentées lors des journées 3R à Paris, en décembre 2013.

Une nouvelle conception des tables d’alimentation de l’Institut national de la recherche agronomi­que (Inra) est née avec le projet Systali de rénovation des unités alimentaires pour les ruminants. Fondée sur l’utilisation d’un modèle mécaniste à compartiments du tube digestif, elle a été présentée par Daniel Sauvant (Inra-AgroParis Tech) lors des journées 3R, en décembre dernier (voir encadré ci-contre). « Les systèmes d’unités alimentaires doivent désormais permettre non seulement de satisfaire les besoins des animaux, mais aussi de prévoir les principales réponses aux variations plausibles des caractéristiques des régimes et aux pratiques alimentaires », a expliqué le chercheur.

ATTRIBUTION DE VALEURS DÉSORMAIS UNIQUEMENT INDICATIVES

Le système d’unités d’alimentation énergétique (UF) et protéique (PDI) pour les ruminants est réactualisé pour, à terme, s’exprimer en flux de nutriments absorbés. Le tran­sit était jusqu’à présent considéré comme fixe et trop rapide. Dorénavant, ce système mé­caniste correspond mieux à la biologie des animaux, car il permet une meilleure intégration des phénomènes de transit des fourrages, des concentrés et de la phase liquide, ainsi que des interactions digesti­ves, notamment. En effet, le transit détermine la partition des substrats entre la digestion microbienne dans le rumen et leur passage dans la suite du tube digestif. Pour cette raison, les aliments ne présentent pas une valeur nutritive fixe : celle-ci varie en particulier selon les valeurs du niveau d’ingestion de matière sèche (NI en pourcentage de poids vif) et la proportion de concentrés (PCO, comprise entre 0 et 1) de la ration, qui influent sur le transit. Les valeurs des tables ne seront ainsi désormais qu’indicatives, et un NI de référence est attribué à chaque aliment.

INTÉGRATION DU TRANSIT ET DES INTERACTIONS DIGESTIVES

De plus, les phénomènes d’interactions digestives (voir figure) conduisent généralement à une surestimation de la valeur énergétique des rations lors­que la proportion de concentrés augmente et que le niveau d’ingestion est élevé, en raison notamment d’un pH inférieur à 6 (qui inhibe l’action des micro-organismes cellulolytiques) et d’un transit plus rapide. Les interactions digestives ont été modélisées sur le critère pivot qu’est la digestibilité de la matière organique (dMO). La balance protéique du rumen (BalProRu) intervient dans ces phénomènes. Elle correspond à la différence entre les matières azotées (MA) ingérées et les flux de MA endogènes, alimentaires et microbiennes qui entrent dans les intestins, donc à l’équilibre entre l’énergie et l’azote fermentescibles dans le rumen. Ce critère BalProRu (comparable aux rumen protein balances utilisées dans les systèmes étrangers, et qui remplace le Rmic) est intégré dans les calculs de ration et s’exprime en g/kg de matière sèche (MS). Il est en effet lié à l’écart de dMO entre les valeurs calculées avec les tables et celles mesurées in vivo.

REDÉFINITION DE LA MATIÈRE ORGANIQUE FERMENTÉE

Une valeur désormais bien plus précise de la matière organique fermentée dans le rumen (MOF en kg/kg de MS) est obtenue en soustrayant à la matière organique digestible, corrigée par les interactions digestives, les protéines d’origine alimentaire, l’amidon, les parois végétales, les acides gras digérés dans les intestins et les produits de fermentation des ensilages. La MOF constitue notamment le critère majeur pour prédire la production des matières azotées microbien­nes (MAmic) : l’efficacité de la crois­sance microbienne diminue pour les régimes riches en MOF, et inversement. En revanche, la production de protéines microbiennes n’est plus directement proportionnelle à la MOF, la PCO et la BalProRu interviennent également dans le calcul des MAmic. Dans les tables alimentaires de valeurs des aliments, les équations de relations considèrent ainsi que la BalProRu et la PCO sont égales à zéro.

Le principe du calcul des PDI reste similaire. Toutefois, pour les principaux aliments, les tables des digestibilités réelles des protéines alimentaires non digérées dans le rumen et qui entrent dans les intestins (PIA) seront actualisées ou calculées en évaluant le flux de protéines alimentaires non digestibles dans l’intestin grêle. De plus, la fraction de matière organique digestible qui disparaît par fermentation dans la partie distale du tube digestif est estimée à 10 % en moyenne. Cette estimation permettra de prédire les acides gras volatils et les gaz produits dans cet organe.

