Diagnostic et traitement des occlusions par corps étrangerse - La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1578 du 28/03/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Franck Durieux*, Gilles Dupré**, Valérie Freiche***, Hélène Vandenberghe****

Fonctions :
*praticien à Bordeaux
**Article tiré des conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013, à Nantes.
***chef du service de chirurgie de l’école vétérinaire de Vienne
****Article tiré des conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013, à Nantes.
*****praticien hospitalier au Chuva d’Alfort.
******Article tiré des conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013, à Nantes.

L’ingestion de corps étrangers digestifs est fréquente chez les animaux de compagnie. La localisation gastrique est moins courante que les localisations œsophagienne ou intestinale. Les chiens sont surreprésentés par rapport aux chats.

Si l’absorption d’un corps étranger peut n’avoir aucune répercussion sur l’état général de l’animal, les conséquences peuvent être fatales lors d’occlusion ou de perforation. Des examens d’imagerie ciblés confirment rapidement une suspicion clinique. L’exérèse est souvent chirurgicale, bien qu’elle puisse être effectuée par endoscopie avec un fort taux de réussite lors de corps étranger gastrique.

IMAGERIE MÉDICALE

Radiographie

Le fait d’utiliser un écran rapide permet de travailler avec des kilovoltages modérés et d’exacerber les différences entre la graisse et les tissus mous. Au minimum, deux vues orthogonales, dont un profil droit et une vue ventro-dorsale, sont nécessaires. Des clichés complémentaires fournissent de nouvelles images après le déplacement des liquides et des gaz.

L’abdomen du chat comporte peu ou pas de gaz, contrairement à celui du chien qui en contient 30 à 60 %. Le volume de gaz intra-abdominal augmente chez les animaux stressés (aérophagie). Le contraste naturel diminue chez les sujets maigres ou très jeunes. Il convient d’analyser la répartition des anses digestives dans l’abdomen. Chez le chat obèse, les anses intestinales sont déplacées vers la droite.

Les signes occlusifs sont à repérer. Il s’agit premièrement de modifications de la taille des anses intestinales, foca­les ou généralisées, par un contenu aérique ou liquidien d’importance variable. Le corps étranger peut être directement visible. La position et la forme des anses intestinales sont parfois anormales : en épingle, repliées, en paquets (lors de corps étranger linéaire). Lors d’une rupture intestinale, des bulles d’air sont observées à différents endroits de la cavité abdominale. Un iléus mécanique ou fonctionnel peut être mis en évidence par la radiographie séquentielle.

Produit de contraste

L’utilisation d’un produit de contraste est justifiée pour rechercher une obstruction intestinale haute, en l’absen­ce de matériel d’échographie. En effet, l’interprétation de cet examen est difficile et des complications sont possibles lors de rupture pariétale (barytopéritoine). Il convient d’administrer une dose de 5 à 10 ml de sulfate de baryum par kilo de poids corporel, ou un produit de contraste iodé hydrosoluble adapté tel que l’ioxitalamate.

Échographie

Plusieurs signes observables via l’échographie abdominale permettent de localiser un corps étranger intestinal : une accumulation liquidienne, une ligne hyperéchogène sur la surface de l’objet, un cône d’ombre acoustique sous-jacent. Cet examen sert aussi à rechercher des lésions secondaires : un iléus, une péritonite, etc. Lors de corps étranger linéaire, un repli caractéristique de l’intestin autour du corps étranger est observé, avec la formation d’une ligne hyperéchogène.

Tomodensitométrie

Le scanner est un outil sous-estimé dans le diagnostic des affections intestinales. Il permet notamment une désuperposition des coupes axiales, ainsi qu’une bonne appréciation des signes inflammatoires.

CORPS ÉTRANGER INTESTINAL

Son retrait s’effectue chirurgicalement. Les taux de déhiscence intestinale des animaux opérés pour une entérectomie ou une entérotomie diminuent nettement au fil du temps. Ce phénomène s’explique par une meilleure connaissance des facteurs de cicatrisation intestinale.

Cicatrisation intestinale

Lors d’une entérectomie, il est primordial de prendre en compte la structure histologique du tube digestif, sa cicatrisation et les conséquences des différents types de sutures sur le diamètre de l’intestin grêle. La sous-muqueuse, la couche la plus solide de la paroi, riche en fibres d’élastine et de collagène, est à intégrer à la suture.

La cicatrisation de l’intestin grêle comprend trois étapes :

→ la phase de détersion, inflammatoire, dure un à quatre jours ; les sutures assurent alors le support mécanique nécessaire à la cicatrisation ;

→ la phase de prolifération s’étend du 3e au 14e jour ; les fibroblastes produisent le collagène qui confère sa solidité à la plaie ;

→ la phase de maturation, durant laquelle la trame collagénique se réorganise, s’étend jusqu’au 180e jour.

Les sutures garantissent la solidité de la plaie durant la phase de détersion et ne doivent pas gêner la production de collagène pendant celle de prolifération.

Technique de suture

Le type de suture a également une influence : les anciennes techniques d’éversion ou d’inversion induisent une sténose du tube digestif. L’apposition, avec une fermeture par un surjet simple perforant ou des points simples perforants, en commençant par le bord mésentérique, est aujourd’hui la technique de choix. L’affrontement direct permet de réduire l’éversion muqueuse, d’obtenir une meilleure revascularisation avec l’apposition exacte des plexus artério-veineux, une épithélialisation dès le troisième jour et la formation précoce de collagène (limitation de la phase inflammatoire). Ces techniques entraînent donc une sténose moindre et une cicatrisation plus rapide. Les fils monofilaments résorbables ou tressés-enduits de calibre 3 à 4-0, à aiguilles rondes, sont à privilégier.

