Suivi de l’animal cardiaque avant et après la décompensation - La Semaine Vétérinaire n° 1577 du 21/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1577 du 21/03/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : PIERRE MENAUT*, ISABELLE BUBLOT**, Hélène Vandenberghe***

Fonctions :
*diplomate Ecvim, praticien à Aquivet (Eysines)
**maître de conférences à VetAgro Sup (Lyon). Article tiré d’une conférence présentée lors du congrès de l’Afvac 2013.

Une maladie cardiaque est, dans la plupart des cas, chronique et progressive. Souvent, mais pas systématiquement, elle aboutit à une décompensation qui se manifeste par une insuffisance cardiaque congestive. Une classification des stades de la maladie valvulaire dégénérative mitrale (MVD) a récemment été établie par l’American College of Veterinary Internal Medicine et est adaptable aux autres affections cardiaques1. Les lettres A (animal à risque, mais sans anomalie cardiaque décelée à l’examen clinique ou lors des explorations complémentaires) et B (B1 : maladie cardiaque sans remodelage ; B2 : maladie cardiaque avec un remodelage atrial et/ou ventriculaire) désignent les stades non décompensés. Les lettres C (insuffisance cardiaque congestive présente ou résolue par un traitement) et D (insuffisance cardiaque réfractaire au traitement) correspondent aux stades décompensés.

SUIVI AVANT LA DÉCOMPENSATION

Le suivi de l’animal cardiaque avant la décompensation revêt de multiples intérêts. Au stade B, il permet de déterminer le moment opportun pour un traitement médicamenteux. En effet, 30 à 40 % des sujets qui souffrent d’une maladie valvulaire dégénérative développent une insuffisance cardiaque. Au stade A, le suivi permet le dépistage des maladies acquises (cardiomyopathies hypertrophique et dilatée, etc.), dont le support est souvent génétique et qui ont des conséquences en termes de reproduction.

Un bon suivi de la maladie cardiaque suppose un diagnostic juste. L’échocardiographie est la clé de la caractérisation de l’ensemble des anomalies morphologiques et fonctionnelles du cœur, à l’exception de certaines cardiopathies. Ces dernières sont également définies par des troubles du rythme. C’est le cas de la cardiomyopathie dilatée du dobermann ou celle arythmogène du boxer, qui nécessitent l’utilisation d’un enregistrement Holter.

Clinique

Le suivi clinique est primordial. Il est notamment réalisé lors de la consultation vaccinale, qui comporte impérativement une auscultation attentive : fréquences respiratoire et cardiaque, présence d’une arythmie sinusale respiratoire, suivi de l’intensité du souffle corrélée à la progression de la maladie lors de MVD, présence de dyspnée ou de toux. Lors de souffle systolique apexien gauche de bas grade chez un chien de petite race d’âge moyen à avancé, une MVD est obligatoirement suspectée. Il est alors recommandé d’effectuer une radiographie du thorax, une mesure de la pression artérielle et un bilan sanguin de base (hématocrite, protéines totales, créatinine). Lors de souffle systolique apexien gauche de haut grade, une échocardiographie est préconisée avant la radiographie. Les cardiomyopathies dilatées sont fréquentes chez les animaux de races de grande taille. Chez ces sujets, la présence d’un souffle, y compris de bas grade, motive la réalisation d’une échocardiographie. Du côté du propriétaire, le suivi clinique consiste avant tout à surveiller l’apparition de signes de décompensation (toux, syncopes). Une récente étude relative aux éléments prédictifs d’une insuffisance cardiaque congestive chez le chien démontre que la hausse de la fréquence respiratoire lors du sommeil constitue un paramètre fiable. Une valeur supérieure à 41 à 44 mouvements par minute justifie la mise en œuvre de tests destinés à confirmer une insuffisance cardiaque congestive.

Échocardiographique

En complément du suivi clinique, l’échocardiographie demeure le meilleur moyen de surveillance. Cet examen permet de différencier une maladie cardiaque de stade B1 d’une atteinte de stade B2, de suivre la progression de l’affection et ses facteurs aggravants. Lors de MVD, plusieurs critères sont à analyser : la taille de l’atrium gauche (passage au stade B2 lorsque le rapport entre l’oreillette gauche et l’aorte est supérieur à 1,6 en protodiastole), la taille du ventricule gauche en diastole (passage au stade B2 à partir d’un diamètre ventriculaire gauche diastolique normalisé par rapport au poids supérieur à 1,7). Lorsque le rapport entre le ventricule gauche en diastole et l’aorte dépasse 3, le risque de développer une insuffisance cardiaque avant la prochaine visite chez le vétérinaire est considérablement augmenté. Il est possible d’évaluer la régurgitation mitrale, le développement d’une hypertension artérielle et les ruptures de cordage. Lors de cardiomyopathie dilatée, l’échocardiographie permet de mesurer la fonction systolique et les dimensions cardiaques. Enfin, lors de cardiomyopathie hypertrophique féline, elle sert à surveiller la fonction diastolique et la taille de l’atrium gauche (facteur pronostique).

