Fantômes d’espèces

Le mot image vient du latin imago qui, dans l’Antiquité romaine, servait à désigner le portrait d’un défunt. C’est sa capacité à (ré) susciter une présence tout en affirmant son absence qui confère à l’image son pouvoir de fascination. Celle-ci est rarement aussi instantanée et poignante que devant la photographie d’un représentant d’une espèce animale éteinte. Nous pouvons en juger avec celles qu’Errol Fuller rassemble dans ce livre : des documents rares, non retouchés, qui vont de 1870 jusqu’en 2004 (année de la disparition du po’ouli masqué), et qui exhument 21 espèces éteintes d’oiseaux (dont la nette à cou rose, la ninoxe rieuse, le pic à bec ivoire, la xénique des buissons, le drépanide mamo) et sept de mammifères (dont le thylacine, le couagga, le dauphin de Chine).

En marge des clichés, l’auteur – qui a mené un patient travail d’enquête pour les retrouver – nous raconte les circonstances singulières dans lesquelles ils ont été pris, toujours à l’initiative personnelle de quelques passionnés. Il retrace également les édifiants récits de ces extinctions. Une des plus spectaculaires est celle du pigeon migrateur dont le dernier spécimen est mort en 1914 (à presque 30 ans) au zoo de Cincinnati. Si, au début du XX^e siècle déjà, peu d’individus subsistaient, à peine un siècle plus tôt l’espèce représentait à elle seule 40 % des oiseaux aux États-Unis.

Animaux disparus, histoire et archives photographiques d’Errol Fuller, éditions Delachaux et Niestlé, 189 x 246 cm, 256 pages, 25 €.