PRÉCISION DES PERTES D’ÉNERGIE SOUS FORME DE MÉTHANE ET D’URINE

Enfin, la prévision en énergie brute (EB) des aliments n’est pas changée. En revanche, les lois de passage de celle-ci à l’énergie métabolisable (EM) sont actualisées. Les corrections tiennent comptent du NI et de la PCO, impliqués dans les calculs d’interactions digestives sur la dMO, ainsi que des matières azotées totales qui sont liées à la BalProRu. La prédiction de la digestibilité de l’énergie est établie à partir de la dMO. Les pertes d’énergie sous forme de méthane sont quantifiées selon le NI et la PCO, et celles sous forme d’azote urinaire sont également dépendantes de ces deux variables et de la teneur en MA totales. Avec ces nouveaux calculs, l’EM est obtenue en soustrayant à l’énergie digestible (ED) une quantité d’énergie un peu plus faible, dès que ED-EM dépasse 400 kcal/kg de MS. C’est le cas pour la plupart des aliments, surtout pour ceux qui affichent une bonne valeur énergétique. Les valeurs UF des aliments sont ainsi globalement un peu plus élevées dans les tables Systali que dans celles de 20071.

Ainsi, le projet Systali permet de prédire les variations des taux de transit des particules et des liquides. Les équations de prévision de la dégradabilité dans le rumen des protéines et de l’amidon sont ainsi adaptées à chaque contexte. Plusieurs calculs permettent également de tenir compte du NI, de la PCO et de la BalPro­Ru dans les interactions digestives. Sur la base de ces nouvelles lois, les besoins et les réponses des animaux sont reconsidérées selon la ration et le potentiel de chacun d’eux : le besoin d’entretien azoté, par exemple, était auparavant indexé sur le poids sans tenir compte de l’érosion des protéines endogènes dans le tube digestif induites par les ingestions élevées des animaux en production. « Cela sera un peu plus compliqué, admet Daniel Sauvant. Toutefois, ce système reste plus simple que ceux proposés au nord de l’Europe. »

  • 1 Inra, Alimentation des bovins, ovins et caprins. Ed. Quae. 2007.

Pour en savoir plus

→ Sauvant D, Nozière P. Rénovation des unités alimentaires des ruminants : les principales relations utilisées pour le calcul des apports alimentaires. Renc. Rech. Rumin. 2013;20 : 33-40.

→ Sauvant D., Nozière P. La quantification des principaux phénomènes digestifs chez les ruminants : les relations utilisées pour rénover les systèmes d’unités d’alimentation énergétique et protéique. Inra Prod. Anim. 2013;26 (4) : 327-346.

→ Nozière P., Giger-Reverdin S., Chapoutot P. et coll. Quantification des interactions digestives chez les petits ruminants, résultats préliminaires. Renc. Rech. Rumin. 2013; 20 : 41-44.

CONCEPTION DU PROJET SYSTALI

La dernière mise à jour des tables d’alimentation Inra date de 2007. Pierre Nozière, Daniel Sauvant, Jean-Louis Peyraud et une équipe de chercheurs de l’Inra ont rassemblé un maximum de résultats issus de la littérature scientifique afin d’établir des bases de données, traitées par méta analyse, concernant les réponses digestives aux régimes. Une centaine d’équations ont été générées puis intégrées (des systèmes UF et PDI rénovés, de mastication, de flux de nutriments et de gaz, de pH, etc.) dans un logiciel (Systool) afin de valider leur cohérence. Un simulateur (Sirar) a été créé pour évaluer les rations. « Le progrès scientifique est continu et il est nécessaire de synthétiser les recherches menées jusqu’à présent sur le sujet, afin de gagner en précision (apports, besoins, etc.) et de prévoir les différentes réponses multicritères aux pratiques alimentaires (efficacité alimentaire, rejets, bien-être, etc.) », estime Daniel Sauvant.

QU’EN EST-IL DES PETITS RUMINANTS ?

Pierre Nozière, chercheur à l’Inra, a précisé que les prédictions réalisées sont satisfaisantes pour les principaux flux digestifs chez les petits ruminants. Toutefois, les ovins et les caprins semblent moins sensibles que les bovins aux interactions digestives liées à l’apport de concentrés (PCO). La digestibilité de la matière organique (dMO) est ainsi sous-estimée (de l’ordre de 4 à 5 points), ce qui entraîne des répercussions sur le calcul de la matière organique fermentée dans le rumen (MOF) et, dans une moindre mesure, sur celui du flux d’azote microbien au duodénum. Des coefficients correctifs spécifiques aux petits ruminants sont en cours de finalisation.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr