Traitement canalaire d’une canine fracturée chez un furet - La Semaine Vétérinaire n° 1575 du 07/03/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1575 du 07/03/2014

Formation

NAC

Auteur(s) : Tatiana Loucachevsky*, Florian Boutoille**, Emmanuel Risi***

Fonctions :
*praticiens au centre hospitalier vétérinaire Atlantia, à Nantes
**praticiens au centre hospitalier vétérinaire Atlantia, à Nantes
***praticiens au centre hospitalier vétérinaire Atlantia, à Nantes

CAS CLINIQUE

Examen clinique

Un furet mâle âgé de trois ans est présenté en consultation pour une dysorexie et le changement de couleur d’un croc. Joueur et vif, l’animal a tendance à mordre les barreaux de sa cage. Il cohabite avec un chat et n’a aucun antécédent médical. Il est nourri avec des croquettes pour furet achetées en animalerie.

L’examen clinique révèle la présence de tartre en quantité abondante dans l’ensemble de la cavité buccale, une légère gingivite, une fracture ainsi qu’une dyschromie de la canine maxillaire droite, sans répercussion sur l’état général. Un détartrage et un traitement canalaire de la canine sont proposés aux propriétaires.

Examen bucco-dentaire

L’animal reçoit de la médétomidine (15 µg/kg) et de la buprénorphine (15 µg/kg) par voie intramusculaire en prémédication. Dix minutes plus tard, l’anesthésie est induite au masque avec un mélange d’oxygène (100 % à 1 l/min) et d’isoflurane (5 %). Elle est main­tenue avec de l’isoflurane à 1,5 %, ce qui permet la pose d’un cathéter 26 G dans la veine céphalique droite. Le furet est ensuite intubé avec une sonde endotrachéale de 2,5 mm de diamètre. Il est placé en décubitus latéral droit. Un pas-d’âne est placé afin de maintenir la bouche ouverte. L’ensemble de la denture est détartré avec un appareil ultra­sonique piézoélectrique. L’examen réalisé sous anesthésie permet l’observation précise de la dent fracturée. Un point noir au centre de la surface fracturée semble révéler une ouverture de la cavité pulpaire, confirmée grâce à la pointe d’une sonde dentaire exploratrice.

Le détartrage terminé, plusieurs clichés radiographiques dentaires sont pris à l’aide d’un capteur numérique intra-oral placé dans la cavité buccale et d’un appareil de radiographie dentaire. La radiographie du croc maxillaire droit confirme une fracture coronaire assortie d’une exposition pulpaire. Elle permet également d’exclure toute fracture radiculaire et une atteinte de l’os alvéolaire. Un traitement conservateur est donc à mettre en œuvre.

Traitement canalaire

Ce traitement consiste à éliminer tout le contenu de la cavité pulpaire et à préparer stérilement ses parois, avant de la fermer de manière étanche avec un matériel d’obturation inerte biologiquement. La partie coronaire du canal est préparée. Elle est délicatement et progressivement élargie à l’aide de forets spécifiques (Gates Glidden®). Ainsi, le parage de l’ensemble du canal (sur la totalité de la longueur et de la largeur) est optimal. La partie apicale de ce dernier est mise en forme avec des limes endodontiques de diamètres croissants. Le diamètre de la partie apicale du canal est ainsi connu (0,4 mm dans le cas présent). Entre chaque lime, le canal est abondamment irrigué avec une solution d’hypochlorite de sodium à 2,5 %, qui permet un débridement chimique en évacuant les débris de tissu pulpaire et de dentine générés par l’instrumentation. Des contrôles radiographiques dentaires sont régulièrement réalisés afin de contrôler que les limes endodontiques instrumentent le canal sur la bonne longueur (jusqu’à l’apex du canal, sans perforer ce dernier). Après un dernier rinçage, le canal est séché avec des pointes de papier absorbant stérile. L’obturation correspond à l’enduction du canal avec un ciment d’eugénate (Sealite®) et la mise en place de pointes de gutta-percha (une gomme de latex utilisée en dentisterie) calibrées. Ces dernières s’adaptent parfaitement à la partie apicale du canal préalablement mise en forme. Elles peuvent être condensées (avec des inserts ultrasoniques spécifiques, dans le cas présent) afin d’obtenir une obturation compacte et hermétique qui évite une nouvelle colonisation bactérienne. Enfin, la chambre pulpaire est nettoyée de tout matériel d’obturation avant de recevoir la restauration. Elle est préparée par mordançage avec un gel d’acide phosphorique, avant l’application d’un adhésif amélo-dentinaire (Optibond Solo®) puis d’une résine composite fluide photopolymérisable (Tetric Evoflow®). Un contrôle radiographique permet de s’assurer que le traitement est satisfaisant.

