Municipales 2014 : ces vétérinaires qui s’engagent - La Semaine Vétérinaire n° 1576 du 14/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1576 du 14/03/2014

Dossier

Auteur(s) : Serge Trouillet

La tradition populaire a longtemps dépeint le vétérinaire rural, proche du monde paysan, qui s’implique en qualité de notable, sur le tard, dans la gestion de sa commune. L’histoire de l’engagement politique du praticien est édifiante. De l’extrême gauche dans la France du début du xixe siècle à la droite libérale aujourd’hui, cet engagement marque une évolution fondée sur la reconnaissance progressive de sa profession dans la société. Qui sont aujourd’hui les vétérinaires inscrits sur les listes municipales ? À travers une dizaine de témoignages, ils reflètent une catégorie socioprofessionnelle traversée par les questions de notre époque.

Il est vétérinaire, il sera élu », affirmait le général de Gaulle. Son propos, à la veille des élections municipales, est-il encore d’actualité ? Il se vérifiera sans doute pour quelques dizaines de représentants de la profession, qu’ils soient du secteur libéral, privé, public ou à la retraite. Autant de vétérinaires qui s’engageront avec passion dans la gestion de leur commune, à l’instar de leurs prédécesseurs depuis au moins 1870. Dans la mémoire collective, l’image qu’ils renvoient en politique est assez singulière. Elle relève même du cliché, selon Jean-Charles Poux, aujourd’hui praticien mixte à Sancey-le-Grand (Doubs), qui a en a fait, en 2004, le sujet de sa thèse. « Dans la tradition populaire, il s’agit d’un vétérinaire rural, fatigué, devenu conseiller général à la veille d’une retraite bien méritée. Proche du monde paysan, ses idées sont d’abord celles du radicalisme, puis passent à droite après la Seconde Guerre mondiale. La profession atteint alors son apogée en politique, jusqu’en 1980. Elle est alors au sommet de sa notoriété et de sa notabilité. » Quelles sont les origines de ce cliché et qu’en est-il aujourd’hui ?

DANS L’ÉLITE ANTICLÉRICALE ET RATIONALISTE

Pendant la première moitié du xixe siècle, les vétérinaires n’apparaissent guère autrement que comme des maréchaux-ferrants. Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), ils sont catalogués comme “rouges”. Le Second Empire (1852-1870) se méfie donc de la profession. Napoléon iii nommait les maires parmi les notables, dont les vétérinaires ne faisaient pas partie.

À l’aube du xxe siècle, les vétérinaires « globalement républicains » et toujours contestataires reportent leurs espoirs vers le radicalisme. Jean-Charles Poux l’explique par le manque de reconnaissance dont ils souffrent : « Jusqu’à la Première Guerre mondiale, si le monde agricole voit dans le vétérinaire un notable, la bourgeoisie citadine, à l’instar d’un Zola ou d’un Gambetta, n’en fait qu’un grossier personnage, sans éducation, dont le métier, comble de la vulgarité, nécessite des efforts physiques colossaux et s’exerce dans la boue. » Mais les temps changent. Les vétérinaires, comme les médecins, plébiscitent la science et méprisent la religion. Le parti radical, anticlérical notoire, les accueille alors naturellement.

Désormais reconnus, ils opèrent, à partir de la IVe République (1946-1958), un véritable virage à droite.

L’ÂGE D’OR DE L’ÉLU LOCAL

Après 1958, les vétérinaires prônent l’idée d’un État fort et rompent avec l’anticléricalisme pour adhérer aux valeurs d’une France plutôt catholique. ils soutiennent massivement le général de Gaulle et font de la formation gaulliste le premier parti vétérinaire, comme l’avait été, avant la guerre, le clan radical. Les Trente Glorieuses (1945-1973) figurent l’apogée de leur notabilité, laquelle se traduit en politique par un âge d’or de l’élu local. La profession bénéficie alors d’un prestige et d’une autorité sans précédent. Les anti-infectieux et la prophylaxie contre la tuberculose procurent un revenu important, et le niveau scolaire des praticiens inspire aux populations rurales un respect considérable. « À partir de 1975, les vétérinaires, toujours à droite, souvent gaullistes, deviennent de plus en plus libéraux économiquement. Il est intéressant d’analyser l’évolution de l’engagement politique d’une profession selon sa situation sociale. Mal perçue, elle milite à l’extrême gauche et vomit les élites qu’elle jalouse. Enfin reconnue, elle passe au centre. Puis, imposée, elle termine à droite », remarque Jean-Charles Poux. Le nombre croissant de vétérinaires maires traduit cette évolution sociale. Avant la Première Guerre mondiale, la profession compte moins de 20 élus par mandat, ils sont 80 entre les deux guerres, puis 160 vers 1980 avant de baisser ensuite régulièrement (100 en 2000).

