Le cri du krill : les enjeux de l’Antarctique

L’Antarctique occidental se réchauffe à un rythme jusqu’à présent insoupçonné (+ 2,4 °C depuis 1958). La dégradation de la calotte de glace, réputée fragile dans cette région, pourrait conduire à une élévation importante du niveau de la mer.

En novembre, la Chine et la Russie ont fait obstacle à la protection des eaux de l’océan Austral. Les membres de la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCFFMA) étaient réunis à Hobart, en Tasmanie, pour étudier deux projets de sanctuaire (d’une surface totale équivalente à celle de l’Inde).

L’océan Antarctique regorge de ressources : des poissons (légines australes), des baleines, des phoques, du krill (considéré par certains comme l’espèce la plus importante en termes de biomasse, entre 125 et 725 millions de tonnes par an). Nourriture principale des baleines, le krill est essentiel à l’écosystème antarctique. Riche en protéines et en vitamines, Euphausia superba, une petite crevette, fait le régal de l’industrie agro-alimentaire (complément nutritionnel pour les élevages de saumons) et cosmétique. La Norvège est donc le premier pays pêcheur de krill au monde, mais les Japonais, les Coréens, les Polonais et les Russes devraient, eux aussi, envoyer de nouveaux bateaux cette année.

En 1991, la CCFFMA avait établi un quota de pêche à 1,5 million de tonnes par an dans la zone 48, un chiffre jamais atteint : les prises actuelles culminent à 230 000 tonnes, mais elles sont concentrées sur de toutes petites zones, ce qui réduit la disponibilité de la ressource pour les baleines, les manchots, les poissons ou les phoques. Le krill survit à l’hiver en broutant les algues accrochées dans la partie inférieure des glaces flottantes. Si la glace fond, l’approvisionnement en krill sera en chute libre, or il est la clé de voûte d’un écosystème fragile. Depuis les années 80, 762 brevets ont été déposés aux États-Unis et en Europe pour des produits à base de krill.

Entre l’exploitation et la préservation, la convention a tranché. La Russie et la Chine ont repoussé à l’automne 2014 toute discussion pour la création d’aires marines protégées. À quand une modification des statuts de l’institution pour que toutes ses décisions soient adoptées par consensus ?