Étanchéité

À la fin de l’acte chirurgical, il n’est en général pas nécessaire de vérifier l’étanchéité des sutures en injectant du sérum physiologique en amont de la zone d’incision. Cela peut conduire à serrer excessivement les points et favoriser ainsi les déhiscences secondaires. En revanche, l’évaluation de la viabilité intestinale (en particulier par le péristaltisme) limite les risques de déhiscence. Une résection large est toujours à favoriser : il est possible de retirer 75 % de la longueur du tube digestif avant l’apparition d’un syndrome du grêle court.

Épiploïsation

Une omentalisation peut être réalisée pour favoriser la protection, le drainage et la nutrition du site chirurgical. Ce dernier doit être simplement emballé dans l’épiploon, une suture n’est pas nécessaire. L’adossement séreux est une option utilisée lors de traumatismes multiples du tube digestif (notamment en cas de corps étranger linéaire), de lésions duodénales (non ré­sécables à cause du pancréas) ou de reprises de déhiscences. Il convient alors d’amener le bord antimésentérique d’une anse jéjunale saine sur le site à protéger et de suturer paroi à paroi.

Rinçage abdominal

En cas de péritonite, l’exploration de la cavité abdominale est indispensable (inspection des espaces rétropéritonéaux, zo­nes éventuelles d’adhérence de l’épiploon, etc.). En l’absence de trouvaille, il ne faut pas hésiter à effectuer des prélèvements avant un lavage abdominal et la fermeture. La question du drainage se pose lors d’abcès pancréatique ou hépatique.

Réalimentation

L’anticipation de l’alimentation postopératoire, qui doit reprendre rapidement, est primordiale. L’alimentation entérale est préférable et garantie par la pose précoce d’une sonde d’œsophagostomie, à la fin de l’intervention chirurgicale.

CORPS ÉTRANGER GASTRIQUE

Ils sont beaucoup moins fréquents que les corps étrangers œsophagiens et intestinaux, et moins courants chez le chat que chez le chien.

Symptômes

Plusieurs éléments permettent de suspecter un corps étranger gastrique. Les propriétaires ont parfois assisté à son ingestion. Des vomissements, dont les caractéristiques manquent de spécificité, sont le signe clinique le plus fréquent. Un ptyalisme peut aussi être observé (lors de nausées), ainsi qu’une anorexie ou une dysorexie, une douleur abdominale ou un pica déclenché par une douleur consécutive à une lésion de la muqueuse digestive.

Les corps étrangers ronds sont identifiés dans l’estomac, exceptionnellement bloqués dans l’œsophage. Paradoxalement, leur extraction endoscopi­que est parfois impossible en raison de leur diamètre excessif. À l’inverse, lorsqu’un animal ingère un corps étranger osseux, y compris de petite taille, sa forme irrégulière et ses spicules empêchent son transit de l’œsophage jusqu’à l’estomac.

Diagnostic

Il convient, dans un premier temps, de vérifier que le corps étranger se trouve bien dans l’estomac (les clichés radiographiques sont à multiplier, le diagnostic différentiel inclut les lithiases biliaires). Il importe d’en déterminer la nature, de s’assurer que le corps étranger gastrique est isolé et que l’intestin n’en contient pas d’autres.

Utilisée en première intention, la radiographie permet de le localiser, d’en discerner la forme et d’exclure la présence d’un iléus distal.

L’échographie constitue l’examen complémentaire de choix si la première méthode n’a pas décelé la présence du corps étranger. Elle permet d’évaluer d’éventuelles complications secondaires au corps étranger gastrique (ulcération, gaz libre abdominal, corps étranger linéaire, etc.).

Retrait sous endoscopie

Après avoir confirmé que le corps étranger est bien responsable des signes cliniques, il convient de s’assurer que sa nature ne lui permet pas de transiter ou d’être expulsé sous l’effet d’agents émétisants. La nature du corps étranger a aussi un impact sur la procédure. En effet, les objets en matière plastique ou synthétique deviennent tranchants au contact du suc gastrique acide. De même, un os ne doit pas être systématiquement retiré, et sa progression peut être évaluée par radiographie.

Les corps étrangers gastriques constituent une bonne indication d’une endoscopie interventionnelle. Cette procédure simple limite les traumatismes tissulaires, permet une récupération fonctionnelle rapi­de et un allégement des soins postopératoires par rapport à une intervention chirurgicale conventionnelle. Son taux de réussite est supérieur à 93 %. Elle est toujours à envisager en première intention.

Le taux de réussite est corrélé à la nature, à la forme du corps étranger (les hameçons sont complexes à extraire : il importe de ne pas exercer de traction sans une évaluation du degré d’enclavement local), à l’expérience du praticien et au matériel utilisé.

Une erreur d’évaluation préalable est susceptible de con­duire à un échec d’extraction : corps étranger linéaire engagé dans le duodénum (chaussette, fil chez un chat), taille supérieure à celle suspectée, modification de consistance (balle de tennis) qui rend l’extraction irréalisable, forme impossible à enserrer dans une pince (caillou lisse, sans aspérités, bille, etc.).

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