Radiographique

Lors de MVD, la radiographie représente une solution alternative au suivi échocardiographique. Moins onéreuse et moins technique, elle est également moins précise. Elle permet de contrôler la taille du cœur (vertebral heart score ou VHS, avec une normalisation par rapport à la vertèbre T4, voir encadré). Lorsque le VHS est inférieur à 10,5, les suivis clinique et radiographique suffisent. Dans le cas contraire, une échocardiographie est préconisée afin de valider la cardiomégalie et préciser la nature, ainsi que le stade, de la maladie cardiaque. Dans l’année qui précède l’apparition d’une insuffisance cardiaque, la vitesse d’augmentation du VHS s’accélère. En revanche, l’examen radiographique se révèle peu utile lors de cardiomyopathie hypertrophique et de cardiomyopathie dilatée asymptomatique.

Biologique

Enfin, le suivi biologique (bilan sanguin basique, biomarqueurs) et celui des facteurs aggravants (hypertension artérielle systémique, insuffisance rénale, hyperthyroïdie, etc.) sont conseillés.

SUIVI APRÈS LA DECOMPENSATION

À court terme

Il est indispensable d’évoquer avec le propriétaire le caractère incurable et progressif de la maladie, d’insister sur l’observance rigoureuse du traitement et sur son importance, d’expliquer la nécessité des suivis (ajustement des doses, éventuel ajout de molécule) et leur fréquence, selon l’apparition de complications. Chez le chat, il convient parfois d’espacer au maximum les contrôles, qui génèrent un stress susceptible d’être à l’origine d’une décompensation chez un sujet instable. Il faut en outre souligner le rôle de l’alimentation et l’importance de la suppression des friandises du commerce, sources majeures de sel. Une à deux semaines après la mise en place du traitement, un contrôle à la clinique permet d’effectuer un suivi biologique (ionogramme, évaluation de la fonction rénale). L’objectif est de vérifier l’absence d’hypokaliémie secondaire à l’administration de furosémide et d’insuffisance rénale consécutive à la prise de ce dernier et d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA). La fréquence respiratoire constitue un excellent critère de suivi clinique. Elle permet de rendre objective la disparition des signes d’insuffisance cardiaque congestive. Lors de doute sur le monitorage de la fréquence respiratoire ou lorsque cette dernière demeure élevée ou encore lors d’auscultation anormale, une radiographie du thorax se révèle utile. Une mesure de la pression artérielle est judicieuse. Les traitements contre l’insuffisance cardiaque sont effectivement susceptibles d’entraîner une hypotension. À l’inverse, une hypertension artérielle systémique peut aggraver la cardiopathie.

Dans le cas particulier de l’apparition de troubles du rythme, un examen Holter est parfois nécessaire. En cas de fibrillation atriale, l’administration de digoxine (3 à 5 µg/kg deux fois par jour) et de diltiazem à libération prolongée (dose moyenne à 3 mg/kg trois fois par jour) permet de contrôler la fréquence cardiaque. En raison du faible indice thérapeutique de la digoxine, la mesure de la digoxinémie est essentielle une semaine après la mise en place du traitement (prise de sang huit à dix heures après l’administration du traitement, pour prévenir une intoxication à la digoxine; les valeurs recherchées sont comprises entre 0,7 et 1 ng/ml).

À long terme

Lorsque l’animal est stabilisé et tolère correctement son traitement, les consultations de suivi à long terme sont programmées tous les deux à six mois, selon le type de cardiopathie et son stade. Un bilan sanguin (ionogramme, fonction rénale) est effectué, afin d’adapter les doses de diurétiques et de vérifier l’absence d’hypokaliémie. Lors d’insuffisance cardiaque congestive réfractaire au furosémide, il est possible d’ajouter un autre diurétique ou d’administrer le furosémide par voie sous-cutanée.

En cas de réapparition des signes cliniques ou d’apparition de nouveaux symptômes, des examens complémentaires supplémentaires sont nécessaires. En outre, une échocardiographie est systématiquement réalisée s’il subsiste un espoir de récupération à long terme (cardiomyopathie dilatée répondant à la taurine, suspicion de myocardite).

  • 1 D’après C. Atkins et coll. « Acvim consensus statement. Guidelines for the diagnosis and treatment of canine chronic valvular heart disease », J. Vet. Intern. Med., 2009. Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1387 du 8/10/2010, pages 28-29.

CALCUL DE L’INDICE DE BUCHANAN OU VERTEBRAL HEART SCORE (VHS)

→ Mesure du grand axe du cœur (L), de l’apex à la base du cœur au niveau de la bifurcation trachéale (intersection du bord ventral de la trachée et de la veine pulmonaire apicale) ;

→ mesure du petit axe du cœur (l), perpendiculaire au grand axe, avec pour limite caudale l’intersection de la veine cave caudale et du bord caudal du cœur ;

→ calcul de l’équivalence de chaque mesure en nombre de vertèbres en les reportant une à une sur l’axe vertébral en partant du bord cranial de T4. Le VHS est égal à la somme des deux longueurs (en vertèbres).

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