Flexibilité, préparation, communication : trois mots clés - La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014

Santé publique vétérinaire

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Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Le Réseau pour la santé publique vétérinaire organisait une table ronde sur le thème des « zoonoses émergentes et réémergentes : quelles compétences pour piloter l’action publique ? », à l’occasion de son assemblée générale, le 20 mars dernier.

Le Réseau pour la santé publique vétérinaire (RSPV) est né, en 2010, de la volonté de rassembler les différents acteurs de la santé publique vétérinaire et de mieux faire connaître cette discipline. Le grand public la cerne mal et elle demeure sous-estimée par les non-vétérinaires. Si le RSPV concerne en tout premier lieu les inspecteurs de la santé publique vétérinaire, les vétérinaires sanitaires et les qualiticiens d’entreprise de l’agro-alimentaire y sont les bienvenus, ainsi que les étudiants intéressés par le sujet.

Outre des actions de communication et des partenariats (ASA, CIV), des services sont proposés aux membres : par exemple, le réseau se propose de rassembler les offres d’emploi et de stages proposées en rapport avec la santé publique.

Un vaste sujet

À l’occasion de sa troisième assemblée générale, le 20 mars dernier, une table ronde était organisée pour discuter du thème des zoonoses émergentes et réémergentes. D’après la définition fournie par l’Académie vétérinaire de France en 1997, la santé publique vétérinaire est l’ensemble des actions qui ont un rapport direct ou indirect avec les animaux et leurs produits dérivés ou avec leurs maladies, dès lors que ces actions ont pour effet ou pour objet de conserver, protéger ou améliorer la santé humaine. Vaste sujet, même en le limitant aux zoonoses émergentes ou réémergentes ! Car sous le terme générique de zoonose se cachent de multiples affections, certaines réglementées ou à déclaration obligatoire, anciennes et presque éradiquées (tuberculose bovine, brucellose), localisées dans le temps et l’espace (fièvre West Nile), et d’autres liées aux changements dans les comportements humains (maladies transmises par les oiseaux ou les nouveaux animaux de compagnie), etc.

Deux poids, deux mesures

Du côté vétérinaire, les répercussions d’une zoonose sont importantes. La résurgence de la tuberculose en Côte-d’Or, par exemple, représente « un budget de 14 millions, sans compter les frais de personnel », a souligné Jean-Roch Gaillet (Draaf de Bourgogne). De plus, la présence d’un animal contaminé entraîne encore souvent l’abattage du troupeau. Certains élevages font face à des recontaminations après un premier abattage complet du cheptel (voire un deuxième, ou davantage), ce qui pose la question de la contamination environnementale (non avérée) en plus de celle de la faune sauvage.

En outre, la France n’est pas seule, les réglementations européennes et internationales imposent des contraintes pour garantir un certain niveau sanitaire.

En médecine humaine, en revanche, le constat est différent. Quelques dizaines de cas humains de brucellose sont enregistrés chaque année dans l’Hexagone. Sur les 32 malades déclarés en 2012, 27 ont contracté la maladie hors de France (Algérie, Turquie, Portugal, Tunisie, Mali, Maroc, Argentine, Chine, Djibouti, Espagne, Éthiopie, Grèce, Kosovo, Malaisie, etc.). Sur les cinq cas autochtones, trois concernent des infections anciennes chez des patients de plus de 60 ans, et seulement deux infections sont récentes, l’une d’un technicien de laboratoire contaminé en manipulant les échantillons issus d’un malade infecté à l’étranger, l’autre liée au foyer de brucellose savoyard du massif du Bargy2.

Même constat pour la tuberculose, avec un peu moins de 5 000 malades par an pour lesquels Mycobacterium bovis ne représente, selon les années, que 0,5 à 3 % des souches responsables identifiées. En matière de tuberculose humaine, la problématique de la multirésistance est présente en France et concerne annuellement une centaine de cas, parmi lesquels environ un sixième des patients (essentiellement venus de Géorgie) ont contracté une tuberculose ultrarésistante. Le traitement de cette maladie dure six mois, neuf dans les cas de rechute d’une infection ancienne, et de 18 mois à deux ans pour une souche multirésistante, avec en amont deux à trois mois de travail d’analyse avant de décider d’un traitement.