Le furet est réveillé : une injection par voie intramusculaire d’atipamézole à demi-dose est réalisée. Elle est suivie d’une administration de méloxicam (0,2 mg/kg par voie sous-cutanée). Quelques heures après l’intervention, la reprise de l’appétit est constatée. L’animal est hospitalisé pour la nuit, puis rendu sans traitement à ses propriétaires le lendemain matin.

DISCUSSION

Les furets européens et nord-américains souffrent davantage de maladies dentaires que leurs congénères sauvages de Nouvelle-Zélande. Ce phénomène résulte de traumatismes dentaires dus à un comportement masticatoire et à une alimentation inadaptés.

Le mâchonnement inopportun d’objets est susceptible d’endommager les dents. Les furets ont l’habitude de mordre les barreaux de leur cage et de s’y agripper fortement. Les comportements de morsure ou de rognage conduisent à une dyschromie, une usure ou une fracture de la cuspide de la dent. Les fractures dentai­res, fréquentes chez le furet, concernent majoritairement les canines maxillaires. Le vétérinaire doit alors s’assurer que la pulpe dentaire n’est pas exposée. Lorsque la fracture coronaire atteint cette dernière, il s’agit d’une fracture compliquée. Un traitement canalaire conservateur ou une extraction dentaire est alors indiqué. Chez le furet, une prolifération nerveuse au-dessous de l’apex de la dent qui a subi une pulpectomie est notée. Elle est susceptible d’être à l’origine de douleurs chroniques qui justifient une extraction.

Même si la cavité pulpaire des canines du furet est courte et étroite, les fractures dentaires assorties d’ouverture de la cavité pulpaire génèrent une pulpite par la pénétration des bactéries buccales. Celle-ci évolue rapidement en nécrose pulpaire, associée à une inflammation périapicale majeure susceptible d’aboutir à la formation d’un abcès, comme chez les autres espèces. Des expériences montrent que les lésions apicales se développent fort rapidement chez le furet1. Ainsi, toute fracture coronaire compliquée chez le furet est à soigner. Un traitement conservateur n’est envisagé que sur une dent dont le parodonte est sain. Les radiographies dentaires permettent d’évaluer l’état de la racine et de l’os alvéolaire qui l’entoure. L’emploi d’un traitement canalaire, possible chez le furet, utilise l’ensemble des techniques endodontiques mises en œuvre chez le chien, le chat et l’homme. Une instrumentation spécifique et un matériel adapté sont nécessaires. Cela permet de stopper le processus infectieux irréversible établi dans la cavité pulpaire, tout en conservant la dent, et d’éviter ainsi une extraction chirurgicale délabrante.

  • 1 L’étude porte sur huit canines de deux furets : la pulpe dentaire est retirée, la cavité pulpaire reste ouverte pendant une semaine, puis fermée pendant douze semaines. Une radiotransparence périapicale est visible sur toutes les dents affectées dès quatre semaines (F. Fouad, R.E. Walton, B.R. Rittman, 1992. Induced periapical lesions in ferret canines : histologic and radiographic evaluation, Endod. Dent Traumatol., pp. 56-62). Retrouvez la bibliographie de cet article sur notre site https://www.lepointveterinaire.fr/bdd/164/164_4346

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