DES ÉLUS TOUJOURS EN ZONE RURALE

Néanmoins, la population des vétérinaires élus ne suit pas l’évolution de la profession. D’une part, l’explosion du nombre de praticiens canins ne s’accompagne pas de celle d’édiles de ce secteur. D’autre part, le nombre de retraités élus est en forte hausse. Selon l’auteur de la thèse, cette tendance est liée au non-renouvellement des élus, lui-même imputable au désintérêt grandissant pour la politique, et surtout à l’augmentation de leur charge de travail depuis la décentralisation en 1982 : « Jusqu’à cette date, les fonctions de maire d’une petite commune et de conseiller général s’accordaient finalement assez bien avec un emploi du temps professionnel aménagé. Aujourd’hui, chacun de ces mandats nécessite à lui seul près d’un mi-temps. L’engagement politique oblige donc à un retrait, d’abord partiel puis rapidement complet, de la vie professionnelle. Ce qui n’est pas sans danger. »

Les vétérinaires sont principalement élus dans les deux tiers nord de la France, en zone rurale. Cette population s’est déplacée depuis 1870, d’abord présente dans le Sud-Ouest et le Centre, puis concentrée dans le Charolais et le grand Ouest. Aux yeux de Jean-Charles Poux, cette forte présence dans le Centre et le Sud-Ouest avant 1940 tient à la « faible christianisation d’une population de petits exploitants indépendants, sensibles aux valeurs radicales véhiculées par les hommes de l’art ». Quant à la densification du réseau vétérinaire en Bourgogne et dans le grand Ouest, elle résulte de la densité de l’élevage sur ces territoires.

UNE RECONNAISSANCE POLITIQUE ET MÉDIATIQUE

Actuellement, le vétérinaire est recherché par les pouvoirs publics, attentifs à circonscrire au plus tôt le moindre problème sanitaire. À sa reconnaissance scientifique et populaire s’ajoute aujourd’hui une reconnaissance politique et médiatique. « Que de chemin parcouru depuis la République des Jules (Ferry et Grévy, NDLR) quand, exaspéré par le chahut de la Chambre, Gambetta invectivait ses adversaires : “Sous-vétérinaires !” », relève Jean-Charles Poux. Homme de terrain, le praticien partage, lors de ses visites, le quotidien de chacun. Les atouts de sa formation sont d’abord, aux yeux de la population, une grande proximité, le sens du service et du concret, le relationnel et le côté humain. Ce sont ensuite, face aux dossiers, un raisonnement et une démarche rigoureuse qui repose sur l’observation, l’analyse, la hiérarchisation des problèmes, le diagnostic et le traitement. « Son expérience de l’échec, face aux réalités de la vie, lui confère une grande humilité et une meilleure connaissance de ses propres limites, considère Jean-Charles Poux. Ces vertus constituent les principaux avantages de la formation vétérinaire face aux brillants hommes de dossiers que sont souvent les énarques et les polytechniciens. »

Selon lui, ses confrères ont encore, en politique, de beaux jours devant eux.

DES CSP+ IMPLIQUÉS DANS LA VIE LOCALE

Le ministère de l’intérieur ne recense pas les candidats selon leur profession et n’émet pas de listes.

Même les données recueillies par Jean-Charles Poux, pour sa thèse, ne se voulaient pas exhaustives, à son grand regret. Pour autant, le cliché qui caractérise le vétérinaire élu dans sa commune a vécu. Certes, son profil sociopolitique n’a pas fondamentalement changé en dix ans : il exerce plutôt en zone rurale, son activité est mixte et il se revendique de droite ou du centre droit. Avec ses diplômes, ses revenus confortables et son équipement high-tech, il appartient à la catégorie socioprofessionnelle supérieure. Rurbanisation oblige, il s’implique dans les villes, un peu partout sur le territoire, et les praticiens canins ne sont pas en reste.

Quant aux femmes vétérinaires, encore peu représentées parmi les élus, elles briguent moins timidement les mandats avec, pour certaines, une autre sensibilité politique.

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