La faune sauvage impliquée

Plusieurs affections impliquant la faune sauvage se sont succédé ces dernières années : la réapparition du virus West Nile en 2000 (avec les oiseaux sauvages comme réservoir), la découverte des premiers animaux sauvages atteints de tuberculose (dans la forêt de Brotonne en 2006) et la progression de la maladie observée depuis, l’influenza aviaire (un seul foyer en 2006 dans les Dombes) et la brucellose dans le massif du Bargy. Tout cela contribue à développer les programmes de surveillance, mais Jean Hars (ONCFS) a rappelé les difficultés liées à la gestion sanitaire de la faune sauvage : « C’est un nouveau domaine encore complexe, qui soulève plusieurs problèmes : les populations sont mal connues (effectifs, déplacements) et les outils réglementaires encore insuffisants. »

En outre, la dimension économique et sociale est à prendre en compte. Les acteurs impliqués dans la gestion de la faune sauvage ne sont pas tous des professionnels. Les chasseurs, notamment, ont une activité de loisirs pour laquelle le maintien d’une population de gibier peut aller à l’encontre des aspirations des éleveurs ou des décisions réglementaires, bien qu’ils participent à la surveillance sanitaire (piégeage, adaptation des plans de chasse) souvent de manière bénévole. L’aspect social, voire sociétal, constitue également un écueil à surmonter.

Danger sanitaire, et pour l’image du vétérinaire

Un malade de la brucellose en Haute-Savoie, quelques bovins contaminés, mais c’est surtout l’abattage massif des bouquetins du massif du Bargy qui retient l’attention médiatique. Voilà qui n’est pas bon pour la réputation des services vétérinaires, même si, parmi les animaux visés, 72 % des femelles âgées de plus de cinq ans sont séropositives pour la brucellose. Pire : dans ce cas précis, l’homme a servi de sentinelle pour les foyers animaux, ce qui fait courir le risque de quelques critiques aux praticiens. Après tout, repérer la brucellose fait partie du rôle des vétérinaires. Afin d’éviter de cristalliser l’opinion sur des actions difficiles à faire accepter, et de mieux informer le grand public, l’idée de communiquer sur des aspects plus positifs de la santé publique vétérinaire a été émise, par exemple sur la prévention et les aspects techniques.

La préparation n’est rien sans flexibilité

Alain Dehove, dans le cadre de son mandat auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), a dénoncé un problème de carence dans la préparation des programmes de lutte, notamment, pour lesquels l’OIE apporte son expertise afin d’aider les services vétérinaires de certains pays à exprimer leurs besoins et à justifier leurs budgets.

Un manque de préparation également souligné par Barbara Dufour (ENVA), qui a insisté sur la flexibilité nécessaire à l’efficacité d’une gestion de crise, d’autant que « les émergences de nouvelles maladies, ou la réémergence d’anciennes, vont continuer et se diversifier ». La préparation est nécessaire et permet à tous les acteurs de bien se connaître, mais aussi de cerner les rôles et les actions de chacun. C’est cette connaissance qui assure l’efficacité en situation de crise, même s’il est important de garder une certaine flexibilité, c’est-à-dire la possibilité d’adapter les plans de gestion à la situation rencontrée sur le terrain. Il est en outre capital de maintenir les compétences, dans les rangs vétérinaires et dans ceux des laboratoires d’analyses, une difficulté qui existe aussi en médecine humaine. Cela pose la question des moyens, humains et financiers, un sujet toujours délicat, en période électorale ou non.

  • 1 Rspv.net

  • 2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1553 du 27/9/2013.

Les intervenants de la table ronde, avec de gauche à droite :

Jean-Roch Gaillet, inspecteur de la santé publique vétérinaire, directeur régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt en Bourgogne.

Jean Hars, inspecteur de la santé publique vétérinaire, unité sanitaire de la faune sauvage à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Laurent Raskine, praticien hospitalier, bactériologie-virologie-hygiène, CNR des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux aux hôpitaux universitaires Saint-Louis-Lariboisière à Paris.

Alain Dehove, inspecteur de la santé publique vétérinaire, coordonnateur du Fonds mondial pour la santé et le bien-être des animaux à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

Barbara Dufour, docteur d’université en épidémiologie, habilitée à diriger des recherches (HDR), enseignant-chercheur en maladies contagieuses et épidémiologie à l’école vétérinaire d’Alfort.

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